78/52 les derniers secrets de Psychose

Alexandre Philippe
2017

Avec : Peter Bogdanovich, Guillermo del Toro. 1h25.

De Peter Bogdanovich à Guillermo del Toro, cinéastes et analystes s’expriment devant la caméra du documentariste et décortiquent le film et notamment la séquence célébrissime de la douche, mille fois citée et pastichée, qui a profondément modifié la réalisation et le montage des films.

Profanant avec délice le sanctuaire blanc de la salle de bains, le maître du suspense Alfred Hitchcock libérait dans cette scène une libido et une agressivité refoulées sous le carcan victorien. Sentant l'époque changer, à l'aube d'une décennie 1960 marquée par les violences raciales et les émeutes, il envoyait aussi un message à une Amérique jugée trop candide : même sous la douche, on n'est plus en sécurité !

Amorcé avec le témoignage de la doublure de Janet Leigh (pas très flatteur pour Hitchcock), le film s'attache, non à décrire plan par plan, la célèbre séquence de la douche mais du moins à en analyser certaines coupes entre deux plans, certains plans eux-mêmes et l'impact qu'a eu sur eux cette séquence et, plus généralemen,t le film sur le cinéma mondial.

L'analyse de la séquence de la douche

78, c'est le nombre de plans que cite Hitchcock  lui-même dans une émission de radio (Telescope diffusée sur  la chaîne CBC en 1964) pour parler de la séquence de la douche. Probablement est-ce là l'un des premiers découpages de cette séquence de 45 secondes dessinée sur story bord par Saul Bass.

Sans le justifier, dans son documentaire, Alexandre Philippe laisse entendre que la séquence se compose de 52 coupes, soit 53 plans. C'est en effet ce que nous décomptons nous même ainsi que l'INA sur notre découpage si nous faisons commencer la séquence au plan où l'eau de la douche coule pour la première fois.

La notion de coupe, de rupture entre deux plans, est par ailleurs finement analysée, notamment celles entre les plans 4 et 5 et 7 et 8. Il s'agit de deux ruptures dans l'axe, sans changement  net de la taille des plans. La première, presque invisible, masque une ellipse !!! Le passage cheveux / secs cheveux mouillés, purement descriptif, n'a en effet aucun intérêt dramatique et réduirait la densité de la scène. La seconde, par un effet de saute visible, attire l'œil en découvrant, par un plan juste un peu plus large, l'espace du rideau derrière lequel va apparaître la silhouette meurtrière. X exprime aussi son admiration pour la succession des trois plans de plus en plus rapprochés sur le visage de Marion criant. Il en profite pour signaler que ce procédé se rapproche du jump-cut dont on attribue parfois la paternité à Hitchcock pour le plan horrifique du fermier les yeux crevés dans Les oiseaux. En réalité ce procédé, qui consiste à enlever des photogrammes dans un plan pour accentuer l'effet de choc, a été inventé par James Whale en 1931 pour la Fiancée de Frankenstein.

Genèse, réalisation et impact de la séquence de la douche

Scène très courte dans le roman, visage d'une folle, trancher la tête. Saul Bass blancheur éclatante, couteau déchire l'écran on aperçoit un instant le visage d'une démente, les cheveux en bataille comme s il portait une perruque de clown. La porte  se referme, retour vers le cadavre dont la tête touche le sol, les cheveux mouillés. La caméra passe devant le bras dépasse le cadavre et entre dans la chambre

Poignarder des melons pour le couteau entrant dans la chaire le kasaba melon du brésil, coup dans une matière osseuse différente humide et gluant et Faux filet. Un plan couteau taché de sang appuyé sur la peau, Hitchcock le retire mouvement inversé au montage

Impact rendu plus percutant par la discussion avec Norman. Le souhait de Marion de rendre l'argent et de croire se laver de sa faute dans la douche alors qu'elle va y mourir.

Petite erreur d'attribution sur le tableau que Norman soulève pour observer Marion prenant sa douche. L'enquête à ce sujet est difficile étant donné que l'un des sites officiels des musées nationaux l'attribue au peintre Hans van Mieris. C'est manifestement  une erreur. Le site beaucoup plus documenté sur les tableaux spoliés aux juifs atteste qu'il s'agit d'un tableau de son fils fils Willem Van Mieris, peint en 1731 comme l'atteste une signature au dos du tableau. Le site précise toutefois que le tableau a été volé en 1972. Néanmoins il s'agit d'un tableau bien plus rococo, dans la veine de Boucher en France que d'un tableau baroque du temps de Veermer.

Première représentation du corps féminin agressé, slasher où l'on déshabille les héroïnes avant de les tuer. En off, la doublure explique qu'elle cherchait un emploi qu'elle s'est déshabillée et rhabillée même chose devant Janet Leigh mais au moins a-t-elle pu garder sa petite culotte. Elle lui ressemblait beaucoup et a été engagée. Son cache sexe mouillé sous la douche se défaisait mais Hitchcock refusa qu'elle s'en départît.

Son équipe et le réalisateur mirent sept jours à tourner cette scène, qui coûta 62 000 dollars, somme impressionnante pour l’époque, dans un décor de 15 m2. Une plaisanterie après La mort aux trousses. Certains l'ont pris au sérieux alors que nul autre but que de provoquer des cris comme dans les montagnes russes. Clouzot avec Les diaboliques  (1955) avait été surnommé le Hitchcock français. Certains l'aiment chaud, Soudain l'été dernier et Autopsie d'un meurtre films introduise la violence qui sera celle des années 60, loin des "jolies babioles en technicolor". La peur provenait des dives de la science. Là, la peur peut arriver dans l'intimité. C'est une peur comparable à celel suscitée par L'entrée du train en gare de la Ciotat. La séquence sera mille fois citée et pastichée

Jean-Luc Lacuve, le 20 novembre 2018 (notes en cours de rédaction)