Cartons : "L'âge des ténèbres. La terre était divisée et sans roi. De ces siècles perdus est née une légende, celle du sorcier Merlin, celle de l'avènement d'un roi et celle d'une épée magique : Excalibur"
Le roi Uther Pendragon gagne une autre de ses petites batailles sans fin en Cornouailles. Merlin lui demande d'imposer une trêve et de le retrouver le lendemain sur la rivière. Merlin reçoit l'épée Excalibur, donnée par la Dame du Lac, et la remet à Uther. L'épée doit lui permettre d'unifier le pays de Grande-Bretagne avec pour devise : "Une terre, un roi'.
Le duc de Cornouailles accepte de se soumettre devant l'épée. Il accueille son roi dans son château mais le nargue avec la beauté de sa femme Ygraine. La danse de celle-ci enflamme Uther au point de déclarer sur le champ la guerre à son tout nouveau vassal ruinant les espoirs de paix de Merlin. Uther fait le siège du château du duc pour s'emparer d'Ygraine. Mais le siège est un échec et Uther demande à l'enchanteur de lui venir en aide. Utilisant sa magie, Merlin réveille le dragon dont le souffle, un épais brouillard qui permet à Uther, qui a pris par magie l'apparence du duc de Cornouailles d'entrer de nuit dans son château et de s'unir à Ygraine. Le duc, parti à l'attaque d'Uther, meurt au moment où Uther conçoit un enfant avec Ygraine.
En échange de son aide, Merlin avait réclamé à Uther l'enfant qui naîtrait de cette union, Arthur. Neuf lunes plus tard, il vient l'exiger sous les yeux ironiques de la jeune Morgane, fille légitime d'Ygraine et du duc. Merlin espère qu'Arthur sera l'élu capable d'unifier le pays, au contraire d'Uther qui a perdu la confiance de ses vassaux. Uther laisse partir Merlin avec le bébé dans ses bras puis se ravise. Il est alors pris dans une embuscade tendue par les hommes du duc de Cornouailles qui le blessent. Sentant la mort approcher, Uther plante Excalibur dans un rocher afin que personne ne puisse la lui prendre.
À son adolescence, Arthur, devenu écuyer, assiste à un tournoi de chevalerie avec Sir Hector Morven et son fils Kay. Le vainqueur de la joute est autorisé à tenter sa chance pour retirer Excalibur du rocher. Kay, s'apprêtant à concourir, n'a pas son épée. Arthur, parti la chercher, s'aperçoit qu'elle a été dérobée. En tentant d'en trouver une autre, il se retrouve face au rocher où est fichée Excalibur. Après un instant d'hésitation, il libère sans effort Excalibur du rocher pour la donner à Kay. Mais son acte ne passe pas inaperçu, et, remettant l'épée en place, il la retire de nouveau pour être proclamé en tant que nouveau Roi de Bretagne. Hector révèle alors à Arthur qu'il est le fils d'Uther que Merlin lui avait demandé d'élever. Redoutant un complot ourdi par Merlin, certains seigneurs, dont Camelyarde et Urien, refusent ce nouveau roi, illégitime selon eux, et se liguent contre lui.
Arthur et ses partisans viennent au secours de Leondegrance qui défend leur cause. Son château est attaqué par Urien et Camelyarde. Arthur s'y montre brave et, vainqueur d'Urien, ne le tue pas mais au contraire lui demande de l'armer chevalier. Il réussit ainsi à créer une alliance autour de lui. Guenièvre, la fille de Leondegrance est tombée sous le charme d'Arthur qui l'aime aussi. Seul sur un pont, Lancelot du lac met en déroute les chevaliers d'Arthur qui se bat seul contre lui. Lancelot cherche un roi suffisamment brave pour se mettre à son service. Il accepte le défi d'Arthur. Vaincu, celui-ci en appel à Excalibur et parvient par son pouvoir magique à renverser l'issue du combat. Mas Excalibur se brise. Arthur sait que l'espoir aussi s'est brisé. Par son orgueil et sa fureur, il a brisé l'épée qui devait être au service de tous les hommes et non de la vanité d'un seul. Sa contrition émeut la dame du lac qui lui restitue l'épée intacte. Arthur fait de Lancelot son champion et, avec le soutien de ses chevaliers et de Merlin, et grâce à son courage et sa grandeur d'âme, il parvient à s'imposer comme roi et à unifier le royaume. Il décide de la création de la confrérie des Chevaliers de la Table ronde.
