Little Big Man

1970

Genre : Western

Avec : Dustin Hoffman (Jack Crabb), Faye Dunaway (Mme Pendrake), Chef Dan George (Old Lodge Skins, Chef de la tribu Cheyenne 'Les êtres humains'), Martin Balsam (M. Merriweather), Richard Mulligan (Général George Armstrong Custer), Jeff Corey (Wild Bill Hickok), Aimée Eccles (Sunshine), Kelly Jean Peters (Olga Crabb). 2h19.

Âgé de 121 ans, Jack Crabb est interrogé par un historien qui souhaite connaitre les us et coutumes des Indiens des pleines. Le vieillard affirme être le dernier survivant de la batille de Little Big Horn le 25 juin 1876, mais l'historien dit ne pas être intéressé par les récits d'aventures, probablement enjolivés de Jack Crabb. Or ce n'est en rien un glorieux récit d'aventures que raconte alors le vieillard :

Vers 1860. Jack alors jeune enfant et sa grande sœur Caroline à peine plus âgée ont survécu au massacre de leurs parents par les Pawnee. Ils sont recueillis par un guerrier Cheyenne qui les conduit à son village. Caroline parvient à s'enfuir mais Jack est adopté par le vieux chef de tribu Peau de la Vieille Hutte. La vie parmi les Cheyennes s'avère idyllique même si Jack devient involontairement l'ennemi mortel d'un autre jeune garçon, Ours des Montagnes : lors d’un affrontement avec une tribu ennemie, Jack sauve la vie à Ours des Montagnes, qui devient son débiteur. Jack reçoit le surnom de Grand Petit Homme ("Little Big Man") parce qu'il est de petite taille mais très courageux. Âgé de 16 ans, lors d’une attaque de la cavalerie U.S., il renie son éducation amérindienne afin de se sauver. Il est confié au révérend Silas Pendrake et à sa femme sexuellement frustrée, Louise, qui résiste à la tentation de séduire Jack. Celui-ci, très amoureux d'elle, finit par quitter le couple Pendrake, quand il surprend Louise avec son amant.

Jack devient le complice du charlatan Merriweather . Tous deux sont couverts de goudron et de plumes lorsque leurs clients se rendent compte que les remèdes prétendument miraculeux de Merriweather sont inefficaces voire toxiques. L’un des clients en colère se trouve être la sœur de Jack, Caroline. Elle fait de son frère un as de la gâchette surnommé Soda Pop Kid (Kid Limonade en VF). Jack fait la connaissance de Wild Bill Hickok dans un saloon et Hickok prend le jeune homme en amitié. Lorsque Hickok est obligé de tuer un homme en légitime défense, Jack perd le goût des fusillades.

Ensuite, Jack s’associe à un commerce et épouse une suédoise nommée Olga. Malheureusement, le partenaire commercial de Jack se révèle être un escroc. Le fameux officier de cavalerie George Armstrong Custer arrive sur les lieux et suggère au couple de recommencer leur vie plus à l’ouest. Jack et Olga prennent la route mais leur diligence est attaquée par les Cheyenne. Olga est enlevée et Jack part à sa recherche. Au cours de sa quête, il retrouve Peaux de la Vieille Hutte, très heureux du retour de Jack au sein de la tribu. Ours des Montagnes est devenu un « indien contraire », un guerrier qui fait tout à l'envers. Il est toujours amer de l’humiliation infligée autrefois par Jack. Après un court séjour au sein de la tribu, Jack poursuit sa quête d’Olga.

Il finit par devenir un muletier au sein du 7e régiment de cavalerie de Custer, dans l'espoir d'obtenir des informations sur Olga. Il prend part à une bataille contre les Cheyennes, mais lorsque les soldats commencent à tuer des femmes et des enfants, Jack devient furieux et se retourne contre eux. À proximité, Jack découvre une jeune cheyenne en train d’accoucher, Rayon de Soleil. Il la sauve des maraudes des soldats et retourne avec elle auprès de sa tribu. Rayon de Soleil devient sa femme et lui donne un enfant. Jack retrouve Ours des Montagnes qui n'est plus un « contraire » mais est maintenant le mari brimé d'Olga devenue une femme cheyenne. Olga ne reconnaît pas Jack, qui ne tente pas de lui rappeler leur relation antérieure. Rayon de Soleil demande à Jack de prendre ses trois sœurs veuves comme épouses et d’être le père de leurs enfants. Il est tout d'abord réticent, mais finalement accepte et a des relations sexuelles avec les trois, notamment la première fois au cours de la même nuit.

Le 27 novembre 1868, Custer et le 7e régiment de cavalerie attaquent par surprise le campement cheyenne près de la rivière Washita. Peau de la Vieille Hutte, désormais vieux et aveugle, est sauvé par Jack, mais Rayon de Soleil, ses sœurs et leurs enfants sont tués. Jack tente d'infiltrer le camp de Custer pour se venger. Au moment crucial, le couteau à la main, Jack n’a pas le courage de tuer Custer et est tourné en dérision par ce dernier. Découragé, Jack devient un mendiant alcoolique à Deadwood dans le Dakota du Sud. Alors qu’il est ivre, il est reconnu par Wild Bill Hickok, qui lui donne de l'argent pour se nettoyer. Lorsque Jack retourne au saloon, Hickok est tué. Avant de mourir, il exprime ses dernières volontés concernant une veuve avec qui il entretenait une relation. Jack va voir la veuve, une prostituée qui s'avère être Louise Pendrake. Jack lui donne l'argent que Hickok avait prévu pour elle afin de commencer une nouvelle vie.

