Dans l’Est du Tibet, sur des plateaux situés en moyenne à 4.500 m d’altitude avec des sommets à 6 000 mètres où, en février, la moyenne est de -18°C, -25°C le matin et parfois -35°C , le photographe Vincent Munier entraîne l’écrivain Sylvain Tesson dans sa quête de la panthère des neiges. Il l’initie à l’art délicat de l’affût, à la lecture des traces et à la patience nécessaire pour entrevoir les bêtes. En parcourant les sommets habités par des présences invisibles, les deux hommes tissent un dialogue sur notre place parmi les êtres vivants et célèbrent la beauté du monde.
Ce voyage a inspiré le livre de Sylvain Tesson La Panthère des neiges (Gallimard 2019), récompensé du Prix Renaudot 2019. L'adapation cinématographique réalisé
Avec Sylvain Tesson, Vincent Munier et Léo-Pol Jacquot, assistant-réalisateur, Marie Amiguet a fait deux séjours de trois semaines sur place (sans compter les voyages) en 2017 et 2019, filmant le célèbre photographe animalier sur les traces de la panthère. C'est aussi une rencontre « au sommet » entre l’écrivain à la faconde facile et Vincent Munier, le silencieux maître de l’affût qui avait rapporté beaucoup de matière lors de ses précédents voyages au Tibet. Ont été rajoutés quelques plans réalisés pendant le deuxième séjour, en particulier pour la scène des ours. La réalisatrice s'attache à filmer les deux aventuriers notamment quand l’appareil de Vincent photographie les images animalières. S'intercale une rencontre des nomades mais le questionnement principal est la prise de conscience du peu de place qu’on laisse aujourd’hui au monde sauvage.
L'apparition de la panthère des neiges joue presque contre le film. Elle fait partie de ces espèces si emblématiques qu’elles pourraient occulter toutes les autres. D’où le choix du dernier plan, qui se porte sur un simple petit rouge-queue, afin de rappeler que la faune doit être préservée dans son intégralité. Reste que ce félin impassible, qui observe de haut sans se manifester, fait figure de vigie silencieuse au sommet d’un monde qui s’abîme. Elle est l’emblème de toute cette diversité (animale, mais aussi culturelle) qui disparaît, entraînée dans les bouleversements de notre époque.
Les yacks et les ours donnent aussi lieu aux réflexions de SylvainTesson : "C’étaient des totems envoyés par-delà les âges, ils étaient lourds, puissants, silencieux, immobiles, si peu modernes. C’étaient les vaisseaux du temps arrêté. La préhistoire pleurait et chacune de ses larmes était un yack [...] Voir une bête sauvage revenait à coller son œil à un judas magique. C’était la vue d’un monde que nous pouvions étudier, photographier, décrire, comprendre peut-être, détruire sûrement, mais avec qui il nous était interdit de communiquer depuis que le destin nous avait expulsés de cet âge d’or où bêtes, hommes et dieux menaient une conversation commune [...] Ces heures de vigie se situaient aux antipodes de mon carnaval de voyageur. Jusqu’alors je butinais mes passions désordonnées et menais le train d’une vie hâtive. Je multipliais les voyages, sautant de l’avion pour prendre le train et glapissant de conférence en conférence que l’homme aurait tout intérêt à cesser de s’agiter"" comme de Vincent Munier : " C’est vraiment des respirations d’aller dans des endroits comme ça. C’est un peu une fuite, finalement. Avec ces voyages je vais dans une nature qui n’a pas été bouleversée… Où l’homme n’a pas encore mis sa grosse griffe. Autour de ma maison, l’évolution est hallucinante, en l’espace de vingt ans. On n’a aucunement respecté le vivant. Ne serait-ce qu’un bel arbre, un chêne qui trône au milieu d’un champ, les haies… J’ai pu voir que tout s’est détérioré. C’est un sentiment assez viscéral […]. Quand tu vois que le monde part en décrépitude, c’est intérieur, ça te fait super mal."
Source : Dossier de presse