Arthur dépêche Lancelot pour conduire Guenièvre de chez son père à Camelot pour leur mariage. Lancelot et Guenièvre tombent amoureux l'un de l'autre, au premier regard. Le mariage chrétien entre Arthur et Guenièvre est célébré. Morgane de Cornouailles vient demander à Merlin d'être son apprentie. Lancelot s'est éloigné de Camelot pour oublier Guenièvre. Il y revient avec Perceval dont il fait son écuyer mais s'en repart aussitôt constatant la permanence de cet amour. Morgane s'en est aperçu et pousse Gauvin à révéler à tous l'amour de Guenièvre pour Lancelot, cause de sa non participation à la table ronde. Gauvain exige le jugement de Dieu et c'est Lancelot qui devra combattre pour la reine. Lancelot demande à Dieu de le délivrer de son amour et fait le cauchemar de se battre contre lui-même, signe de son état mental. Il se blesse avec sa propre épée. A l'heure prévue pour le tournoi, Lancelot est absent et Gauvain réclame justice. Seul Perceval accepte de défendre la reine. Pour cela Arthur l'arme chevalier. Mais Lancelot, blessé, arrive alors pour défendre la reine et vainc Gauvain. Guenièvre soigne Lancelot qui fuit de nouveau mais est rattrapé par Guenièvre et tout deux s'aiment dans la forêt. Arthur interroge vainement Merlin sur l'attitude à tenir : 'mes jours s'achèvent. Les dieux d'autrefois sont partis, à jamais. L'heure des hommes est venue, ton heure est venue Arthur. Tu dois affronter ce moment pour être roi, seul". Merlin veut se retirer du monde mais il emmène imprudemment Morgane avec lui dans els anneaux du dragon pour l'y bruler. Arthur, de rage, plante Excalibur entre les corps emmêlés des amants endormis et abandonne là son épée, plantée dans les reins du dragon. La terre en perd son équilibre et Merlin, blessé et désorienté, sous l'impulsion de Morgane prononce le charme suprême pour appeler le dragon "anath rafort urptha bethet, doriet dienvet". Morgane s'empare du charme et emprisonne à jamais Merlin dans les anneaux du Dragon. À son réveil, Lancelot, apercevant l'épée du Roi, devient fou (le roi sans épée, la terre sans roi) et s'enfuit. Quant à Guenièvre, effondrée, elle se retire dans un couvent. Morgane munie des secrets de Merlin utilise ses touts nouveaux pouvoirs pour séduire son demi-frère Arthur pour engendrer un enfant incestueux, Mordred, pour qui elle nourrit de grandes ambitions.
Avec ce fils, Morgane se dresse contre le roi et amène la désolation sur la terre désunie. Arthur, affaibli, par la foudre reçue en demandant l'aide de Dieu, envoie tous ses chevaliers à la recherche du Saint Graal, ultime espoir de rédemption du royaume. Beaucoup échouent et sont tués. Au bout de dix ans, Perceval, suit Mordred, tout d'or vêtu et tombe dans les bras de Morgane qui tente de lui faire abandonner sa quête. Comme il refuse, il est pendu sur un arbre où sont nombre de chevaliers morts. Agonisant, il entrevoit le Graal mais prend peur et renonce à répondre aux questions.
Mordred est maintenant grand et exige Camelot, qu'Arthur lui refuse. Perceval assiste à la mort d'Urien qui, dans un dernier souffle l'encourage à poursuivre la quête. Emporté par le courant dans lequel l'a jeté Lancelot devenu fou, Perceval se noie et entrevoit de nouveau le Graal. Il a cette fois la réponse : "Roi et la terre ne font qu'un". Il rapporter le Graal au Roi.
