City hall

2020

Avec : Marty Walsh, les équipes de la mairie de Boston et quelques habitants de Boston. 4h32..

C’est l’automne à Boston. Le central téléphonique de la mairie reçoit ses appels : pompiers, électricité coupée, entretien des parcs, feu de circulation en panne...

Marty Walsh, le maire, défend la nomination de Carlos Henriquez comme chef de service de « opération et support » pour coordonner les services quand un traumatisme intervient dans un quartier. Ainsi tout récemment quand huit personnes ont été tuées en dix jours. Il n'y aura ainsi qu'une personne personnes à appeler plutôt que dix. En plus de coordonner, il importe aussi de raconter dans un quartier ce qu'on fait.

Discussion du budget dans un quartier, dépenses et investissement. Le budget municipal, 3,32 milliards de dollars, doit obligatoirement être en équilibre, contrairement aux budgets des États d'où, obligatoirement aussi, des stratégies, des priorités et des compromis à mettre en place. Et c d'autant plus, qu'avec la récession de 2010, les subvenions fédérales ont baissé ne représentant plus que 13% du budget contre de 20 % auparavant. Les impôts fonciers sont dorénavant la principale source de revenus (70 %).

Mariage dans une mairie de quartier entre Becka et Molly échange de vœux et d'alliance. L’adjointe qui officie au mariage aime la phrase qu'elle leur fait dire : "que cette alliance entoure ton doigts, comme mon amour entoure ton cœur »


Le maire annonce en conférence de presse sa joie qu’Alex Cora ait mené les Red Sox à leur 9e victoire en championnat du monde lors des world serie de baseball. Il annonce une grande parade et enjoint le personnel de la mairie et tous les présents à prendre les transport en commun. Puis il passe la parole au préfet et au chef de la police.

La rapporteure de la commission de prévention des expulsions est fière d'avoir obtenue, 2, M$ des promoteurs immobiliers en cas de constructions nouvelles pour reloger les habitants expropriés. Mais il faut aussi favoriser le logement abordable, car 30 000 personnes par an sont expulsées et 1 100 familles en logement social n’ont pas trouvé d’hébergement d’urgence. Il faut parler aux bailleurs, construire un fonds de foncier solidaire

Distribution de nourriture au troisième âge. Le maire prévient contre les arnaques à la cartes bancaires. Il voudrait renforcer sa commission du 3e âge pour les aider à lutter contre le "creux de l’assurance"

Dans un quartier, le commissaire reconnait que la soirée d’halloween a été agitée.

Le maire préside la commission de prévention des catastrophes naturelles qui met en place le "green ribbon" afin de limiter les conséquences des drames survenus à Huston, Porto-Rico, en Floride, à la Nouvelle-Orléans. Il faut compter sur ce réseau solidaire car le président à Washington ne comprend pas la résilience

Inspection sécurité dans un petit immeuble collectif du représentant de la mairie vérifiant, du rez-de-chaussée à la terrasse, que les mesures contre l'incendie sont bien respectées.

Commission pour l'aide aux jeunes adultes sans abris, comment faire face à la pauvreté d'‘aujourdhui, à leurs besoin spécifiques.

Service des poubelles; le camion de ramassage broie sommiers et literies.

C'est la parade pour fêter la victoire des Red Socks lors des World series. Le maire est fier des 11 victoires en 14 ou 15 ans : la parade entretint le moral de ses concitoyens.

Le maire félicite les Latinos de sa mairie qui ont été promus dans des postes plus importants. Il sait que leur origine, vénézuélienne ou colombienne, participera à leur envie d'aider les autres à la mairie ou ailleurs. Il est lui-même très fier d'être un irlandais, jadis méprisé. Il est certain des bienfaits de l’immigration contrairement à Donald Trump.

La commission mobilité annonce à ses représentants des quartiers un nouvel accès handicapé pour la bibliothèque publique, une entrée artistique et pas seulement fonctionnelle et un ascenseur vertical. Dans l'espace vert principal de la ville des marches menant au mémorial, obligent les handicapés à un long détour pour atteindre le capitole. Il va être réaménagé

Manifestation des infirmières pour limiter le nombre des patients par soignant. Le maire les soutient.

La commission sociale examine les dispositions pour la réhabilitation du "Refuge" pour les toxicomanes. La tente entrepôt a été améliorée mais toujours protection précaire. Un artiste est invité. Ce Refuge est un seuil bas mais nécessaire de prise en charge. South end a mauvaise réputation "rue méthadone", "rue réhabilitation". Il faudrait un pont pour le relier à long Island et aider ainsi plus de personnes.

La grande échelle des pompiers est déployée, la courroie du système d'ascenseur avait pris feu dans une tour.

