Les veuves de quize ans
1964

Marie-France et Véronique sont deux copines de seconde du Lycée Jean de La Fontaine. Apres les cours Marie France, belle, petite, timide rentre chez elle à Auteuil. Elle croit que sa mère à des amants et en souffre pour son père, directeur d'un haras près de Paris. Véronique qui vit seule avec son père reproche sans le lui dire à celui-ci d'avoir des maitresses et, dans une sorte, de contrepartie tacite lui soutire de l'argent pour un nouveau blouson.

Devant le lycée, les deux jeunes filles se racontent leur week-end. Marie France est heureuse d'avoir été au haras avec son père et robert, un ami de celui-ci qu'elle apprécie même si elle craint qu'il soit l'amant de sa mère. Véronique s'est ennuyée à la campagne près de la piscine. Les deux filles sont rejointes par Nadine qui leur propose de connaitre des garçons. Ils vont au Paris où les garçons les insultent, ce qui fait rire Véronique mais pas Marie-France. Nadine emmène ses deux amies à L'Elysée store puis au Relais. Là encore, Marie-France se montre réticente vis à vis de la drague grossière des garçons. Elle refuse une proposition de boom à laquelle répond favorablement Véronique. Celle-ci lui raconte comment cela s'est passé. (Photographies : il y eu de l'alcool, de la bousculade, quatre garçons l'embrassèrent, voulurent lui faire l'amour sur un lit). Elle ne s'en souvient plus. Elle n'a APS aimé cette expérience.

Marie-France rencontre Marc au café qui s'avère, seul avec elle, bien moins superficiel qu'il le paraissait. Elle rentre chez elle et retourne sèchement à sa mère les reproches infantilisants qu'elle lui adresse en citant Baudelaire et sa haine des femmes vulgaires trop attachées à la chair. Marie-France et Véronique discutent et se disputent quand la première prévient la seconde qu'elle se perd à être le jouet des garçons

Véronique fait des photos de mode dans le studio d'un photographe qui l'interroge sur ses expériences sexuelles. Elle en est dégoutée mais continue car elle veut être acceptée. Plus tard je ferai comme les autres : je serai malheureuse.

Marie France, qui s'est assurée que Robert n'est pas l'amant de sa mère, se promène avec lui. Il lui avoue qu'il est difficile aujourd'hui de maintenir les idéaux de la Résistance, de concevoir de grands idéaux mais que cela vaut le coup de se battre. Marie-France acquiesce. Elle acceptera d'être elle-même, le risque d'être heureuse.

La fleur de l’âge (ou les Adolescentes) est un film à épisodes de coproduction internationale quadripartite (Canada, France, Italie et Japon) présentant des adolescentes choisies parmi les plus représentatives de leur pays et leur temps, en Italie, en France, au Japon et au Canada. Le film est projeté hors-compétition pour des raisons de censure, au Festival de Venise de 1964. Il sort aux États-Unis en avril 1967 dans une version tronquée mais n’a jamais été distribué en France. L’épisode français, par Jean Rouch, sort en salle à Paris pour la première fois au printemps 1967 sous le titre Les veuves de 15 ans. Les épisodes canadien, italien et japonais, réalisés respectivement par Michel Brault, Gian Vittorio Baldi et Hiroshi Teshigahara, n’ont jamais été montrés en France.

Chronique d'un été 1964

Sur la ballade des deux jeunes filles dans Paris au sortir du Lycée Jean Rouch déclare : "Les commerçants avisés vendent aujourd'hui très cher la jeunesse à la jeunesse. Une idole de moins de vingt ans gagne en un mois ce que ses parents ne gagnent pas dans toute leur vie. L'âge de la puberté a avancé de deux ans depuis la guerre (Congrès de pédiatrie Lisbonne 1963). Les expériences sexuelles sont banales pour les jeunes filles : 41% le font pour s'affranchir, 24 % par curiosité 15 % par sport, 11 % par amour.