Arthur, qui a retrouvé ses forces, part alors en guerre contre Mordred et Morgane avec les quelques chevaliers qui lui sont restés fidèles. Avant son départ, le Roi rend visite à Guenièvre pour lui pardonner. Celle-ci lui rend Excalibur qu'elle avait précieusement conservée depuis sa nuit d'amour avec Lancelot. Arthur en appelle ensuite à Merlin, ce qui libère en partie l'enchanteur de sa prison. Devenu un spectre, il ne peut agir sur le monde physique mais sa ruse lui permet de forcer Morgane à utiliser sa magie. Ce faisant, elle provoque un immense brouillard qui noie l'ensemble de son campement. Mais le sort, trop puissant, l'affaiblit et la prive de sa jeunesse artificielle. Mordred, étonné de voir le brouillard se lever alors que sa mère lui avait certifié que sa magie assurerait un temps clair pour les combats, la rejoint sous sa tente. Mais en voyant cette vieille femme à la place de sa mère, il la tue. Profitant du brouillard, Arthur et son armée attaquent Mordred en faisant croire à leur surnombre. Mais la bataille fait rage, et ils sont toutefois vite débordés ; seuls restent debout Perceval et Arthur. C'est alors que revient Lancelot, et sa hargne permet d'inverser le cours de la bataille. Finalement, Arthur et Mordred s'affrontent en combat singulier et se blessent mortellement l'un l'autre.
Le Roi, sentant sa mort arriver, demande à Perceval de jeter Excalibur dans un lac proche. Perceval hésite, revient vers Arthur, qui lui dit qu'un jour un Roi viendra à nouveau, et que l'épée réapparaîtra. Perceval finit par jeter l'épée et une main sortant de l'eau la saisit au vol. À son retour, Perceval aperçoit Arthur au loin étendu sur un navire, entouré par trois femmes vêtues de blanc, naviguant vers Avalon.
Excalibur raconte comment le mythe du pouvoir, celui d'une liaison harmonieuse entre le microcosme et le macrocosme entretenu par Merlin, se revitalise en passant, durant l'âge chrétien, par l'institution de la royauté avant de devenir propriété des hommes. Le mythe de ce pouvoir, symbolisé par l'épée Excalibur ne pouvait être entretenu par Uther, soumis à ses seuls désirs terrestres. Arthur lui-même subit deux graves échecs de part sa vanité. Boorman et Palalda qui adaptent La mort d'Arthur recourent alors à une triple fusion en Arthur : il est le roi, le roi blessé de Malory, et Jésus-Christ. Pour déployer une telle revitalisation du mythe du pouvoir, Boorman a recours à de nombreuses œuvres littéraires, picturales et musicales.
Le mythe du lien entre microcosme et macrocosme
Comme l'écrit Sam Azulis "Ce dont il est fondamentalement question dans Excalibur, c'est de la préservation du lien entre le microcosme et le macrocosme, de cette unité secrète permettant à l'homme de connaitre et d'assumer sa place dans le monde". Les cartons initiaux préviennent : "La terre était divisée et sans roi". L'épée que Merlin donne à Uther doit lui permettre d'unifier le pays de Grande-Bretagne avec pour devise : "Une terre, un roi." Puis lorsqu'il abandonne son destin par faiblesse humaine, c'est Arthur qui demande à Merlin ce que signifie être roi. Ce dernier lui répond sans la moindre hésitation : "Tu seras la terre et la terre sera toi. Si tu échoues, la terre périra. Si tu prospères, la terre s'épanouira". Puis, pour conquérir le Graal, des questions sont posées à Perceval : "- Quel est le secret du graal ? Qui sert-il ?"." - Vous seigneur". "- Qui suis-je ?". "- Vous êtes mon seigneur et roi, vous êtes Arthur". "- As-tu trouvé le secret que j'ai perdu ?". "-Oui, terre et roi sont un". De retour devant Arthur, Perceval lui dit enfin :"Bois de ce calice, tu renaitras et la terre avec toi".
