 |
 |
Gaël
Bizien, Jérémy Forni, Geoffroy Fauquier, jeunes gens de la génération Mitterrand,
du sida et du chômage de masse interrogent des persoanlités contemporaines
de gauche. Celles-ci procèdent à un diagnostic sans complaisance de la gauche
aujourd’hui, soulignent les avancées et les espoirs que suscitent les luttes
sociales et réaffirment avec force la nécessité de penser l’utopie.
 |
 |
Le
film s'appelle Après la gauche, et c'est bien à un dépassement
des partis politiques actuels pour une invention de forces capables de renverser
le système libéral qu'il appelle. Intégrant à
sa démarche les bouleversements planétaires passés (Chute
du mur, Tienanmen, murs contre l'immigration, altermondialisation, crise financière)
et ceux à venir (modification du climat, la pensée collaboratrice
d'Internet), il propose des pistes pour une utopie construite loin du carcan
libéral qui humilie ou tue à petit feu la presque totalité
de la planète.
La gauche, une PME comme les autres.
La gauche actuelle ne trouve guère de défenseurs parmi les treize intervenants. Elle n'est plus là que pour colmater les brèches du libéralisme et maintenir la servitude. Pour Bernard Stiegler, c'est un parti de boutiquiers, d'abord attentif à assurer son propre fonctionnement en gérant les valeurs de gauche, c'est une PME comme les autres...
François Houtart s'inquiète d'un parti capable de transformer les siens en président de l'OMC, du FMI, d'accepter l'ouverture de Sarkozy sans penser que cela remet en cause les valeurs républicaines. Christophe Aguiton souligne que la gauche vient du même milieu bourgeois que celui des affaires plus que du monde ouvrier. Ce ne sont pas des dirigeants syndicaux qui dirigent le parti socialiste. Depuis 1983, elle s'est repliée sur la gestion du système tel qu'il est. Elle ne fait pas même pas grand chose pour les chômeurs. Edwy Plenel rappelle pourtant qu'elle tire sa légitimité du fait d'être, de toute éternité, du camp des dominés. Elle est moins comptable d'un intérêt général abstrait que de la souffrance des dominés.
Susan George fait valoir que si la gauche a réussi à humaniser le capitalisme en poursuivant des objectifs louables (augmenter les salaires, les droits sociaux). Elle ne s'inquiète pas de défendre ses idées généreuses. Lionel Jospin rappelle aussi qu'elle n'a pas été immobile (35 heures, PACS, parité).
Un contexte historique défavorable tout au long des années 90
La chute du mur de Berlin et la fin du communisme en URSS, le massacre de Tiananmen, transformé par le pouvoir chinois en revendication pour plus de bien être matériel, ont contribué à l'unification idéologique du monde. Ce contexte historique délégitimise les mouvements collectifs, assure le triomphe du capitalisme. Pour Albert Jacquard, l'effondrement du mur est un évènement comparable à la goutte d'eau qui devient glace après un léger choc. Un petit événement provoque un changement très important. Pour Jospin ce fut une surprise cette chute irrésistible, douce et pacifique du mur. Elle ne surprit pas Plenel, persuadé depuis longtemps de l'imposture du monde communiste. Houtart, Hazan et même Susan George regrettent, d'une certaine façon, le communisme et la vie protégée qu'il conférait à certains.
Lionel Jospin a bien conscience que cette globalisation aux mains d'un système productif et financier globalisé est redoutable. Christian Corouge savait aussi que les ouvriers allaient devoir payer la facture.
Des cosmocrates avides et cannibales
La commémoration monarchiste de la révolution 89 en a été le premier signe. Oubliée fut la première constitution en 93 avec son préambule des droits de l'homme radical. Sarkozy et Berlusconi ne sont certes pas des dictateurs mais des patrons de l'économie, liés aux fabricants d'arme, au numéro un mondial du luxe, du BTP, à ceux qui contrôlent les ports africains. L'Etat donne plus d'argent à General Moteur que pour aider toute l'Afrique. L'Alena ruine le marché du maïs. Force des lobbies, Davos, les cosmocrates monopolisation du pouvoir symbolique, idéologique 500 société transcontinentales privées (85 000 recensées par l'ONU) 52 % du PMB produit mondial brut
Dans cette économie cannibale, l'avidité obsessionnelle de certains a pour conséquence l'angoisse et l'humiliation des chômeurs. Alors que le système se globalise, il se renforce et pèse sur des opprimes dont les forces sont fragmentées et permettent la disproportion entre les sommes dépensées pour le bien collectif et celles pour la défense du libéralisme. Les chiffres de la honte, ce sont d'un côté 5 milliards pour éliminer l'analphabétisme, 19 milliards pour permettre l'accès à tous de l'eau potable, 19 pour diffuser la trithérapie auprès des malades du Sida, 30 milliards pour éliminer la dette des 40 pays les plus pauvres, 50 milliards pour développer des énergies alternatives Et, en face : 1464 milliards de dépenses militaires mondiales en 2009, 5000 milliards pour les plans de relance de l'économie en 2009.