De cette soumission de jeunesse à la société de consommation, fut-elle yéyé, Rouch fait le sujet de son film. Il recourt à la violence misogynie de Baudelaire que lit Marie France et qui agit sur elle non comme une vérité : "La femme est naturelle c'est à dire abominable. Elle veut être foutue, elle est en rut aussi est-elle toujours vulgaire, c'est à dire le contraire du dandy", mais comme une arme contre ceux qui ne voient pas qu'il s'agit de lutter pour vivre de belle manière.

Détresse, désespoir et risque du bonheur

À l’origine de ce projet, inspiré par L’amour à vingt ans (1962), il y eut une rencontre entre producteurs, lors du Festival International du Film à Montréal en juillet 1963, orchestrée par l’Office National du Film du Canada (ONF) qui avait ouvert des bureaux en 1962 à Paris et allait fêter l’année suivante son vingt-cinquième anniversaire. Pierre Juneau représentait l’ONF, Pierre Braunberger la France (Les Films de la Pléiade), Gian Vittorio Baldi l’Italie (IDI Cinematographica) et Shigeru Wakatsuki le Japon (Ninjin Club). Les producteurs s’accordèrent pour mettre ensemble quatre épisodes offrant chacun une image d’une adolescente "typique" de leur pays. L’ONF fut choisi comme producteur délégué et le financement du projet allait mêler fonds publics et privés. Quelques mois plus tard, en novembre 1963, une convention était signée entre les quatre producteurs

Le tournage de l’épisode de Rouch débute le 5 juin, sans autorisation. Le montage est terminé le 8 juillet. Braunberger informe aussitôt le CNC qu’il est impossible de soumettre le film complet avant la fin du mois et demande une autorisation spéciale pour l’exportation temporaire de l’épisode français, "sa projection à la Commission du Festival de Venise et éventuellement au Festival ". Mi-juillet il dépose le dossier au CNC et "espère obtenir l’autorisation de tournage qui permettra d’obtenir de la Commission de Censure l’exportation provisoire". Le CNC exprime son mécontentement : "le sketch a été réalisé sans les autorisations réglementaires". La censure tombe le 28

Messieurs, Par lettre en date du 9 juillet 1964, vous avez bien voulu me demander l’autorisation d’exporter le sketch français du film de co-production quadripartite (Canado-Franco-Italo-Japonaise), intitulé provisoirement : les Veuves de quinze ans. J’ai l’honneur de vous faire connaître que la Commission des Films Cinématographiques, après avoir examiné ce sketch le 20 juillet en sous-commission et le 22 en séance plénière, a émis un avis défavorable à son exportation. Cette proposition d’interdiction est motivée « en raison de l’image donnée par le film d’une jeunesse parfaitement immorale, ainsi que de la grossièreté du dialogue ». Me rangeant à l’avis exprimé par la Commission, j’ai décidé d’interdire totalement l’exportation du film précité. Je vous prie d’agréer, Messieurs, l’expression de mes sentiments distingués. A. Peyrefitte

Rouch se remet aussitôt au travail, déplacement au Ministère de l’Information, propositions de coupes et de modifications des dialogue s:

Véronique : Quelles connasses ! M.F. : Des super connasses. (Véronique : Quelles andouilles ! M.F. : Des super-andouilles); M.F. se retournant : Tiens, voilà tes deux petits cons !(M.F. : Tiens, voilà tes deux petits potes !) ; Véronique : Il n’y a qu’à voir comment vous êtes tous les parents. La famille c’était bon pour la vie d’avant, maintenant c’est une formalité administrative. (Véronique : Il n’y a qu’à voir comment vous êtes tous les parents.) M.F. : Tu aimes faire l’amour ? Véronique : Une fois cela a été extraordinaire… mais je ne me souviens plus avec qui… M.F. Tu sais au moins comment faire pour ne pas attraper d’enfant ? Véronique : Tu sais aujourd’hui une fille de 17 ans doit savoir se faire avorter comme elle va chez le coiffeur M.F. : Ne dis pas de conneries Véronique (M.F. : Tu aimes l’aventure ? Véronique : Une fois cela a été extraordinaire, mais je ne me souviens plus avec qui. M.F. : Et si tu as des enfants ? pas de réponse de Véronique M.F. : Ne dis pas de bêtises, Véronique)

Un accord est conclu mais seulement pour une projection à l'exportation temporaire.

