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Le gang des Bois du Temple

2022

Avec : Régis Laroche (Pons), Philippe Petit (Bébé), Marie Loustalot (Linda), Kenji Meunier (Mouss), Mohamed Aroussi (Le prince), Slimane Dazi (Jim), Annkrist (La chanteuse dans l'église), Lucius Barre (L'intendant du prince). 1h54.

La cité des Bois du Temple à Clichy-sous-Bois, au Nord-Est de la Seine-St-Denis. Mr Pons, un militaire à la retraite, du haut de son balcon, attend l'ambulance. Sa mère est morte dans son sommeil. A son enterrement peu de monde mais beaucoup de recueillement et un beau chant d'amour pour l'accompagner. Mr Pons fait son tiercé, ses courses, ramasse les détritus abandonnés sur la pelouse et croise le petit groupe de gangsters de la cité qu'il connait bien et qui connaissaient et respectaient sa mère, l'épicière de la cité, connue pour ses fameuses crêpes et son indulgence pour les enfants parfois voleurs de quelques bonbons.

Le groupe de gangsters de la cité, le gang des Bois du Temple (Bébé, Mouss, Tonton, Melka, Nass, Dari, Sly) qui a son quartier général au Garage 33, plus loin en banlieue, s'apprête, sous la direction de deux gangsters expérimentés, à braquer le convoi d'un richissime prince arabe. Lourdement armés, ils attaquent sur une bretelle de l’autoroute A1 à hauteur de la porte de La Chapelle, un van noir transportant les affaires personnelles du prince, un homme parmi les plus riches du monde, et dérobent plusieurs centaines de milliers d'euros.

Sachant ne pas se découvrir, le gang se réjouit à mots couverts avec Mr Pons de leur exploit qui fait la une des journaux. Mr Pons fait comme chaque jour son tiercé accompagné d'un pastis et révèle qu'il voyageait autrefois comme tireur d'élite pour l'armée.

L'intendant du prince veut regagner sa confiance et engage Jim, un détective privé qui a déjà travaillé pour lui, pour retrouver les auteurs du braquage et surtout remettre la main sur des papiers confidentiels. Jim ne tarde pas à repérer le gang qui se réunit souvent pour un barbecue ou pour nourrir les pigeons. Il donne le dossier à l'intendant. Celui-ci dépêche trois tueurs qui torturent à mort Mouss afin qu'il donne les informations sur le braquage. Sa future femme, affolée, vient retrouver Bébé et Linda terrorisée par ce meurtre. Bébé prévient le gang qui se rend au garage 33 pour détruire les mallettes de papiers qu'ils croient à juste titre être la source des représailles de l'émir. A peine ont-ils fini de brûler les documents que les tueurs de l'émir arrivent. S'engage un combat aux kalachnikov qui décime le gang. Seul Bébé parvient à s'échapper. Il est arrêté par la police le lendemain. Linda confie ses jeunes enfants à Mr Pons, le temps d'aller rendre visite à son mari en prison. Celui-ci lui affirme son amour, lui demande de l'attendre trois ans, mais de fuir la cité sans tarder.

Bébé est assassiné en prison. M Pons suit l'émir à la trace, sur un terrain hippique et dans une boite de nuit. Il reprend son fusil à lunette dans sa cave. Un soir que l'émir visite une galerie parisienne, il ajuste son tir et l'abat.

Sur son balcon, Mr Pons regarde les enfants jouer avec les pigeons sur les pelouses de la cité.

Un lent et beau panoramique ouvre le film sur les tours de la cité, découvrant le panorama parisien tout proche. Le tournage se transporte ensuite à Bordeaux dans la cité de Grand Parc, avec ses arbres, de larges espaces verts entre les immeubles et l'église moderne, de la Trinité, ses vitraux qui filtrent les couleurs, comme dans un tableau de Nicolas de Staël. À l’intérieur de cet espace sacré, Annkrist chante La beauté du jour, une chanson de sa composition : “L’amour ne fait pas d’esclaves, mais des volontaires / Il faut avoir la peau suave et des nerfs de fer (…) Que le désir me surpasse, me tienne en alarme / Nul n’oublia nos cuirasses, non plus que nos armes. / Être magnanime et tendre, être qui suggère / L’amour qui ne saurait prendre son trésor de guerre”. Ce chant propulse le récit à mille lieux d’un début classique de film de braquage et participe à la grande dignité d'un film de lutte des classes. Le braquage est par ailleurs filmé à Marseille, pour ses lumières de nuit, ses autoroutes qui, après avoir survolé la ville, plongent dans des tunnels souterrains, sombres et inquiétants. Ainsi que ce soit en banlieue parisienne, bordelaise ou marseillaise, les territoires urbains se ressemblent et se réinventent sans cesse.

Les impitoyables émir et son factotum américain sont dans une sphère qui échappe aux lois. C'est pour rendre sa dignité au quartier que Mr Pons l'abat. La mort hors champ de l'émir n'est pas une vengeance personnelle. L'émir lors de la séquence musicale dans une boîte de nuit avec un raï électronique survolté de Sofiane Saïdi trouvait une dimension humaine dans une danse éperdue, comme une transe venue du fond des âges. Lui aussi avait le droit de se libérer de sa condition de classe et de ses déterminismes liés à l’oligarchie à laquelle il appartient. C'est cette différence tragique des classes, aujourd'hui irréconciliables avec un pouvoir politique libéral, que met en scène le film.

Lacis sur fond bleu d'Alain Le bras New York et Séoul, Tableaux de Michel Jouenne

Jean-Luc Lacuve, le 17 février 2024.

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