Les chars marqués d'un Z sont devant l'hôpital n°2 face à l'église et des bus. Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka, journalistes ukrainiens à l’agence Associated Press (AP), les filment depuis le 6e étage de leur immeuble. Générique.
1er jour : 24 février 2022. Tout parait normal. Marioupol offre encore le visage d’une ville ordinaire. Dans la rue, les drapeaux ukrainiens flottent au vent. "Les guerres ne commencent pas par des explosions, mais par le silence", explique le réalisateur en voix off. Poutine dit mener une opération spéciale où rien ne sera fait par la force, juste prévenir une situation qui serait plus catastrophique que maintenant. 1 heures après leur arrivée, Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka voient les bombes tomber dans la banlieue détruisant une base militaire avec radar, préparation aux bombardements sur la ville
Marioupol est un port immense, une ville industrielle. S'en allant sur la rive gauche, la plus près de la frontière russe, Mstyslav Chernov croise une vieille dame en pleurs, affolée, qui ne sait où se cacher. « Rentrez et restez chez vous, ils ne tirent pas sur les civils », la rassure-t-il. Il avait tort : une heure plus tard, les bombes frappent le quartier. Un homme dit vouloir vivre tranquille en Ukraine et trouver folle la propagande de Poutine sur les intentions belliqueuses de l'Ukraine. Un enfant pleure dans un sous-sol : elle a compris que c'était la guerre. Leurs images sont envoyées à leur rédaction et reprises sur les chaînes d'information.
3e jour : 26 février. Les Russes prennent les petites villes autour de Marioupol et bloquent les routes. Un quart de la population a fui. Dans le centre de fitness reconverti en abris, la mère d'un jeune enfant gémit : "Qu'est-ce que l'on a fait pour mériter cela ? Quel crime ont commis les habitants de cette ville ? Je ne comprends pas ce qui se passe".
Dans l'abri bondé après le bombardement de son quartier Mstyslav Chernov croise la femme rencontrée le premier jour. "J’avais tort, reprend la voix off. Je lui présente mes excuses". Malgré les propos de la propagande, les troupes russes ne cessent de prendre les civils pour cible.
4e jour : 27 février. Des soldats patrouillent devant l'hôpital. Un avion de combat russe le survole. Mstyslav Chernov convainc les militaires ukrainiens de le laisser filmer. "Cette guerre est historique", leur explique-t-il. Les médecins tentent de ranimer Evangelina, 4 ans, grièvement blessée dans une attaque de missile, et qu’ils ne parviennent pas à sauver. Le journaliste filme tout, les mains qui tremblent de peur, la douleur des parents, les brancards qui se bousculent, les soignants qui fondent en larmes. Le soir la télévision reprend ces images et indique que le lendemain sera le dernier jour avant la fermeture des routes
7e jour : 2 mars. Internet est perturbé, tous les journalistes internationaux sont partis. Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka restent avec les secours et vont sur la rive gauche; une femme été blessé sur son balcon alors qu'un obus touchait l'immeuble d'en face. Mais rue Kirova sur la rive sud, les blessés sont nombreux. Le médecin montre les corps blessés du quartier populaire de Kirov. Un fils de seize ans qui jouait au football a perdu ses jambes. Son père, effondré, constate son décès. La ligne de front se rapproche, Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka envoient leurs images en signalant qu'elles sont choquantes aux rédacteurs
8e jour : 3 mars. Les bombardements ont atteint le quartier de l'hôpital. Dans les salles d'opérations, les couloirs, les blessés s'accumulent. Il n'y a pas assez d'antalgiques, pas assez d'antiseptiques pour éviter l'amputation. Les entrepôts techniques servent de morgue. Envoi des messages et photos par téléphone satellite.
9e jour : 4 mars. Kyril, 18 mois, est apporté par ses parents en detresse. Il saigne à la tête et ne peut être sauvé. Mstyslav Chernov repense à ce qu'il a filmé : la révolution de la dignité, l'annexion de la Crimée, la guerre du Donbass, le missile sur le vol MH117, le siège de l'aéroport de Donetsk. "Nous filmons et la situation ne change pas. Si elle s'aggrave, la propagande met le monde à l'envers". A la télévision russe, les enfants piétinent un drapeau ukrainien. La télévision informe que le couloir d’évacuation est fermé. Marioupol est assiégée.
