2012

Une société de télémarketing comme elles le sont toutes : sans foi ni loi autre que la rentabilité. Des stagiaires pressés par un coach ont appris leur rôle : ils sont Pascal Dumont et proposent à ceux qu'ils appellent de gagner une invitation chez eux d'un hôte de marque : Eddy Merckx... s'ils se rendent au Sofa Life (tout un poème) le plus près de chez eux avec leur petite famille

Michel Ressac, 35 ans, sans situation précise est réveillé par l'un de ces appels. Il a du mal à y croire : il a gagné, le pense-t-il une invitation d'Eddy Merckx, son idole, à diner dans son salon. Mais son salon, c'est pas grand chose. Ainsi a-t-il une idée de génie : il va proposer à sa sœur Brigitte d'inviter, dans son salon à elle, Eddy Merckx. Le prétexte sera l'anniversaire des 83 ans du père, grand admirateur du coureur cycliste. Michel doit ainsi de nouveau composer avec son père grabataire avec lequel il ne parle plus depuis bien longtemps et avec son beau-frère, Eric, qui ne perd pas une occasion de lui rappeler combien minable socialement il est.

Mais qu'importe, Michel fonce maintenant vers le Sofa Life où le Pascal Dumont du coin le rembarre cependant. Il est venu seul, sans sa petite famille et ne peut donc prétendre à tenter sa chance. Qu'à cela ne tienne, Michel n'est pas à court d'idées : il mobilise son voisin, le petit Kevin, et Christine, son ex petite amie....

Torpédo ne va pas révolutionner le cinéma mais il comporte un personnage et quelques situations qui en font mieux qu'un simple décalque d'une comédie road movie, type Little mis sunshine.

Du Michel Ressac emporté vers le grand large

Le personnage de Michel Ressac, sorte de bohème minimaliste vivant en accord avec lui-même, sert classiquement de révélateur aux hypocrisies de la vie bourgeoise, celle de sa sœur et de son beau-frère hargneux ou celle du compagnon de Christine, footeux ayant besoin moins besoin d'une femme que d'une boniche. C'est aussi un personnage obstiné et donc prêt aux répétitions burlesques quand il s'acharne à transformer sa famille de fortune en vraie famille (gags des vêtements, du prénom Michel, de la famille allemande...).

Si Donck travaille avant tout le côté burlesque, il maintient le ton juste d'une transformation aussi improbable qu'idéalisée du personnage. Si le présent immédiat est sans avenir, c'est en se heurtant au passé qu'il sera peut-être possible d'en trouver un. Le ressac étant ce retour violent des vagues vers le large, après qu'elles aient frappé avec impétuosité une terre, un obstacle, on verra sans trop de problèmes une renaissance du personnage dans ce bain de jouvence en forme de bain d'alcool que constitue sa rencontre avec son oncle et sa tante.

Eclopés un jour, éclopés toujours

Les trois autres personnages principaux sont également bien dessinés comme éclopés tentant de survivre : la fragile Christine qu'handicape sa tache de vin sous l'œil se souriant enfin à elle même quand elle la fait disparaitre en dehors du miroir dans lequel elle se regarde ou l'excellent Kevin exigeant tout immédiatement (argent pour iphone, sirène de brume ou big mac) sachant très bien de quoi est fait son non-avenir. Pascal Dumont, cynique tête de turc est assommé, scotché coiffé d'un grand sac sur la tête et tant et tant sonné qu'il s'humanise.

Dans le monde cynique de Sofa life (tout un poème) le soudain idéalisme de Michel déclenche quelques gags bienvenus. Le road-movie redonne vie à quelques clichés sympathiques de la vie de famille : le vélo appris aux enfants, le feu de camp avec le vœu des étoiles filantes. Le traumatisme belge de l'affaire Marc Dutroux est aussi subtilement recyclé : voit-on bien ce que l'on a sous les yeux ? Le message à la radio dans le garage ou le reportage télé dans le magasin, indiqueraient que non. Mais la plus belle idée est sans doute celle des papiers blancs qui recouvrent le trio cerné par la police à la fin, évocation de la neige en été qu'avait souhaitée Kevin... aussi improbable que l'idéal de la famille des personnages.

Parce que le film en ment jamais aux personnages pas plus qu'au spectateur (le camping-car arrivera bien dans la splendide baie de Brest et dans son immonde Sofa Life), il offre une comédie décapante des faux-semblants aussi bien que de l'idéalisme niaiseux de ceux qui promettent le bonheur pour demain (terrible image des vrais parents, inertes, regardant leur fils à la télé).

Jean-Luc Lacuve le 9/04/2012

 

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Avec : François Damiens (Michel Ressac), Audrey Dana (Christine), Cédric Constantin (Kevin), Christian Charmetant (Pascal Dumont), Patrick Descamps (Robert), Bambina Liberatore (Rosa), Gustave de Kervern (le garagiste), Delphine Bibet (Brigitte), Olivier Massart (Eric), Jack Damiens (Thomas). 1h29.
Torpedo
Genres : Comédie burlesque, Road-movie