Etre roi ce n'est donc rien d'autre que le fait d'assumer la médiation de ces deux règnes : celui du microcosme (Camelot) et celui du macrocosme (le dragon). L'une des géniales trouvailles scénaristiques de Boorman et Pallenberg est la fusion entre Arthur et le roi pêcheur. Il s'agit d'une liberté prise par rapport au texte de Thomas Malory où les personnages d'Arthur et du Roi blessé Pellam sont bien distincts et où la quête est initiée alors que le royaume est prospère (voir notes).
Autre fusion, marquée par le fondu-enchainé du graal sur le roi s'exprimant comme Jésus-Christ et auquel Perceval répond comme au roi.
Mais Arthur assume la puissance symbolique du seul roi. Celle qui l'avait fait renoncer à être avant tout le mari de Guenièvre. C'est devant elle au couvent qu'il définit sa mission : "Etre le tissus de la mémoire du futur. La fraternité fut un bref instant, un beau moment qui ne sera pas oublié. Et parce qu'il ne sera pas oublié, ce beau moment reviendra peut-être. Je dois défendre ce qui fut et le rêve de ce qui aurait pu être". C'est aussi le sens de sa dernière phrase, prononcée devant Perceval : "Un jour un roi viendra et l'épée surgira à nouveau".
Le pouvoir de concilier macrocosme et microcosme, donné d'aborb par les mythes celtiques (Merlin, La dame du Lac), devient du ressort de Dieu (Le Graal) puis des hommes, qui ont construit un idéal qui ne s'oubliera pas.
Source littéraires et picturales
La mort d'Arthur de Thomas Malory (1470) est la seule source citée dans le générique de fin d'Excalibur mais Boorman a aussi été inspiré par La quête du roi de Terence Hanbury White (1906-1964). Deux des ouvrages de ce cycle de romans de fantaisy, écrit entre 1938 et 1941, irriguent abondamment le film : L'épée dans la pierre (1938) qui est centré sur l'enfance d'Arthur, la genèse du futur roi, son éducation et sa relation avec Merlin et La chandelle dans le vent (publié en 1958) qui évoque les derniers temps du règne d'Arthur, les révoltes de Mordred et d'Agravaine, la relation entre Lancelot et la reine. A la fin de ce tome, Arthur blessé à mort par son fils (qu'il tue) part pour Avalon, et les chevaliers périssent dans une ultime bataille. On reconnait l'exacte fin du film de Boorman.
Deux autres ouvrages anglais semblent avoir également intéressé Boorman : From Ritual to romance (1920) de Jessie Laidley Weston qui cherche à établir des corrélations entre les éléments païens de la légende et les influences chrétiennes plus tardives et A glastonbury romance (1932) de John Cowper Powys. Le Parzifal écrit sans doute avant 1210 par Wolfgang von Eschenbach est qualifié par Boorman lui-même comme source majeure (...). Comme dans Le seigneur des anneaux, il est question de pouvoir (symbolisé par l'anneau chez Tolkein et par l'épée dans Excalibur) et de la corruption dont il est la cause : "en détruisant (l'anneau) remarque Boorman, à propos du roman de Tolkein, on supprime aussi les deux pôles du Bien et du Mal et en chacun on retrouve le bien et le mal. C'est un peu comme la mort de Dieu". Arthur accepte de se séparer d'Excalibur pour que survive un mythe désormais revitalisé
Enfin Excalibur est traversé de références à la peinture préraphaélite, notamment dans les scènes sylvestres (les noces), les chevauchés, les costumes et les armures (trahissant également une influence de Klimt).