11e jour : 6 mars. Appel des Russes à se rendre : tout va être bombardé. Pas de téléphone pour transmettre les images : il faut sortir de l'hôpital. Pas de couloir humanitaire. Le 4 mars, un centre commercial a été bombardé. Désespoir, pillage, appel à être solidaire. "La guerre c'est comme une radio : tout l'intérieur du corps humain devient visible". La population souffre de l'isolement Impossible d'envoyer les images. Dans un sous-sol, une femme refuse de devoir être russe, ne serait-ce qu'une seconde. Réseau retrouvé : les vidéos sont envoyées par fragments de 10 secondes avec le téléphone sur le balcon. Les télévisions reprennent l'agonie de Kyril, filmée le 4 mars.
14e jour : 9 mars. Il faut enterrer les morts. L’hôpital est bombardé ; la maternité de Marioupol est détruite. Une femme enceinte est évacuée sur un brancard. Un officier, Vladimir, veut être filmé lançant un appel à la communauté internationale : "S'il vous plait, aidez Marioupol". A la télévision ukrainienne, Zelenski dénonce ces atrocités commises par les Russes.
15e jour : 10 mars. Destruction de la caserne de pompiers, de l'université. Un homme hagard dans la rue, ayant marché plusieurs heures, déménage chez sa femme. Aidé par Vladimir, Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka vont chercher du réseau dans le seul secteur en possédant encore. Leur reportage sur la maternité bombardée et les victimes blessées a fait le tour du monde mais on leur annonce aussi que la propagande russe déclare que ce sont des fake, du "terrorisme informationnel". La maternité serait un plateau de tournage avec des acteurs mis en scène.
16e jour : 11 mars. Mstyslav Chernov a l'espoir que la femme enceinte a survécu aux urgences. Mais, selon l'infirmière qui l'a accueillie, Irvina a crié "Tuez-moi" à son arrivée aux urgences, son bébé déjà mort. Dans les couloirs, errent les gens qui n'ont plus de maison ou qui ont perdu un enfant. Des combats ont lieu devant l'hôpital, déclaré "zone rouge", envahie par l'ennemi.
Un char arrive, Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka l'observent depuis le 6e étage où ils se sont repliés; ce sont les images du début. La peur d'être pris pour cible s'efface devant l'angoisse de ne pas parvenir à transmettre leurs images.
17e jour : 12 mars. Vladimir a appelé une section spéciale de l'armée pour les exfiltrer vers la ville encore contrôlée par l'Ukraine. Ils abandonnent avec remords les médecins qui les ont aidé et les femmes enceintes
20e jour : 15 mars. La rive gauche est prise à l’exception de la zone Azov. Le 13 mars les zones résidentielles continuent d’être bombardées. Les gens ne savent plus qui les bombarde.
Le 15 mars, on leur dit qu’un convoi de la Croix rouge pourrait les évacuer; celui parti du dernier hôpital est déjà parti. Des blessés et des morts au sous-sol. Vladimir propose de les faire sortir avec sa voiture pour que leurs images donnent un peu de sens à cette tragédie. 100 km en voiture avec la famille, les disques durs cachés sous les sièges. Ils rejoignent le convoi et partent vers l’Ukraine diffuser leurs reportages qui sont repris par le monde entier .
L’hôpital où ils étaient réfugiés tombe aux mains des Russes quelques heures plus tard. A leur départ, Marioupol n’est déjà plus qu’une ville en ruine, grise, fumante et peuplée de fantômes. Une dernière séquence montre le drapeau russe flottant devant un immeuble calciné. Le siège a duré quatre-vingt-six jours et fait au moins 25 000 morts, selon les autorités ukrainiennes.
Les rares images du siège de Marioupol, c’est à eux qu’on les doit. Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka, journalistes ukrainiens à l’agence Associated Press (AP), sont les seuls représentants de la presse internationale à être restés dans cette ville du sud de l’Ukraine après le début de l’invasion russe, le 24 février 2022. Pendant vingt jours, ils ont documenté le supplice de ses habitants, coupés du monde, privés de réseaux téléphoniques, d’électricité, d’eau, de chauffage, de nourriture, et soumis aux bombardements incessants des troupes russes.
Le film, réalisé par Mstyslav Chernov, montre comment la Russie de Vladimir Poutine a anéanti la ville – à la fois port stratégique et cible symbolique – et réduit au silence les 450 000 personnes qui y vivaient. Un document pour l’histoire diffusé par France 5 le 25 février et disponible en replay sur France Télévision jusqu'en 2027.