Joe Gardner, professeur de musique dans un collège à New York, se sent coincé dans la vie et insatisfait de son travail. Il rêve d'une carrière dans le jazz, à laquelle sa mère de couturière, Libba, s'oppose, craignant pour sa sécurité financière. Par chance, son ancien élève, Curley, l'informe d'un engagement possible dans le groupe de Dorothea Williams, une légende du jazz. Joe impressionne Dorothea par son jeu son piano et se voit offrir le poste vacant. Alors que Joe se prépare joyeusement pour sa première représentation, il tombe dans une bouche d'égoût.
Joe est désormais une âme désincarnée se dirigeant vers le "Grand Au-delà". Ne voulant pas mourir avant son grand concert, Joe tente de s'échapper mais tombe cette fois dans le "Grand Avant", où des Grands conseillers - tous prénommés Jerry - préparent les âmes à naître à la vie sur Terre. Joe ne pouvant redescendre seul sur terre se présente comme un instructeur capable de former les âmes et se voit attribuer "22", une âme désabusée, restée dans le Grand Avant pendant des millénaires et qui ne voit aucun intérêt à vivre sur Terre. 22 révèle qu'elle a un badge auquel il ne manque plus qu'une case pour descendre sur terre. Elle le donnera à Joe pour qu'il puisse rentrer chez lui s'il parvient à lui donner la fameuse "étincelle" pour le terminer.
Joe essaie d'aider 22 à trouver une passion, mais les tentatives s'avèrent vaines. et ils naviguent bientôt au sein des âmes perdues qui deviennent obsédées par leur tristesse. Ils y rencontrent Vent de lune, as de la planche publicitaire qui se consacre à sauver les âmes perdues. Il accepte d'aider Joe à retrouver son corps, dans le coma depuis sa chute.
Joe revient sur Terre avec enthousiasme, mais en amène aussi 22 avec lui, ce qui fait que 22 pénètre dans son corps et Joe se retrouve dans le corps d'un chat. Pendant ce temps, Terry, le comptable des âmes vers le Grand Au-delà, constate une absence et convainc les Jerrys de le laisser aller sur Terre à la recherche de l'âme manquante.
22 et Joe s'échappent de l'hôpital. Au départ effrayée, 22 s'installe dans le corps de Joe et trouve beaucoup de plaisir dans les petites choses de la vie. Ils se dirigent vers l'appartement de Joe où Connie, l'un des étudiants de Joe, arrive pour lui dire qu'elle quitte le groupe. Avant de partir, Connie joue un solo de trombone passionné devant 22 qui feint l'indifférence et se convainc du talent qu'elle a . Heureuse, Connie remercie "Joe" et part, ayant changé d'avis.
Joe va ensuite se faire couper les cheveux et 22 tient à travers lui une conversation profonde avec Dez, le coiffeur. Après 22 déchire le pantalon de Joe en se penchant et le duo va voir Libba pour le faire réparer. "Joe" se réconcilie avec sa mère, qui accepte enfin la passion de Joe pour la musique et lui offre l'ancien costume de son défunt père.
Avant que Vent de lune ne puisse restaurer Joe dans son corps, 22 décide qu'elle est bien sur terre et refuse de procéder à la restauration. Alors qu'elle s'enfuit avec Joe à sa poursuite, Terry les rattrape et les ramène au Grand Avant, où 22 constate que son badge est complet. Mais Joe insiste sur le fait que le badge provient de ses expériences et de ses goûts. En colère, 22 jette le badge à Joe et disparaît dans la zone des âmes perdues. Joe apprend d'un Jerry qu'au lieu d'un but dans la vie, une étincelle suffit pour qu'une âme soit prête à vivre.
Joe retourne sur Terre et réussit son quatuor avec Dorothea. L'expérience, cependant, ne se révèle pas aussi enrichissante que Joe l'aurait espéré. Pire encore, il devrait reproduire la même expérience décevante nuit après nuit. Réalisant son égoïsme envers 22, il décide de revenir pour l'aider.
Inspiré par les objets que 22 avait rassemblé, Joe joue du piano pour entrer dans la zone et chercher 22, qui est désormais une âme perdue. Il essaie de lui rendre son badge, mais 22 reste désespérée et brisée. À l'aide d'une petite graine d'érable que 22 avaient gardée, Joe la convainc qu'elle est prête à vivre et elle revient à la normale. Avec son badge, 22 entre finalement sur Terre avec Joe l'accompagnant aussi longtemps qu'il le peut. Alors qu'il se prépare à se diriger vers le Grand Au-delà, Joe est arrêté par un Jerry qui lui dit qu'il les a inspirés et lui donne une autre chance de vivre. Joe accepte et retourne dans son corps sur Terre, maintenant prêt à vivre et à apprécier une vie plus heureuse et plus détendue.
Film qui prétend être une ode au jazz et à la musique mais qui fait reculer cette passion, et toute passion, derrière le simple plaisir de vivre des petites choses et l'attention aux autres. Une grande gentillesse donc mais aussi une mièvrerie qui se ressent jusque dans le dessin, éthéré dans Le Grand Avant et hyperréaliste dans New York reconstituée.
De la passion du jazz à "jazzer sa vie"
Joe croit qu'il faut une passion pour aimer la vie et c'est cette étincelle qu’il veut donner à 22. Mais la passion de Joe trouve peu d'expression dans le film, le souvenir d'une rencontre avec un pianiste et le solo de piano qu’il exécute avec Dorothea Williams et qui lui vaut son engagement. Certes ensuite, il improvise un solo en contemplant les souvenirs que 22 lui a laissé de son passage sur terre. Mais c'est là ou la musique s'efface et qu'il se rend alors compte que si une étincelle unique ne suffit peut être pas (le bon goût de la pizza, de la discussion avec Connie, le barbier ou Libba, ou la chute d'une feuille d'érable) mais que l'ensemble e de ces éléments peut faire "jazzer sa vie". Ainsi, entre la passion du jazz et "jazzer la vie", ce sera opéré la philosophie un tantinet new âge de Docter.
Esthétique hyperréaliste, acidulée ou quantique ?
Le Grand Avant, où l'on apprend à répondre à la question "Qui suis-je ?", se résume ainsi, soit à de grandes catégories : Enthousiaste, aigri, coléreux ou, de manière un peu plus complexe, à jazzer sa vie. L'ensemble est néanmoins largement convenu, loin des interactions des émotions de Vice versa (2015).
Le dessin lui-même hésite entre hyperréalisme de New York, ou le terrain vague rempli de bonbons chimiques acidulés du Grand Avant. Plus intéressants, les Jerry "assemblage de tous les champs quantiques de l’univers" dont la géométrie complexe et la joie bienveillante semblent trouver leur inspiration dans La joie de vivre de Pablo Picasso.
Jean-Luc Lacuve, le 2 janvier 2021