Les chiens de paille

1971

Voir : photogrammes

(Straw dogs). Avec : Dustin Hoffman (David Sumner), Susan George (Amy Sumner), Peter Vaughan (Tom Hedden), T.P. McKenna (Major John Scott), Del Henney (Charlie Venner). 1h58.

Un jeune professeur de mathématiques américain, David Sumner, s'installe pour travailler dans une ferme isolée de Cornouailles, le pays natal de sa femme Amy. Il engage quelques jeunes gens du village pour réparer sa grange. L'un d'eux, Venner, a eu une liaison avec Amy avant son mariage. Ils proposent une partie de chasse à David et, en son absence, Venner et son ami Scutt violent Amy.

Le lendemain soir, David et Amy, qui n'a rien osé avouer à son mari, participent à une soirée de bienfaisance. Au cours de cette fête, l'idiot du village, Henry Niles, est séduit par une adolescente qu'il entraîne dehors. Alerté, le père de la jeune fille, Tom Hedden, organise une chasse à l'homme. Niles étouffe la jeune fille accidentellement pour l'empêcher de crier. Alors qu'il s'enfuit, il est renversé et blessé par la voiture de David, qui le ramène chez lui. David part ensuite au pub téléphoner à un médecin, ce qui alerte les poursuivants, qui font le siège de la maison de David. Pour sauver sa vie et celle d'Amy, le pacifique David devra se servir de ses armes et tuer un à un ses agresseurs, dont Venner

Sixième long métrage de Sam Peckinpah, Les chiens de paille est le premier film du cinéaste à ne pas être un western et dont l’action est contemporaine de son tournage. Déçu par l’abandon de Delivrance qui sera tourné par John Boorman, Peckinpah accepte de tourner  The Siege of Trencher’s Farm, d’après un roman anglais du même nom de Gordon M. Williams, soumis à Peckinpah par le producteur Daniel Melnick et qui avait suscité de la part du cinéaste un enthousiasme modéré. Dans le scénario original, le couple était confronté après la tuerie de la ferme aux enfants du village armés jusqu’aux dents. La fin actuelle est peut-être moins pessimiste, mais elle conclut le film sur une note ambiguë et déstabilisante pour le spectateur. Le scénario final, écrit par David Goodman et Peckinpah, ne conserve pas grand-chose du roman si ce n’est l’assaut final d’une ferme par une bande de voyous. Les auteurs ajoutent le viol de l’épouse. Le titre devient Les Chiens de paille, expression extraite d’une citation du philosophe chinois Lao-tseu.

En abandonnant non seulement le territoire des Etats-Unis mais aussi le genre américain par excellence, Peckinpah se confronte néanmoins au sujet qui l'a toujours passionné : la barbarie, enfouie sous le vernis plus ou moins épais des lois et de la civilisation, toujours prompte à exploser. Si le film emprunte au drame psychologique pour s’interroger sur l’importance de la violence, on retrouve dans Les chiens de paille des situations qui appartiennent au western : en particulier l’assaut final, dans lequel le “héros” doit à la fois protéger un fugitif ayant trouvé refuge sous son toit, sa femme, mais surtout sa maison.

Tout le film de Peckinpah installe une tension progressive jusqu’au morceau de bravoure final, déchaînement baroque de violence et de mort, mis en scène avec un art du montage et du ralenti Le goût du cinéaste pour les scènes de violence emphatiques, à la fois stylisées et brutales, s’accompagne d’une misanthropie et d’un pessimisme encore plus spectaculaires.

Si la violence fait bien partie du sujet du film c'est cependant moins pour la dénoncer que pour en analyser les raisons préalables; le tissage des événements qui de plus en plus serrés ont conduit à l'explosion alors inévitable. C'est le manque de réaction de David Sumner incapable de tenir tête aux voyous dont les intrusions répétées dans l’intimité du couple inquiètent à juste titre la jeune femme qui préparent le drame. Malgré sa supériorité sociale et intellectuelle, il ne cesse de se montrer en position d’infériorité devant la menace physique de la bande de Tom Hedden.

Cette violence refusée puis libérée de façon incontrôlable, David la fait subir à sa femme qu'il ne protège pas puis entraine dans le massacre qu'il génère. Le montage parallèle avait pourtant donné une interprétation bien plus complexe et ambigüe du personnage de Jill. Sont montés en parallèle le regard de Jill vers son violeur et ses pensées qui l'assimilent à son mari lui faisant l'amour et à son mari l'ayant laissé seule pour partir à la chasse. Si elle s'abandonne ainsi c'est qu'elle aime encore celui qui la viole qu'elle connu avant son mari et qu'elle reproche à celui-ci de l'avoir un peu lâchement abandonnée.

Source : Olivier Père pour Arte

Retour