Avec : Paul Giamatti, Hope Davis, Harvey Pekar, Toby Radloff, James Urbaniak, Judah Friedlander
2003

Dans les années 70, Harvey Pekar, grassouillet chauve d'une trentaine d'années, travaille comme archiviste à l'hôpital des vétérans de Cleveland (Ohio). Miné par le départ de sa deuxième femme et son quotidien plus que morose, il est en perpétuelle dépression. Cela ne l'empêche pas d'être un passionné de musique. Il passe d'ailleurs le plus clair de son temps à écouter des disques et à écrire des articles sur le jazz. Un jour, lors d'un vide-grenier, il fait la connaissance de Robert Crumb, auteur de comic-books. Le travail de son nouvel ami inspire Pekar, qui décide lui aussi de se mettre à la BD. Harvey ne sait pas dessiner mais Harvey ne sait pas dessiner mais décide Crumb à mettre en image ses mésaventures quotidiennes qui fonderont un genre en BD, entre les comics avec super-héros et la BD d'avant garde.

La rencontre avec son alter ego féminin fut aussi décisive qu'anti-spectaculaire. Dépressive chronique comme Pekar, Joyce Brabner, fit irruption dans la vie de son auteur fétiche, chez qui elle élut domicile parmi les piles de bouquins et les 78 tours. Unis dans un même rapport de dépendance, les deux êtres surmontèrent ensemble cette poisse de vie. Joyce fut la première à alerter Pekar sur la récupération par les médias dont lui et son meilleur ami Toby, un semi débile, faisaient l'objet. Pekar fut en effet l'invité du « Late Show » de David Letterman, pas moins de huit fois en deux ans. D'ailleurs, les images d'archives, habilement utilisées dans le film, permettent d'apprécier la répartie cinglante de Pekar.

En dépit de sa notoriété grandissante et de ses nombreuses contributions littéraires et radiophoniques, l'homme occupa jusqu'à la retraite un poste de documentaliste, à l'hôpital de Cleveland . Ainsi, la vie de Pekar est à l'image de son intérieur : un joyeux foutoir, recélant mille trésors.

 

 

Avant d'être un film, American Splendor fut une série de bande-dessinées, publiées annuellement depuis 1976. Ses saynètes et intrigues autobiographiques sont écrites et conçues par Harvey Pekar, puis illustrées par divers dessinateurs, le premier (historiquement) et le plus fameux étant robert Crumb.

Réalisé par un couple venu du documentaire, le film est à la fois une adaptation de la BD, et une biographie de Harvey Pekar. Plus précisément encore, il montre comment l'une rétroagit sur l'autre dans un dispositif toujours surprenant.


Alors que dans la plupart des saynètes, l'acteur Paul Giamatti interprète le rôle de Pekar, celui-ci intervient pour renforcer l'authenticité du film en doublant la voix, en attestant la véracité des scènes et en accueillant ses amis sur le plateau de la réalisation, ses amis se retrouvant interprétés par des acteurs dans le film. Par ailleurs le processus créatif de Pekar est matérialisé par des petits dessins qui se superposent aux acteurs lorsqu'il perçoit qu'il transformera bientôt son aventure quotidienne en aventure digne d'être racontée. Et c'est bien ce supplément d'être que le film s'ingénie à faire surgir de personnages cultivés, socialement déclassés mais n'ayant pas abdiqués ni leur lucidité ni leur goût du dépassement. Ici l'art sauve de la pauvreté, de la bêtise et de l'asservissement (les émissions télé de David Letterman) du cancer... et de la vasectomie. L'introspection négative du personnage fait souvent penser à Woody Allen mais le dispositif mis en place contrebalance heureusement la dépression chronique du personnage .

Quelques scènes sont ainsi tout à fait remarquables.La première scène où Pekar, le jour d'Halloween refuse de se déguiser. Cette sincérité ne le conduit à rien, il finit rejeté par ses camarades... C'était l'enfance de l'art ! Le départ de sa femme qui le laisse sans voix "Je ne supporte plus ton côté plébéien" . La séquence après le choix des bonbons par le ringard authentique : les deux acteurs reviennent en coulisse et assistent sur un plateau stylisé à la poursuite de la discussion par les deux protagonistes réels, l'un se demandant comment l'autre parvenait à connaître les parfums, la complicité loufoque des personanges fait sourire les acteurs et en fait alors des personnages complices pour le film…Effet de réalité contagieux.

Bibliographie : Erwan Higuinen dans Les cahiers du cinéma n°583

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American splendor
Shari Springer Berman, Robert Pulcini
Thème : oeuvre dans l'oeuvre