Que la fête commence

1975

Avec : Philippe Noiret (Philippe d'Orléans, le Régent), Jean Rochefort (L'abbé Dubois), Jean-Pierre Marielle (Le marquis de Pontcallec), Christine Pascal (Emilie), Nicole Garcia (La Fillon), Marina Vlady (Marie-Madeleine de Parabère), Gérard Desarthe (Le duc de Bourbon), Alfred Adam (Le maréchal de Villeroi), Jean-Roger Caussimon (Le cardinal). 1h54.

Juillet 1719. Pierre Chirac, premier médecin du Régent, pratique l'autopsie de Marie-Louise-Élisabeth d'Orléans, duchesse du Berry, fille aînée du Régent , Philippe d'Orléans  . Elle est, comme il l'apprend à la Duchesse d'Orléans, victime de ses excès alimentaires et amoureux et était enceinte de quatre mois. "Joufflotte" partageait les soirées de débauche de son père et celui-ci est très affecté par sa mort même si le chagrin ne le submerge pas encore. L'abbé Dubois vient le trouver surpris de le trouver saisi d'une énergie nouvelle pour gouverner.Le régent est en effet inquiété d'un rapport de police au sujet d'une révolte en Bretagne. Il doute cependant que son chef, le marquis de Pontcallec, puisse fédérer nobles et paysans et convaincre Philippe II, roi d'Espagne d'intervenir. Ild demande donc à l'abbé Dubois de le faire arrêter sans effusion de sang. Il lui donne également des consignes pour son deuil.

Un mois après, il assiste à une messe en mémoire de sa fille. Douze personnes y assitent alors que courent les rumeurs d'inceste entre le régent et Joufflote. Emilie, sa maîtresse du moment, une prostituée angélique, est venue le retrouver et lui rappelle les bons jours de Joufflotte morte à 24 ans à peine.

Au château, les domestiques parlent des derniers potins et découvrent que le jeune Louis XV, presque dix ans, a fait "une carte de France" durant la nuit. L'abbé Dubois vient de nouveau solliciter le régent pour être archevêque de Cambrai ce qui lui assurerait une rente à vie de 200 000 livres. A Paris les recruteurs pour la Louisiane embarquent tous les vagabonds qu'ils trouvent. Ils débusquent ainsi le marquis de Pontcallec dans une maison de passe qui n'échappe que de justesse à l'embarquement.

Le marquis est venu à Paris pour un entretien avec le Régent Il ne rencontre que L'abbé Dubois, qui conformément au vœu de Philippe d'Orléans se contente de le déporter vers la Louisiane. Il parvient à s'échapper et rejoint son manoir, bien décidé cette fois à déclarer la guerre au Régent. Cette révolte fait bien l'affaire de l'abbé Dubois qui grossit auprès du Régent l'importance du complot qui gagnerait l'Espagne à sa cause. Dubois espère ainsi obtenir de l'Angleterre un soutien pour son archevêché de Cambrai. À Paris, la situation s'aggrave : c'est la banqueroute du système de John Law. Dubois exige un exemple et arrache la condamnation de Pontcallec et de ses trois amis qui seront exécutés sans autre forme de procès. Sans illusion et en contrepartie, Philippe fait exécuter un prince de sang coupable d'un assassinat odieux.

De nouveau sans énergie, Philippe se réfugie dans ses petits soupers et mascarades. In invite à sa cour les figures allégoriques « de la misère, du désespoir et de la mort'' .Pris d'un malaise, il sent la pourriture envahir sa main et exige qu'on l'ampute. Alors que son carrosse file vers Paris, il renverse une charrette de foin sur laquelle un enfant se reposait et qui est tué. Le régent accablé, se réconcilie avec l'abbé Dubois, son seul ami est déjà malade. Une fois qu'ils sont partis, la sœur de l'enfant incendie le carrosse abîmé et prédit d'autres révoltes à venir.

Après L’horloger de Saint-Paul, en phase totale avec son époque mais avec une noirceur que semblait démentir le tout jeune président de la république d'alors, Bertrand Tavernier fait le choix d'un film en costume où il donne libre court au meilleur de son cinéma : la veine naturaliste. Le film est marqué par les forces de mort et de pourriture qui remontent sous le vernis social : il commence ainsi par une scène d'autopsie et se termine par la mascarade des pauvres d'un macabre carnavalesque et un carrosse en feu qui préfigure la révolution à venir, dans soixante-dix ans.

Bertrand Tavernier s’intéresse depuis longtemps à l'époque de la régence, travaillant notamment à l’adaptation d’Une fille du régent, roman d’Alexandre Dumas. Avec l’aide de Jean Aurenche, Tavernier s’éloigne du matériau littéraire, dont il ne reste finalement presque rien à l’écran, pour faire de Philippe d'Orléans un personnage complexe, épris de justice souhaitant l’imposition pour tous et l’éducation gratuite, mais renonçant à les mettre en œuvre. Philippe d’Orléans n'a pas ici l'ambition d'être roi et protège le futur Louis XV. Au sein d'une cour d'incapables (Le médecin Pierre Chirac ou Le maréchal de Villeroi) ou de profiteurs (Le duc de Bourbon), il a pour ami l’Abbé Dubois, stratège, machiavélique et athée, jusque là habité par le bien de la France mais qui est là obsédé par sa volonté d'obtenir l'archevêché de Cambrai. Est évoqué aussi le système de Law, première expérience malheureuse de papier monnaie qui s'écroule car basée sur la conquête de la Louisiane suscitant la spéculation puis l’effondrement quand la confiance disparait. Loin de la cour, Pontcallec, qui n’a jamais rencontré Dubois ni même voyagé à Paris, est une sorte de Don Quichotte s'inventant des soutiens qui ne viennent jamais. Les femmes sont plus clairvoyantes : Emilie, la prostituée angélique, La Fillon ou Marie-Madeleine de Parabère.

Gout pour les bons mots et l'anecdote : "Lla misère ne peux pas faire d'un paysan un noble. Même s’ils sont gueux tous les deux. Ce sont deux gueuseries différentes. Elles ne se mélangent pas". On entend narrer l'exécution de deux homosexuels surpris en pleine rue et voit des hommes se soulager dans des seaux dans les allées et couloirs de Versailles.