The Lunchbox
2013

Dans une Inde mondialisée et en pleine mutation, ce film plonge le spectateur dans la genèse d'un amour épistolaire. Genre souvent utilisé en littérature mais pas dans les œuvres cinématographiques qui ne soient pas des adaptations littéraires.

Le film peut paraître long et attendu, si le spectateur ne se laisse pas mener par le suspense que crée chaque petit mot (qui ne manque pas de sel, ni d'épices) laissé par Ila et la réponse de ce solitaire et très peu sociable comptable M. Fernandes (autant dire monsieur toutlemonde), qui n'attend plus rien de la vie depuis la mort de sa femme.

Dans une ère Internet comme le souligne, Shaikh " we live in an e-mail society ", ces petits mots qu'il glisse dans la poche de sa chemise près de son cœur, rappelle que la communication par e-mail, est devenue superficielle, peut-être trop instantanée pour être authentique. Un mot d'elle à 13 heures change le cours de la vie de cet homme. Il arrête de fumer, songe à ne plus prendre sa retraite, s'ouvre aux autres. Chaque arrivée de son repas de midi et ses senteurs le métamorphose et lui redonne le sens de l'humour.

Ila communique avec Auntie, qui n'est qu'une voix et pourtant qui l'aide à supporter ce quotidien bien répétitif et maussade. Quand Auntie lui dit que la lunchbox préparée avec amour pour reconquérir son mari infidèle va tellement plaire à ce dernier qu'il lui érigera un Taj Mahal, Ila lui rappelle qu'un Taj Mahal est une tombe. L'idée d'être enfermé(e) dans une tombe vivant est très présente dans le film. Auntie ne sort plus et consacre sa vie à s'occuper de son mari à moitié comateux. Sa mère à passé 15 ans à prendre soin de son mari qui se meurt d'un cancer du poumon. Sa mère s'étonne d'avoir faim quand son calvaire se termine à la mort de son mari, et c'est à ce moment précis du film qu'Ila comprend qu'elle doit saisir sa chance ou du moins la tenter. M. Fernandez regrette ne peut pas pouvoir avoir une concession au cimetière horizontale comme pour sa femme. Il a passé sa vie debout dans les transports et passera sa mort debout à cause de la surpopulation de l'Inde.

On est séduit pas leur relation inattendu parce qu'elle se construit sur des petits riens qui pourtant font naître et perdurer l'amour : faire plaisir à l'être aimé en lui cuisinant des plats raffinés et variés (tout comme Shaikh, follement amoureux de sa femme malgré le mépris de ses beaux-parents qui ne veulent pas l'accepter pour gendre), par les petits mots que l'on glisse ici dans la lunchbox mais qui pourraient être laissés sur un coin de table, par le respect mutuel que se vouent ses deux êtres. M. Fernandez renonce à elle quand il la voit et se rend compte qu'elle est jeune et belle alors qu'il commence à sentir l'homme vieux.

Si la fin n'a pas de surprise, c'est pourtant loin des happy ends sur cinéma bollywoodien qui inonde les écrans de Bombay. Avoir le courage pour une femme indienne de nos jours de rompre un mariage est un acte de courage et peu courant tant le poids des traditions est encore présent et les femmes maltraitées dans ce grand pays.

On se moque de connaître ce qui se passera quand ils vont enfin se rencontrer. Mais il est sûrement mieux de vivre que quelques années un véritable amour et une délivrance que de vivre dans une tombe.

Enfin, le film regorge de petites perles humoristiques (l'aveugle) et se construit sur une répétition de plans. La première journée longuement filmée des deux protagonistes est tellement décrite avec forces détails, gros plans que le réalisateur ensuite se permet des coupes et des ellipses de plus en plus rapides et crée un rythme soutenu.

Michelle Delalix le 15/12/2013

 

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(Dabba). Avec : Irfan Khan (Saajan Fernandes), Nimrat Kaur (Ila), Nawazuddin (Shaikh), Denzil Smith (Mr. Shroff), Bharati Achrekar (Mrs. Deshpande), Nakul Vaid (Rajeev), Yashvi Puneet Nagar (Yavshi). 1h44.