Se font jour des raisons d'espérer. L'altermondialistes qui sort de l'ombre à Seattle en 1999 après avoir lutté contre accord multilatéral sur l'AMI en 1997 et possibilité de faire des procès aux Etats qui entraveraient leur prospérité. Joseph Stieglitz passe de conseiller économique de Clinton de dirigeant de la Banque mondiale à l'attaque des valeurs qu'il avait jusqu'alors défendu. La victoire de la gauche en Amérique du sud et notamment de la Bolivie qui maitrise dorénavant ses revenus pétroliers.
Le changement sera peut-être aussi imposé par les migrations des gens: entre centres riches et banlieues pauvres, entre pays riches et pays pauvres (entre 1988 et 2009, 12 000 morts de migrants), entre régions soumises à la sécheresse ou à la montée des eaux qui pourrait entraîner 200 millions de migrants climatiques
L'Utopie contre la pensée unique
La pensé unique, connue aussi sous le nom de la thèse "no alternative" ou du consensus de Washington, s'impose durant les années 90 car les néo libéraux contrôlent les postes clés du pouvoir, des médias et des universités. La gauche elle même est incapable de penser une sortie de crise en dehors des outils libéraux.
Bernard Stiegler souligne que l'ouvrier, celui qui œuvre, qui a un savoir et n'est donc pas remplaçable, disparait au profit du prolétaire, définit justement par Marx comme celui que l'on peut remplacer par n'importe qui. Les prolétaires, ceux qui rentrent chez eux exténués le soir, sont pourtant une masse visible. Mais le prolétaire cherche lui-même à se distinguer du mauvais pauvre, désigné comme un parasite méprisable. Mais, si tout le monde doit travailler, alors il faut prendre n'importe quoi. Le salaire d'un intérimaire qui se lève à quatre heures du matin, souligne Christian Corouge, est souvent d'à peine 1000 euros alors qu'il était de 4 600 francs en 1968. Bientôt madame Peugeot et les petites sœurs des pauvres reviendront "aider" les ouvriers. Cette paupérisation attend ouvriers, employés et professions intermédiaires qui représentent 70 % de la population alors que les exclus ne reçoivent qu'un traitement social mesquin
La terre appartient à tout le monde. On fait tout ensemble. Linux, Wikipedia proposent des modèles de développement différents de la planification et de l'étatisation. François Houtart voit plusieurs conditions à la réalisation de la société nouvelle : respect et non exploitation de la nature, valeur d'usage plus que valeur d'échange, démocratie généralisée à l'ensemble de la planète. Utopie autour d'une société de semblables que Bernard Stigler voit regroupés autour du savoir d'achat, du savoir vivre, d'un projet spirituel. Le désir, c'est de la sublimation, comprendre la cité, vient un moment où les choses basculent, la métaphore du tas de sable ou de l'eau qui devient glace.
Un dispositif formel assez simple pour une parole collective
Les interviews se déroulent dans l'usine Babcock, une usine désaffectée de la banlieue parisienne, ancienne cathédrale industrielle qui témoigne de la décomposition de la mémoire ouvrière.
Le saucissonnage des interventions ne produit pour une fois pas l'impression que chacun est venu faire son petit numéro sans avoir autre chose à tenir que son propre discours préalable. L'échange entre la pensée préalable des auteurs et les mots des interviewés servent souvent de tête de chapitre. Les discours s'organisent, se répondent pour une parole construite collectivement. Même la sous-représentation des femmes et des écologistes (Jacquard peut-être) ne nuit pas à ce projet réjouissant et stimulant qui semble faire écho à l'indignation actuelle de la jeunesse qui s'indigne et se rassemble pour faire contrepoids par sa masse à ceux qui ont confisqué notre démocratie.
Pour répondre à un capitalisme mondialisé, la révolution sera mondiale. Elle sera portée par une force collaboratrice et non par des partis politiques nationaux, aura pour objectif de favoriser la valeur d'usage contre la valeur d'échange, empêchera l'appropriation de quelques uns des biens offerts par la planète en recourant à un impôt progressif dissuasif. Cette société de "semblables", favorisera l'éducation, le goût critique, le désir et la sublimation de celui-ci.
Jean-Luc Lacuve, le 2/05/2011.
|
 |
|
Christian Corouge, ouvrier à la chaine et
sociologue
|
Robert Castel, Sociologue
|
 |
 |
|
Antonio Negri Philosophe
|
Armand Mattelart Sociologue
|
 |
 |
|
Albert Jacquard Généticien
|
Susan George Essayiste
|
 |
 |
|
François Houtart Prêtre et sociologue
|
Edwy Plenel Journaliste
|
 |
 |
|
Christophe Aguiton, Chercheur et syndicaliste
|
Bernard Stiegler Philosophe
|
 |
 |
|
Lionel Jospin Ancien Premier ministre
|
Jean Ziegler Ancien rapporteur à l'ONU
|
 |
|
|
Eric Hazan Editeur et essayiste
|
|
 |
Editeur : Compagnie des Phares et balises. Juin 2011. DVD. 20 €. |
 |
|
|
Jérémy Forni
|
 |
 |