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Changer d'image, Lettre à la bien aimée

1982

Vidéo. 0h10. Pour la série Changement à plus d'un titre

Godard, de dos devant un écran de cinéma, explique pourquoi il ne peut pas honorer la commande que lui a passée la télévision…

En 1981, à l’occasion de l’arrivée de la gauche au pouvoir, la télévision française projette de réaliser une série de courts métrages regroupés sous l’appellation : le changement à plus d’un titre. La direction de l’un de ces courts est confiée à Godard.

Le résultat ne peut surprendre que ceux qui feignent d’ignorer le penchant blagueur de Godard : durant la totalité du temps qui lui est imparti, il explique pourquoi il est dans l’incapacité d’honorer la commande.

Ses raisons sont multiples, mais celle qu’il avance principalement renvoie à son éternelle interrogation sur l’image. Comment produire, pour la télévision, une image qui illustre le "changement d'image" alors "qu’il n'y a pas d'images, mais quelque chose entre les images" ? Des liens, des échos, des résonnances qui s’immiscent dans cette fracture, dans ce trou noir qui sépare deux images et que Woody Allen tentera de « combler » à l’aide d’une épingle à nourrice dans « King Lear », six ans plus tard. Comment montrer cet invisible ? Comment le montrer à la télévision ? Cet outil où est interdit de séjour l’imaginaire, c'est-à-dire la béance entre deux images ? Cet instrument du pouvoir et de pouvoir qui humilie les créateurs en rejetant ceux qu’il a adulés l’instant d’avant, en adulant ceux qu’il a exposés publiquement dans l'escalier des Gémonies la veille.

Il l’énonce en précisant que tout acte de création serait une déclaration d'amour à la bien-aimée, y compris les textes de Marx et Engels… Précision qui renferme, peut-être, la véritable raison de son incapacité d’honorer la commande : il n’aime pas la télévision.

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