Jack devient trappeur et ermite. Il est profondément choqué lorsqu’il découvre un piège ne contenant qu’une patte rongée par l’animal pour se libérer. Il est sur le point de se suicider en se jetant du haut d'une falaise lorsqu’il entend dans la vallée la mélodie traditionnelle de la cavalerie, et voit Custer et ses troupes marchant à proximité. Jack décide de se venger. Custer, qui se souvient que Jack a déjà tenté de l'assassiner, l'engage comme éclaireur en considérant que tout ce que lui dira Jack sera faux, et qu’il lui servira ainsi de parfait baromètre inverse.

Le 25 juin 1876, Jack conduit les troupes dans un piège à Little Big Horn. Avant l'attaque, Jack dit la vérité à Custer concernant les écrasantes forces amérindiennes dissimulées dans la vallée de Little Bighorn. Custer ne le croit pas et conduit le 7e régiment de cavalerie à sa perte. Au cours de la bataille, Custer commence à délirer. Ignorant le cercle de guerriers se refermant sur lui, il pointe son pistolet vers Jack. Avant d’appuyer sur la gâchette, Custer est tué par Ours des Montagnes qui emporte Jack inconscient jusqu’au tipi de Peau de la Vieille Hutte. Fier d’avoir payé sa dette, il annonce à Jack qu’il pourra le tuer à leur prochaine rencontre sans pour autant devenir une mauvaise personne.

Jack accompagne Peau de la Vieille Hutte à une colline voisine, où le chef vieilli et fatigué décide de mettre fin à sa vie. Il offre son esprit au Grand Esprit et s'allonge pour attendre la mort. Mais lorsqu’il commence à pleuvoir, le vieillard soupire et dit : « Parfois, la magie fonctionne et parfois elle ne fonctionne pas ». Ils reviennent à son tipi pour dîner.

Le récit de Jack s’achève lorsqu’il renvoie l'historien, en pensant avec tristesse aux souvenirs d'un monde qui n'est plus.

Little Big Man est la deuxième incursion d’Arthur Penn dans le genre du western après Le gaucher en 1958. Le réalisateur de La poursuite impitoyable, (1965), portrait au vitriol de l'Amérique de Lyndon Jonhson, ambitionnait depuis un certain temps de tourner un film sur la mémoire du peuple indien qui remette en cause l’imagerie western de l’époque. Penn jette son dévolu sur le livre de son compatriote, l’Américain Thomas Berger, intitulé Little Big Man (Mémoires d’un visage pâle en français), paru en 1964.

Un récit picaresque pro-indien

Little Big Man conte le récit d’apprentissage de Jack Crabb, anti-héros balloté entre deux cultures, à travers une succession d’aventures abordant des registres multiples comme la comédie, la tragédie lyrique ou le western métaphysique. Les aventures de Jack sont ponctuées par ses rencontres, celles chez les amérindiens, les êtres humains, sont pleines d'humanité : son grand-père adoptif Peaux de la Vieille Hutte (interprété par un véritable chef indien), Ours des Montagnes (parfois "indien contraire", son meilleur ennemi), Petit cheval (Heemaney, homosexuel), Rayon de Soleil et ses soeurs. Les mythes de l'ouest sont en revanche déboulonnés. Premier d'entre eux, la figure patriotique du héros tueur d'indiens, le général George Armstrong Custer. Sanguinaire et mégalomane, il verra son image ternie définitivement après tant de films où il est le héros. Sont tournés en dérision le prêtre (Pendrake), la femme au foyer (Louise Pendrake), la prostituée (la même Louise Pendrake devenue Lulu), les femmes de l'Ouest décidée (Caroline, la sœur de Jack, ou Olga, sa première femme), le vendeur ambulant (le charlatan opportuniste Merriweather) et le chasseur de prime (Wild Bill Hickok ou Crabb devenu Kid limonade).

Après La flèche brisée (Delmer Daves, 1950), Au-delà du Missouri (William Wellman, 1951), La rivière de nos amours (André de Toth, 1955), Le jugement des flèches (Samuel Fuller, 1957), on retrouve dans ce film un héros qui quitte la civilisation blanche pour vivre parmi les Indiens. La même année 1970 étaient sortis Un homme nommé cheval (Elliot Silverstein, 1970) et Le soldat bleu (Ralph Nelson, 1970). Suivront Jeremiah Johnson (Sydney Pollack, 1971), Danse avec les loups (Kevin Costner, 1990) puis The revenant (Alexandro Gonzalez Inarritu, 2015).


Un plaidoyer anti-expansionniste

Ce retour aux valeurs des anciens, pleins de sagesse, auxquelles s'opposent les dérèglements de la société américaine n'évitent pas certains clichés.  En revanche les deux grandes scènes de batailles : le massacre de la Washita river et la bataille de Little Big Horn font preuve dune intensité lyrique bouleversante. C'est probablement là le vrai sujet de Penn. Les guerres indiennes évoquent en creux un conflit plus contemporain, celui de la guerre du Vietnam faisant rage en ce début des années 1970.

La conquête de l’Ouest trop longtemps entrée dans l'histoire comme répondant à la destinée, au devoir de l'homme blanc, au mythe de la frontière,  entre avec ce film, comme pour Le soldat bleu (Ralph Nelson, 1970), en résonance avec la situation au Viêt-Nam. Les velléités expansionnistes des Américains sont vivement critiquées : le massacre de la Washita river utilise à dessein le souvenir des images du massacre de civils vietnamiens par l'armée américaine à My Lai en mars 1968.

Jean-Luc Lacuve le 18/07/2016

critique du DVD

Editeur : Carlotta-Films. Octobre 2016. Nouveau master restauré HD V. O., Sous-Titres Français. Durée du Film : 2h20. 20 €.

Suppléments :

  • Préface de Philippe Rouyer
  • Bandes-annonces d'époque et 2016