Un film opéra
Comme la couleur verte, reflet de l'épée, imprègne le film, la musique est omniprésente. La Marche funèbre de Siegfried, prélude du 3e acte du Crépuscule des Dieux, caractérisé par des coups de timbales résonnant dans le silence au tout début. Boorman l'utilise en ouverture et en fin de film. On l'entend également lors de certaines apparitions de Merlin, l'archétype représentatif des dieux préexistant au christianisme. Au début du film, on en entend un arrangement d'une durée réduite. La version wagnérienne originale dure six à sept minutes. Cette version fait néanmoins entendre les thèmes du glas mélangé avec celui du frisson de mort, de l'épée, de Siegfried et apparait donc comme un condensé du film... Lorsque Boorman l'utilise à la fin du film, on l'entend cette fois jouée dans son intégralité originale, et après qu'on ait pu voir les dernières images. Au delà d'un simple accompagnement musical, ce leitmotiv est donc hautement signifiant en référence directe à Wagner, il annonce le crépuscule des dieux. C'est d'ailleurs ce que Merlin explique à Morgane, juste avant la fin des noces : "les jours de ceux de notre espèce sont comptés. Le dieu unique arrive pour chasser tous les autres"
Le prélude de Tristan et Isolde devient le thème d'amour entre Guenièvre et Lancelot. Ce prélude se compose de deux motifs celui de l'aveu, et celui du désir. Les premières mesures du prélude expose le fameux et à jamais mystérieux "accord de Tristan" dont Boorman fait entendre distinctement trois motifs : celui du regard, celui de la délivrance et celui du poison. Le motif de la délivrance est joué crescendo et finalement forte lorsque les amants consomment leur relation interdite dans la forêt. Ce leitmotiv n'est entendu qu'un peu avant la fin de la première heure du film, lorsque lancelot arrive à Camelot et alors qu'il n'a pas encore vu Guenièvre. Ce thème d'amour est donc par anticipation l'annonce du destin tragique des amants.
Le chœur initial O Fortuna ! extrait de la première partie Fortuna Imperatrix mundi de la cantate profane Carmina Burana de Carl Orff est entendu lors des scènes de bataille, dès le siège du château de Leondegrance. Après que Perceval a enfin atteint le graal et qu'il l'a porté aux lèvres d'Arthur on entend à nouveau résonner ce chœur, lorsque les chevaliers quitte Camelot à leur tête pour sa dernière expédition. A leur passage la nature revit.
Parmi les motifs non wagnériens, ont peut relever celui de l'épée composé par Trevor Jones. Il résonne notamment les premières fois qu'Arthur, non encore roi, erre dans la forêt à la recherche de l'épée de son frère. On l'entend ensuite lorsque Arthur la brise dans son duel avec Lancelot.
Jean-Luc Lacuve le 24/01/2015.
Notes :
Le Roi pêcheur ou Roi blessé (en vieux français le "Roi Méhaignié") figure dans la légende arthurienne comme le dernier d'une lignée chargée de veiller sur le Saint Graal. Dans les textes du Moyen Âge tardif, on le qualifie de ce fait souvent de "Riche Roi Pécheur" en référence à l'inestimable trésor dont il assure la garde (un trésor spirituel plus que matériel).
Le récit de son histoire varie largement, mais il est à chaque fois blessé aux jambes ou à l'aine, et incapable de se mouvoir seul. Depuis sa blessure, son royaume semble partager ses souffrances, comme si l'infirmité du roi rendait la terre stérile. C'est le mythe de la Terre Désolée (en ancien français : Terre Gaste, à rapprocher de l'anglais « Waste Land »). Il ne lui reste plus rien à faire que de pêcher dans la rivière auprès de son château de Corbenic. De tous les horizons, les Chevaliers accourent afin de soigner le Roi pêcheur mais seul l'élu, le bon chevalier, peut accomplir ce miracle. Dans les premiers récits, Perceval est souvent assimilé au "bon chevalier" mais la légende la plus connue serait que ce soit le fils de Lancelot du lac, Galaad, accompagné de Gauvain et de Bohort qui le découvrit.
Le Roi pêcheur apparaît pour la première fois dans le roman inachevé de Chrétien de Troyes, Perceval ou le Conte du Graal, aux environs de 1180. Ni sa blessure ni celle de son père ne sont expliquées, mais Perceval découvre par la suite que les rois auraient été guéris s'il les avait questionnés sur le Graal, alors que son tuteur lui avait enseigné de ne point poser trop de questions. Perceval apprend qu'il est lié aux deux rois par sa mère, la fille du Roi blessé. Le récit s'interrompt avant le retour de Perceval au château qui abrite le Graal.
