Godard, de dos devant un écran de cinéma, explique pourquoi il ne peut pas honorer la commande que lui a passée la télévision…
En 1981, à loccasion de larrivée de la gauche au pouvoir, la télévision française projette de réaliser une série de courts métrages regroupés sous lappellation : le changement à plus dun titre. La direction de lun de ces courts est confiée à Godard.
Le résultat ne peut surprendre que ceux qui feignent dignorer le penchant blagueur de Godard : durant la totalité du temps qui lui est imparti, il explique pourquoi il est dans lincapacité dhonorer la commande.
Ses raisons sont multiples, mais celle quil avance principalement renvoie à son éternelle interrogation sur limage. Comment produire, pour la télévision, une image qui illustre le "changement d'image" alors "quil n'y a pas d'images, mais quelque chose entre les images" ? Des liens, des échos, des résonnances qui simmiscent dans cette fracture, dans ce trou noir qui sépare deux images et que Woody Allen tentera de « combler » à laide dune épingle à nourrice dans « King Lear », six ans plus tard. Comment montrer cet invisible ? Comment le montrer à la télévision ? Cet outil où est interdit de séjour limaginaire, c'est-à-dire la béance entre deux images ? Cet instrument du pouvoir et de pouvoir qui humilie les créateurs en rejetant ceux quil a adulés linstant davant, en adulant ceux quil a exposés publiquement dans l'escalier des Gémonies la veille.
Il lénonce en précisant que tout acte de création serait une déclaration d'amour à la bien-aimée, y compris les textes de Marx et Engels Précision qui renferme, peut-être, la véritable raison de son incapacité dhonorer la commande : il naime pas la télévision.