Nous vous confirmons que l’autorisation exceptionnelle que vous voulez bien nous donner, est strictement réservée à l’exportation temporaire d’une copie positive de ce sketch et à sa présentation au Festival de Venise. Il est entendu que la décision définitive de la Censure et du Ministère, reste, en ce qui concerne l’exportation et l’exploitation de ce film, totalement réservée. En vous remerciant de ce que vous avez bien voulu faire pour ce film nous vous prions de croire, Monsieur, à notre haute considération.

Le film ne peut, en raison de la censure de l’épisode français être présenté comme coproduction. Braunberger n’est pas partisan de le montrer dans ces conditions. Il explique que compte tenu des difficultés avec la censure sa présence à Venise n’est pas souhaitée.. Le film complet est projeté au cinéma Excelsior, le 31 août. le film est finalement interdit aux moins de 18 ans.

Messieurs, Par lettre en date du 15 décembre 1964, vous avez bien voulu me demander le visa d’exploitation et l’autorisation d’exportation en faveur du film de long métrage les Adolescentes. J’ai l’honneur de vous faire connaître que la Commission de Contrôle des films cinématographiques, après avoir examiné cette production dans sa séance plénière du 5 janvier 1965, a émis un avis favorable à son exploitation et à son exportation, sous réserve : d’interdiction aux mineurs de moins de 18 ans. Cette proposition d’interdiction est motivée « en raison de la détresse et du désespoir qui se dégagent de deux au moins des quatre sketches qui composent ce film ». Me rangeant à l’avis exprimé par la Commission, j’ai décidé de vous accorder le visa et l’autorisation sollicités, avec la restriction demandée. Ces pièces vous seront délivrées par le Directeur Général du CNC, dès que vous aurez accompli les formalités exigées par les règlements (versement de la taxe de sortie et, pour les films étrangers : licence d’importation, certificat d’origine, etc…). Je vous prie d’agréer, Messieurs, l’expression de mes sentiments distingués. Le Ministre de l’Information

Il n’existe pas en France de copie du film la Fleur de l’âge, tel qu’il aurait été monté et tel qu’il serait conservé à l’ONF, mais les Films du Jeudi possèdent, en plus du sketch les Veuves de quinze ans, exploité de façon autonome, les épisodes italien et canadien « accrochés » dans cet ordre à un générique de début ainsi que l’épisode japonais, séparément.

 

Source : Revue de l’Association française de recherche sur l’histoire du cinéma (AFRHC).

 



 

critique du DVD
Editeur : Montparnasse, mars 2005. Coffret 4DVD. 10 films . Environ 11h00. 60 €.

DVD 1 Ciné-Transe : Les maîtres fous, Mammy Water, Les tambours d'avant / Tourou et Bitti. Ciné-Conte : La chasse au lion à l'arc, Un lion nommé l'Américain. DVD2. Ciné-Plaisir : Jaguar, Moi, un Noir. DVD 3 : Ciné-Rencontre : Petit à petit, La pyramide humaine. Langue : français. Suppléments sur DVD4, Ciné-Rouch.

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Segment de La fleur de l'âge coréalisé avec Michel Brault, Hiroshi Teshigahara et Gian Vittorio Baldi et alors intitulé Marie-France et Véronique. Avec : Marie-France de Chabaneix (Marie-France), Véronique Duval (Véronique), Nadine Ballot, Marc Kalinoski, Michel Aracheguesne, Didier Léon, Gilles Quéant, Maurice Pialat. 0h25.

dvd chez Carlotta Films