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Sortant de l'improbable
décor d'une tour mi-bourgeoise mi-Kmer sur les rives du Pô, un
homme emmène sa compagne en ballade dans une voiture de luxe. Ils se
disputent et constatent qu'ils n'aiment ni ne voient la même chose :
l'une étant sensible à l'eau du marécage l'autre à
la boue qu'il contient.
Seul l'arrêt près dune cascade où semblent chanter deux femmes sirènes permet de retrouver un peu d'harmonie. Dans le restaurant dans lequel ils s'arrêtent, surgit une jeune femme dont l'homme apprend de sa compagne -qui n'est plus qu'un reflet dans la glace- qu'elle est la locataire de la tour voisine.
L'homme se rend dans la tour jumelle et se laisse sans difficulté séduire par son occupante qui l'entraîne dans son lit.
Le temps passe. En Italie, il fait toujours beau, les deux jeunes femmes des tours se rencontrent sur la plage et dansent nues. L'homme, plus tard sans soute, téléphone en France à sa compagne qui l'informe qu'il neige sur Paris. Les chevaux courent dans les prés ; ils s'aiment toujours.
Dans
les trois moyens-métrages de Eros,
chacun des cinéastes travaille ses thèmes de prédilections
: la distinction entre ce que peut le corps et ce que veut le cerveau pour
Antonioni, le travail de l'inconscient pour Soderbergh, et la sublimation
de l'amour pour Wong Kar-wai. Pour une fois, le sous-titre : le périlleux
enchaînement des choses se révèle significatif. Antonioni
en démontre l'inanité, exprimant de façon très
touchante l'existence, sur deux plans parallèles, du désir physique
et la complexité des relations de couple. Soderbergh essaie, assez
vainement de les lier par le travail de l'inconscient. Wong Kar-wai offre
une démonstration éclatante de l'enchaînement d'une expérience
décisive suivie d'un amour aussi exclusif que stérile.
Pour figurer le parallélisme entre la fugacité du désir et la permanence de l'amour, Antonioni recourt dans Le périlleux enchaînement des chosesà une mise en scène structurée autour du motif du reflet, du double ou de la paire, de l'opposition : les tours jumelles, le reflet dans la glace, les deux sirènes, les deux femmes brunes, le dessus et le dessous des marais. Entre les deux, l'homme hésite comme le figure sa position en attente en haut de la tour, près de la girouette. Sans excès de dramaturgie ni le moindre pathos, Antonioni présente une vision aussi charnelle- la très belle scène d'amour physique plus, sans doute, que la danse des deux jeunes femmes- que conflictuelle de l'amour.
Jean-Luc Lacuve le 25/08/2005