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Don Giovanni

1970

Avec : Carmelo Bene (Don Giovanni), Lydia Mancinelli (La mère), Vittorio Bodini (Le père), Gea Marotta (La fille), John Francis Lane (Le narrateur), Salvatore Vendittelli (Le commendeur). 1h20.

Douze anciennes conquêtes de Don Giovanni ont préparé un banquet pour lui qui doit raconter son plus bel amour. Chacune espère en être l'héroïne mais c'est une toute autre histoire que va raconter Don Giovanni.

Il avait conquit une femme, mère d'une enfant pieuse, bigote et fermée. Celle-ci voulant tout donner à Dieu aurait peut-être voulu que sa mère meure afin qu'elle fût près de Dieu. La mère aimait son enfant que sa sensualité excédait pourtant. Et puis Don Juan s'était épris de l'enfant. Il laissait la mère à ses livres la nuit pour tenter de séduire la fille. A coups de chèques donnés au commandeur, il avait pu acheter des crucifix de plus en plus gros afin de convaincre l'enfant de son amour. Il avait même été jusqu'à s'infliger des stigmates après un combat à l'épée contre lui-même. Réussit-il à violer la jeune enfant ? En tous les cas celle-ci déclara en larmes à sa mère porter l'enfant de Don Giovanni.

Don Giovanni est le seul film de Carmelo Bene qui ne soit pas adapté d'une de ses pièces ou d'un de ses livres. Il est adapté d'une des histoires du recueil des Diabolique de Jules Barbey d'Aurevilly, Le Plus Bel Amour de Don Juan. La trame en est cependant changée.

Le prologue en noir et blanc, sur l'air du catalogue du Don Giovanni de Mozart, respecte l'idée du banquet offert par douze anciennes conquêtes. En revanche l'histoire proprement dite du plus bel amour est modifiée. Il ne s'agit plus seulement pour l'enfant d'une immaculée conception. Dans la nouvelle, elle déclare à sa mère, effarée, qu'elle se croit enceinte pour s'être assise sur le fauteuil que venait de quitter Don Juan. Cet amour pur et obscurément sexuel pour lui que ressent Don juan de la part d'une jeune bigote est ici transformé en un réel processus de séduction à la fois grotesque et sadique. Deux claques à la fin et les larmes de l'enfant et plus aucune allusion au fauteuil de la nouvelle font penser qu'un viol a sans soute été commis. Ce que vient confirmer la phrase finale alors que Don Giovanni s'enfuit laissant un miroir éclaté : "La copulation et les miroirs sont abominables car ils multiplient les être humains".

On se gardera toutefois de prendre au pied de la lettre cette phrase puisque non seulement la mère rit en reconstituant les morceaux mais parce que le processus de transformation du cops en pur éclats visuels et sonores constitue l'essence du cinéma de Bene. Le corps de Bene, ici en Don Juan, est une nouvelle fois mis à mal avec la scène de la marionnette où il est pris dans les fils de fer sensés manipuler la marionnette, en l'occurrence la jeune fille que sa propre mère offre peut-être, ou lorsqu'il se bat contre lui-même pour obtenir les stigmates.

Les références à la peinture sont multiples : Ingres et ses odalisques au début avec le corps de la mère ; La Venus au miroir de Velázquez et La bataille de San Romano d'Uccello lorsque Don Jan s'accroche aux multiples lances. Le texte en italien est entrecoupé d'anglais, de français et d'espagnol. Les commentaires doctes sont dis en anglais ("Non, tu ne te vanteras pas de me faire changer, ô Temps ! Tes pyramides, reconstruites sur de nouvelles assises," (123e sonnet de Shakespeare) ou "...vient de notre désir et non de pas comment on nous l'a raconté" ainsi que les commentaires sur le fait que le véritable artiste, comme Don Juan, soit celui d'un art inachevé. Le texte en Français ne vient pas de Barbey d'Aurevilly mais de Sainte Thérèse de Lisieux. Quelques phrases en Espagnol encadrent l'image de La Venus au miroir.

Le film est tourné très rapidement, à nouveau avec Masini comme chef-opérateur en 16 mm couleur sauf le prologue, en noir et blanc, dans des lumières très sombres dans une petite maison de l'Aventina appartenant à la peintre Salvatore Vendittelli, collaboratrice depuis 1961. Le montage de Contini est particulièrement complexe : quatre mille plans, avec des inserts de trames colorées, avec parfois des jointures visibles et sonores.

Le film est présenté le 13 mai 1970, à minuit, la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, puis dans une projection parallèle à Venise le 29 Août. Il sort à Paris au Théâtre Marigny le 30 Octobre puis en salles en Décembre. En Italie il est distribué par l'habituel régional indépendant, à Rome, au Salone Margherita le 1er Septembre 1970 et à Milan et dans les Jewel Orchid 12 Février 1971. Les recettes sont ridicules : 12 millions et demi (mais le film obtient le prix qualité). Après les premières sorties, le film était devenu invisible car les copies et négatifs avaient été saisis à la suite d'une faillite. Le film est devenu de nouveau disponible à travers le National Film Archive.

 

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