Platoon

1986

Avec : Tom Berenger (Sergent Barnes), Willem Dafoe (Sergent Elias), Charlie Sheen (Chris Taylor), Forest Whitaker (Big Harold), Francesco Quinn (Rhah), John C. McGinley (Sergent O'Neill). 2h00.

En 1967, le jeune Chris Taylor souhaitant servir son pays, s'engage volontairement dans la guerre du Viêt Nam. Il est affecté à la 25e division d'infanterie, dans une section (« platoon » en anglais signifiant « peloton » ou « section ») qui a subi des pertes lors de récents combats. Son enthousiasme s'évanouit rapidement tandis qu'il effectue d'interminables patrouilles jour et nuit et s'épuise à creuser des trous servant comme position de défense, corvée avec plusieurs autres affectée aux bleus. Après une embuscade lors de laquelle il est légèrement blessé, Taylor s'intègre peu à peu avec les soldats plus expérimentés.

Lors d'une opération dans la jungle, son unité découvre un complexe de casemates. Alors qu'ils fouillent une cache, deux soldats sont tués par une boîte piégée avec une bombe. Après avoir quitté les casemates, les soldats découvrent le cadavre de l'un des leurs (Manny), disparu alors qu'il était posté en sentinelle lors de la fouille des bunkers. L'unité poursuit alors sa route jusqu'à un village paysan où des combattants Viêt-Cong auraient été aperçus. Ils y trouvent de la nourriture en masse et des caches d'armes. Les habitants disent avoir été forcés par les forces vietnamiennes du nord à les aider. Fatigués et à cran, des soldats passent leur frustration relative à la perte récente de leurs camarades sur plusieurs paysans qu'ils torturent et tuent. Lors d'un interrogatoire, le sergent Barnes exécute la femme du chef de village devant les yeux de nombreux soldats et menace sa fille quand le sergent Elias intervient. S'ensuit une bagarre entre les deux hommes. De son côté, Taylor sauve deux filles du village sur le point d'être violées par plusieurs soldats. La section repart après avoir mis le feu au village.

Après l'incident de l'interrogatoire, le sergent Elias se plaint à son capitaine qui promet la cour martiale à Barnes si les faits sont avérés. La sympathie de Taylor, d'abord acquise à Barnes, penche maintenant pour le sergent Elias tandis que ceux qui sont derrière Barnes parlent d'assassiner Elias pour l'empêcher de témoigner.

Lors d'une nouvelle patrouille, la section est prise en embuscade par des Viêt-Congs et subit de nouvelles pertes. Le lieutenant Wolfe se trouve plus ou moins désemparé et Elias propose alors d'emmener quelques hommes avec lui pour parer à une probable attaque ennemie sur leur flanc. Le lieutenant Wolfe n'est pas d'accord, mais Elias a l'approbation de Barnes. Elias part donc avec trois hommes, dont Taylor. La tactique marche, mais le sergent Barnes vient chercher les trois soldats et leur dit d'évacuer tandis qu'il affirme aller chercher Elias. En fait, une fois qu'il l'a retrouvé, il lui tire froidement dessus et, croisant Taylor qui revient aussi chercher Elias, lui annonce qu'Elias a été tué.

Tandis que les derniers hélicoptères d'évacuation décollent avec Barnes, Taylor et d'autres hommes voient Elias courir en direction du lieu d'évacuation, poursuivi par des dizaines de soldats Viet-Cong, mais il est trop tard et il est achevé par ses poursuivants. Taylor soupçonne Barnes d'avoir abandonné Elias et probablement d'avoir tiré sur lui, le blessant à mort. La compagnie hésite à dénoncer Barnes qui réussit à convaincre les soldats de faire corps avec lui dans cette terrible bataille.

La compagnie est renvoyée sur le front dans la même zone où une attaque ennemie d'envergure se prépare. Presque tous les membres de la section meurent dans la bataille sous le feu ennemi et une attaque aérienne américaine au napalm. Taylor y survit. Il retrouve conscience à l'aube après la bataille, il se saisit d'un fusil d’assaut AK-47 et commence à errer sans but dans la jungle jonchée de cadavres. Parmi ceux-ci, il retrouve le sergent Barnes, blessé durant les combats, et l'abat.

Taylor, blessé pour la seconde fois de son engagement durant l'attaque, est finalement évacué par hélicoptère et rapatrié aux États-Unis.

Le film est en partie inspiré par la propre vie du réalisateur, qui s'est engagé comme volontaire pour la guerre du Viêt Nam où il a été blessé à deux reprises. Oliver Stone pensait réaliser un film sur la guerre du Vietnam depuis plus de vingt ans. Son film d'école dans la classe de Martin Scorsese, L'Année dernière au Vietnam évoquait déjà son traumatisme de l'expérience de la guerre. Son premier scénario rédigé en 1976 est une version brute de ce qui deviendra Platoon. Mais son script est refusé partout. Il lui sert quand même à se faire accepter comme scénariste pour l'écriture du succès critique et commercial Midnight Express en 1979. Par ce biais, il devient l'un des scénaristes les plus en vue de Hollywood (Conan le Barbare, Scarface ou L'année du dragon). Il accepte même de tourner son troisième film, Salvador, sans être payé, à condition d'avoir le financement, six millions de dollars, pour Platoon.

A la différence du Apocalypse now de Coppola ou de Full metal jacket de Kubrick, Stone ne fait aucune part au non sens profond de cette guerre pour les soldats qui s'y sont engagés. Son film est au contraire l'histoire d'un  combat entre le bien et le mal, le second étant en partie nécessaire en cas de guerre. Le sujet central du film est le combat des deux sergents, Barnes et Elias, deux figures paternelles pour le jeune soldat qui hésite entre les deux. Barnes symbolise la force brutale d'un État qui, pour vaincre, oublierait sa conscience morale. Cette force se révèle incontrôlable. À l'opposé Elias est cette conscience morale qui refuse de s'avilir, même quand l'ennemi est lui-même cruel. C'est aussi celui qui est sans doute le plus lucide, il ne croit pas à la victoire ("Nous allons perdre cette guerre, dit-il à Taylor . – Et pourquoi ? – Parce que ça fait trop longtemps qu’on fout la raclée à tout le monde. Cette fois-ci, c’est notre tour.").

Stone ne  prend alors pas vraiment partie : comme il le dit à la fin du film, Taylor se sent comme né de ces deux pères différents. On peut y voir une position médiane du réalisateur entre une Amérique qui veut une victoire quel qu'en soit le prix et celle qui pense qu'elle perd son âme dans un conflit perdu d'avance.

Le film remporte l'Oscar du meilleur film en 1987. Il est le premier film d'une trilogie sur le thème de la guerre du Viêt Nam. Il est suivi par Né un 4 juillet en 1989 et Entre Ciel et Terre en 1993. Trois points de vue sur le drame, trois variations différentes sur un même conflit. Et une progression lente entre l'enfer vécu par un soldat (Platoon), la rédemption du vétéran blessé (Né un 4 juillet), et finalement l'accession à la sagesse de la survivante (Entre ciel et terre).