L'évolution suivante du Roi pêcheur se trouve dans Joseph d'Arimathie de Robert de Boron, qui établit la première connexion entre le Graal et Jésus-Christ. Ici, le « riche pêcheur » est appelé « Bron », nom assez semblable à celui de Bran pour suggérer une relation. Il est également décrit comme le beau-frère de Joseph d'Arimathie, ce dernier ayant recueilli le sang du Christ grâce au calice. Joseph découvre une communauté religieuse qui voyage jusqu'en Grande-Bretagne, où il confie le Graal à Bron, appelé le « riche pêcheur ». Bron, appelé ainsi car il attrape le poisson qui nourrit toute la table du Graal, trouve ensuite la lignée des gardiens du Graal dont Perceval ferait partie.
Dans le Didot-Perceval, qui serait la transposition en prose d'un travail perdu de Robert de Boron, Bron est appelé le « Roi pêcheur » et son histoire est relatée alors que Perceval revient à son château pour en découvrir plus sur le mystère de la guérison du roi. Ce dernier est ici présenté comme le Grand-père de Perceval et non comme son oncle maternel comme dans les œuvres précédentes.
Wolfram von Eschenbach s'appuie sur l'histoire de Chrétien de Troyes et l'étend largement dans son roman épique Parzival. Il retravaille le concept du graal et la communauté qui l'entoure, en nommant notamment des personnages que l'auteur initial avait laissés dans l'anonymat : le Roi blessé est « Titurel » et le Roi pêcheur « Anfortas ».
Le cycle associant le Graal et Lancelot va plus en avant dans l'histoire qui entoure le Roi pêcheur, dont de nombreux parents auraient été blessés pour leurs échecs. Les deux seuls rois survivant à l'époque arthurienne sont Pellam (ou Pelleham), le roi blessé, et Pellès, qui fomente la naissance de Galahad en amenant Lancelot à convoler avec sa fille Élaine de Corbénic (cette dernière prenant sous l'effet d'un sort de Brisène l'enchanteresse les traits de Guenièvre). Selon la prophétie, Galaad découvrira le Graal et ramènera à la vie la Terre désolée.
Dans le Roman du Graal, aussi appelé « cycle Post-Vulgate » de même que dans Le Morte d'Arthur de Sir Thomas Malory (écrit vers 1470), le Roi pêcheur Pellam est blessé par le seigneur Balin, qui pour se défendre face au roi enragé lui inflige le « coup douloureux », avec la Lance de la Destinée. Pellam et son royaume doivent alors traverser une période de désolation jusqu'à la venue de Galahad.
Chez Malory, quatre personnages, dont certains se recoupent sans doute, correspondent au Roi blessé ou au Roi pêcheur. Il semblerait que Malory ne souhaitait qu'un seul Roi mutilé, blessé par Balin et souffrant jusqu'à ce que son petit-fils Galahad le guérisse, mais il n'a jamais réussi à concilier toutes ses sources. Ce qui prête à confusion, c'est la présence à plusieurs reprises de deux Rois blessés– un père (ou grand-père) et son fils – vivant dans le même château et protégeant le Graal. Le père, plus sérieusement blessé, reste au château, uniquement gardé en vie par le pouvoir du Graal, alors que le fils, plus alerte, peut accueillir les invités et aller pêcher. On y trouve le roi Pellam, blessé par Balin, comme dans le Roman du Graal ainsi que le roi Pellès, grand-père de Galahad, décrit comme le « roi mutilé ». Dans un passage, il est clairement identifié comme étant Pellam ; en revanche, dans un autre passage, les circonstances dans lesquelles il a été blessé sont différentes. Le roi Pescheour ou Petchere, seigneur du château du Graal, qui n'apparaît vraiment dans aucune scène (en tout cas pas sous ce nom), doit sans doute son existence à une erreur de Malory, qui aura pris l'épithète « le Roi Pêcheur » en français pour un nom. Néanmoins, Malory le dinstingue clairement de Pellès. Un roi mutilé anonyme, cloué au lit, soigné par Galahad à l'apogée de la quête du Graal. Il est lui aussi clairement dinstingué de Pellès, qui dans le passage vient juste d'être envoyé hors de la pièce, et qui en tout cas est capable de se déplacer.