Dans le vaste hall consacré aux anciens combattants, 11 novembre mémorial Day, on commémore la fin de la première guerre. Le hall est décoré des tableaux célébrant l'arrivée du Mayflower, les victoires contre les indiens, la Boston tea party à l'origine de l'indépendance du pays. Un vétéran d'Irak, Kurt, exhibe fièrement un fusil que lui a donné un vétéran de la seconde guerre mondiale. Un autre a reçu une balle en Irak. Son message est de lutter pour ceux qui ne sont pas revenus pour ceux qui sont traumatisé par les bombes, comme celles du marathon. Un vieillard égrène les guerres américaines. Le maire remercie, il faut faire preuve de résilience lui même a connu une période difficile alcoolique, il  va toujours au alcooliques anonymes, bienfaits t de l’aide : demandez de l'aide c’est la première étape. Il est fier maintenant de ses cinq ans mandats.

Le maire est content des élections de l'état où des anciens de la mairie vont siéger. Il faudra passer par le gouverneur du Massachussetts pour faire du lobbying à Washington. Il est loin le temps où la discussion s'engageait directement avec Barak Obama.

Discussion à propos du foyer pour femmes vulnérables, mal sécurisé tout comme la station de métro South station où la police intervient trop souvent. Il faut transporter mais pas héberger

Entrée de la mairie soumise aux contrôles des agents de sécurité, aux détecteurs
La commission logement s'inquiète d'un amendement fédéral qui pourrait vider de sa substance le "Fair housing act" de 1958 qui garantit qu'il n'y pas de discrimination dans l'accès au logement. Trump veut que la charge de la preuve incombe au plaignant qui devra prouver une intention délibérée et ne pourra plus bénéficier de la médiation de la mairie.

Opération de communication autour de la cuisine. Un plat pour monter la diversité de la ville, des pates chinoises, des nouilles de riz agrémenté de, vin, piment poivre, crevettes. Séance qui se termine par de la musique guillerette.

Colloque à l'université : 55 % de non blanc dans la population municipale et 33 % des entreprises détenues par des immigrés. Le patrimoine moyen d’un noir américain y est de 278 dollars contre 247 000 dollars pour un blanc

Les contrats passés avec les promoteurs sur l'espace public, pour le Dudley square notamment, obligeront à un recrutement d'au moins 51 % de bostoniens, 40 % couleur et 12 % de femmes. Bon emploi sur le domaine public  et termes de salaires et de types de contrat. Achat de bien. Des négociations sont entreprises avec Amazon qui va créer 4000 emplois pour former des bostoniens ayant les compétences requises. Il s'agit de relier les emplois eu personnes.

Le maire explique qu'enfant il voyait escorté par la police les enfants noir venaient e bus alors que lui allait à pied. Il en était jaloux sans comprendre ce qui se passait. Une seule ville qui partage ses pratiques peut contribuer à ce que la nation entière aille mieux.

Travaux sur la voirie

La banque alimentaire du grand Boston. Une personne sur six de la ville y a recourt. Bien que la ville crée 20 000 emplois et 28 000 logements par an. Les meurtres par arme sont surtout dus à la pauvreté et désespoir. Faire quelque chose, contre les armes, la NRA.

Visite au centre archéologique de West roxburry. Les très nombreux artefacts humains seront numérisés. Sur le site de Boston, des palourdes de 10 000 ans prouvent que la ville était autrefois submergée avant de rebondir.

Un représentant de la commission développement vient parler dans un quartier ventant qu’il n'y ait pas de discrimination à l'emploi. Un petit patron latinos proteste; pas besoin de faire de nouvelles études pour faire un état des lieux. Il est toujours victime de discrimination. Entrepreneurs ayant prouvé la ualité de ses réalisation depui vingt ans, il n'obtient que des places de deuxième ou troisème sous-traitant. Les gros contrats ne sont jamais pour lui. Il remporte ceux à 200 000 dollars mais jamais ceux à pas 2 millions de dollars. Le représentant de la ville admet piteusement que l'étude en tiendra compte.

Halte dans un chenil.

Au Morgan memorial, les animateurs de l'association Goodwill sont remerciés par le maire pour la distribution de Thanksgiving à des handicapés mentaux légers. Le maire sert à table

Le promoteur immobilier de l’entreprise Cruz, qui a remporté le projet de Dudley square est fier d'avoir intègré les demandes sociales de la ville. Il donnera des fonds, des bourses étudiantes, 5000 dollars par an et un local pour la NAACP. Une représentante de la commune ne s'en laisse pas compter : l'important n'est pas de donner pour quelques années des avantages à tel ou tel collectif (Roxburry, NAACP, Youth buid ...) mais dépenser à long terme. Les objectifs pour la communauté doivent être dirigés par la communauté. Pas des rustines mais long terme

Aux services des amandes, les agents se montrent conciliants face aux réclamations de PV de la circulation : femme enceinte ou panneau absent suffisent, sans la moindre preuve à l'appui. Vue sur le PC de la régulation du trafic.

