Sunset boulevard

1950

Genre : Mélodrame

(Boulevard du crépuscule). Avec : William Holden (Joe Gillis), Gloria Swanson (Norma Desmond), Erich von Stroheim (Max Von Mayerling), Nancy Olson (Betty Schaefer), Fred Clark (Sheldrake), Buster Keaton, Cecil B De Mille. 1h50.

Un cadavre flottant dans une piscine. Joe Gillis entreprend de raconter comment il est arrivé là.

Petit scénariste sans grand avenir, poursuivi par ses créanciers, Joe Gillis se réfugie dans l'immense demeure à l'abandon de l'ancienne star du muet Norma Desmond, qui y vit seule avec son majordome et chauffeur Max (qui n'est autre que son premier mari). Norma veut faire du cinéma. Joe l'aide à mettre au point le scénario qu'elle a écrit pour son "come-back". Il devient son amant.

Norma propose son scénario au metteur en scène de sa grande époque Cecil B. De Mille, qui ne peut l'accepter malgré son amitié pour elle. Joe qui a surtout essayé de se servir des relations de Norma cherche à rompre avec elle pour retrouver sa dignité et l'amour de Betty.

Norma le tue par jalousie et sombre dans la folie. Quand la police vient l'arrêter, elle joue pour les actualités une scène qu'elle croit être celle du film qu'elle voulait tourner.

Connu pour la célèbre scène d'ouverture où un reporter prétend nous raconter comment on en est arrivé à ce cadavre flottant dans la piscine, meurtre dans lequel est impliquée une grande star du muet. Du visage déformé par la contre-plongée pris du fonds de la piscine sur le reporter, on passe à Joe Gillis narrant au présent son aventure. Ce n'est qu'à la fin, lorsque Gillis est abattu par Norma, que l'on a la certitude que Gillis et le mort ne font qu'une seule et même personne.

Durant le temps de la projection nous avons été vampirisés par l'histoire et ce n'est qu'à la fin de la projection que nous pouvons comprendre le réel. Cette implication du spectateur dans les rets du cinéma participe à la fable morale que nous compte Wilder sur la vampirisation par Hollywood de quiconque s'approche d'elle.

La première victime c'est bien sur Norma Desmond qui "mordue "par Hollywood ne peut décrocher de ses rêves et s'entête à cinquante ans à vouloir jouer comme à dix-neuf ("Le cinéma, c'est ma vie, c'est ma raison d'être. Il n'y a rien d'autres, rien que les caméras et ce merveilleux public qui dans la nuit regarde"). Gloria Swenson, qui interprète le rôle de Norma Desmond, se projette Queen Kellly où elle jouait sous la direction de Eric von Stroheim. Celui-ci, dont ce film fut arrêté ainsi que sa carrière par l'arrivée du cinéma parlant, interprète von Mayerling, seconde victime, mari déchu qui communique avec elle dans le culte du cinéma muet.

Lors de son passage au studio de Cecil B. De Mille, Norma Desmond s'installe sur le siège du réalisateur et chasse de sa main un micro qui s'approchait trop près. Un éclairagiste qui la reconnaît braque alors un projecteur sur elle et tous la reconnaissant viennent la féliciter lui donnant ainsi l'impression de retrouver la gloire passée.

Wilder étend le pouvoir vampirique du cinéma aux temps présents en se moquant de De Mille qui est censé prouver à Norma que les temps ont changé et que l'on ne tourne plus de la même façon aujourd'hui alors qu'il est justement en train de faire un remake d'un ancien film muet toujours pareillement droit dans ses bottes de cuir, emblème éternel du cinéaste.

Betty elle-même est vampirisée par le cinéma étant de la troisième génération, petite fille de la doublure d'une star du muet, parents éclairagistes et elle-même vedette ratée (malgré un nez refait) et adaptatrice de scénario.

Quatrième victime enfin Gillis. Lorsqu'il arrive dans la demeure de Norma, celle-ci est désertée évoquant le Xanadu de Citizen Kane ou une demeure fantastique balayée par les feuilles mortes et avec des rats dans la piscine à sec. Sa présence redonne de la vie à la demeure mais il en mourra.

Cinéma de la cruauté, réquisitoire implacable d'un Hollywood vampire où le visage de Norma, prête à toutes les tortures pour tourner à nouveau, se décompose en même temps que son esprit.

 

Jean-Luc Lacuve le 29/06/2007 (après présentation du film par Youri Deschamps au cinéma Lux)

"Le corps d'un jeune homme a été trouvé flottant dans la piscine de cette villa avec deux balles dans le dos et une dans le ventre. Ce jeune homme n'était pas un personnage bien en vue loin de là. Ce n'était qu'un scénariste n'ayant à son actif que deux films sans grande importance. Pauvre diable, il avait toujours rêvé d'avoir une piscine. A la fin, en effet, il eut bien une piscine à lui. Seulement il a dû la payer un peu chère. ...Mais revenons de six mois en arrière, au jour où cette aventure a commencé. J'habitais un petit appartement à Hollywood. Ma situation n'était guère brillante, je n'avais pas travaillé pour un producteur de film depuis assez longtemps"

Puis à la fin : "Et oui, c'est dans cette piscine que je suis tombé, dans cette piscine que j'avais si ardemment désiré. Le jour commençait à se lever. Ils avaient trouvé dans le parc des perches à cueillir des fruits et ils me repêchèrent bien gentiment. C'est curieux comme les gens deviennent gentils avec vous quand vous êtes mort."