Au collège de Roxbury on éduque les jeunes femmes : les latinos gagnent 51% de moins que les blancs. Face à ses collègues homme, une femme doit négocier ses avantages quitte à pratiquer le golf.

Dans un commissariat de police.

Le conseil scolaire veut augmenter le prix des inscriptions. Une demande pour au moins 100 élèves de plus allant jusqu’à 500. Le délégué de la ville accepte jusqu'a 435 places en attendant de trouver plus d'espace.

Un agent de la ville vient voir un locataire de 71 ans qui a demandé une dératisation. L’homme ne s'entend plus avec sa famille, victimes de fuites au plafond et d'infiltrations qui remontent du sol. L'agent promet d'en parler au bailleur, à la famille et laisse sa carte. Il faudra néanmoins attendre 30 jours avant réparation.

Information des habitants du quartier pour l'installation d'un magasin de cannabis par des entrepreneurs asiatiques. Il sera à 200 mètres de l'école. Commission des recours, trop de voitures déjà restaurant Walgreens quartier de Dorchester police submergée sert a rien seulement obligatoire répéter au maire. Pas interpeller le candidat, Cap-Verdiens

Supermarché à mettre en valeur Cummings highway, projet Restore pour Milton amrica’s food.

Basket dans la rue

NAACP congres le maire voudrait leur faire visiter la ville. S’emparer des problèmes pas de diversité droits civiques un mois de réflexion sur l’égalité

Élagage des arbres. Nouvel an chinois.

Des cornemuses ouvrent la cérémonie du discours du maire. Au lendemain matin suivant son élection en 2013, Letty, la femme de ménage africaine de l'hôtel, était heureuse "Nous avons réussi, nous avons gagné, nous sommes maire" Ouvrir la mairie à plus de Bostoniens, de toutes races et classes sociales. Changer une ville, changer une nation. L'an passé pour son élection à un deuxième mandat il a promis l'extension de la classe moyenne. Jamais dans l'histoire de la ville il n'y a eu autant de gens au travail : 2,4 % de chômage, 2e ville de la nation pour l'accession à la classe moyenne, meilleure ville du monde pour trouver un emploi. Marty Walsh est néanmoins préoccupé par ce qui se passe à Washington : "Mais ce qui importe le plus c'est que ce que nous faisons à Boston peut change le pays. Quand nous sommes tous ensemble, tout est possible. C'est la démocratie en action. C’est ce qui a fondé notre administration.Travailleurs noirs, blancs, latinos, asiatiques, tous ensembles, nous avons l'administration la plus multiculturelle de notre histoire, du cabinet aux premières lignes. Nous avons écouté la voix de chaque communauté (...) Nous ouvrons les portes de nos bibliothèques, logements et emplois nouveaux, nous écoutons de nouvelles voix et ce n'est pas toujours facile. Mais un dialogue plus ouvert apporte de meilleures solutions. Signe dune démocratie vivante, la justice sociale est au cœur de notre vision parce que plus d'égalité signifie plus de résilience. Nous continuerons à mener un combat pour défendre les immigrants. Nous continuerons notre travail de pionner pour l'égalité de sexes et nous ne cesserons jamais de protéger et de reconnaitre les droits et identités de la communauté LGBTQ. En cinq ans nous avons crée une communauté plus humaine, plus démocratique. Nous avons écouté et appris et nous gouvernons. Je suis fier du travail accompli et nous devons tous l'être et être prêt à faire plus. Le pays a besoin de nous ; le pays a besoin de nous ; ce n'est qu'un début"

City Hall, consacré au fonctionnement de l'hôtel de ville de Boston, se présente comme un long film (4h32) où Wiseman donne d’abord l’impression  de prélever un peu au hasard certaines séquences de discussions administratives  ou insolites. Au cours des deux courtes périodes de tournage, en automne et en hiver,  il aurait ensuite entrecoupé l’ensemble de plans de respiration, magnifiant la ville. Pourtant, si Wiseman ne revendique aucune mise en scène au moment du tournage, celle-ci intervient lors du montage avec des séquences qui se font écho les unes aux autres pour en révéler le grand sujet : la force de la démocratie en action. Celle-ci s’incarne dans le discours empathique ou flamboyant  du maire charismatique mais aussi et surtout au cours de séquences où cette problématique est mise en œuvre par les citoyens.

Du cinéma direct

Frederick Wiseman a choisi la ville de Boston au hasard parmi six villes réputées pour leur action sociale. Ce n’est pas le fait qu'il y soit né. Plus simplement, il a envoyé six lettres. Il a essuyé deux refus, trois non réponses et seule l’assistante de Marty Walsh, qui avait vu ses films, a convaincu le maire.

Aucune mise en scène n'est revendiquée durant le tournage. Wiseman se met en position de trouver ses séquences ; lui au son, un opérateur au cadre et un accessoiriste pour le transport du matériel dont une rare utilisation de la lumière de projecteur. Il s'agit de tourner les éléments comme ils sont. En revanche, la mise en scène intervient au niveau du montage

Il y a, en premier lieu, une forte réduction des rushes issus du tournage. Le film a occasionné 104 heures de tournage ; c'est moins que la plupart des films tournés en numérique. Si At Berkeley (2013) est extrait de 250 heures, c'est "parce que les professeurs aiment parler" mais la moyenne se situe au niveau des 150 heures de Ex Libris: The New York Public Library (2017). Le temps de préparation est aussi très court : une heure avant le tournage, c'est-à-dire environ 30 minutes pour parler avec ceux qui seront filmés et trente minutes pour repérer les lieux. Les étapes du montage sont aussi très balisées : six semaines voir les rushes, six mois pour comprendre ce qui se passe et faire le choix des séquences à retenir et les réduire puis six mois de nouveau pour le montage définitif pour réduire la durée de l'ensemble et l'étalonnage.

Elargir le temps de la communauté de Boston

Wiseman se refuse tout à la fois au commentaire et à la position de juge surplombant qui viendrait dans un second temps vérifier que ce qui a été promis a été tenu. La mise en scène est bien plus subtile. Elle consiste à entretenir des liens entre les séquences ou dans les séquences pour chercher des résonances avec le passé qui expliquent le présent du film.

La découverte de la palourde de 10 000 ans enfermée dans une argile teintée du bleu de la mer renvoie aux temps archéologiques où Boston était submergée avant de « rebondir ». Plus proches, les tableaux du Faneuil Hall, renvoient à la violence constitutive des États-Unis (Attaque des indiens, Boston tea party) qui trouve un écho dans les discours résilients des anciens combattants évoquant les deux conflits mondiaux, la guerre du Viêtnam et celle d’Irak.

La démocratie en action

Si Wiseman n'a aucune idée de départ, l’idée majeure, celle qui dépasse le seul lieu et temps du film doit apparaître. Ainsi l'idée de démocratie, qui sous-tend le film, est née pendant le tournage. Elle s’articule autour de  trois grandes séquences où la participation des citoyens fait basculer un discours dominant stéréotypé. C'est la commission d'urbanisme qui détruit le discours suffisant du promoteur Cruz lui rappelant qu'il ne suffit pas de saupoudrer des aides négociées au rabais avec des communautés particulières mais que les objectifs pour la communauté doivent être dirigés par la communauté. Ce qu’il propose ce ne sont que des rustines et pas un investissement à long terme. C'est ensuite le petit patron latinos qui parle du plafond de verre auquel il est soumis face au représentant de la commission développement qui soutient  qu’il n'y ait pas de discrimination à l'emploi. Pourtant, lui, le Latinos ne remporte jamais que des contrats à 200 000 dollars mais jamais ceux à pas 2 millions de dollars. Vient enfin la grande séquence de près de trente minutes où une jeune femme, à l'écoute des autres intervenants reproche à la mairie de mettre en première ligne les promoteurs d'un projet de commerce de marijuana sans engager elle-même dans ce que demande les citoyens :  ni encombrement, ni violence.

La scène, le spectacle ou la comédie tiennent une grande place dans l'œuvre de Wiseman : Ballet (2005), La danse - Le ballet de l'Opéra de Paris (2009), Crazy Horse, (2011) et ici les dons d’acteur du maire lui donne de l'importance à l'écran, plus qu'aucun autre personnage de ses films. Cependant selon, Wiseman, il ne parle pas plus de 30 minutes. Le discours délivré à la fin (voir la fin du résumé) vient comme un point d'orgue confirmer un sujet qui n'a eu de cesse de se déployer. Mais cette démocratie en action ne serait qu’un discours si les séquences précédentes ne l’avaient pas incarnée

La voie d’une démocratie en action est la bonne mais le chemin reste à chaque fois à reconquérir, combats que les citoyens de Boston semblent prêts à engager.

Jean-Luc Lacuve, le 30 janvier 2021