Mamma Roma

1962

Avec : Anna Magnani (Mamma Roma) Ettore Garofalo (Ettore, le fils), Franco Citti (Carmine).

Le jour du mariage de son souteneur, Carmine, avec une paysanne en principe enrichie, Mamma Roma, vieille habituée du trottoir romain, fête sa libération. Elle s'empresse de récupérer son fils, Ettore, mis en pension pendant seize ans à la campagne, car elle désire engager une vie honnête et rangée de petite bourgeoise respectable.

Mamma Roma est comme une image inversée d'Accatone, qu'il prolonge au sein ce qu'on pourrait appeler le "dyptique du trottoir" : ce n'est plus le souteneur qui tombe amoureux d'une prostituée, c'est une prostituée aimant éperdument son fils adolescent, et cherchant à le sauver des bas-fonds, en l'installant dans un de ces nouveaux grands ensembles construits à la périphérie de la ville, puis en essayant maladroitement de le protéger.

Mais, de même que les grands travaux publics de la reconstruction d'après-guerre furent pourris par l'argent de la mafia - ce dont sont sans doute bien conscients les spectateurs italiens de l'époque - , les chances de réussite de cette nouvelle vie sont quasi-nulles.

L'émotion naît du contraste entre les lumineux plans d'ensemble des paysages d'ensemble, " symphonie de blanc " où l'espace et la liberté semblent infinis - et où Pasolini place la rencontre amoureuse d'Ettore -, et d'autre part les scènes dramatiques en intérieur et en plans rapprochés ou en gros plans qui rappellent que la vie de Mamma Roma est prise dans un étau sordide, dont elle ne peut sortir.

C'est peu de dire qu'Anna Magnani écrase le film de sa beauté maternelle et de sa truculence, dès la première scène du mariage, où elle entame une joute chantée avec la mariée.

Autour de cette pierre de touche, gravite tous les autres personnages, mais surtout différents styles cinématographiques. A partir d'un cadre néoréaliste, Mamma Roma nous emmène sur les chemins de la Nouvelle vague - notamment dans les nombreuses scènes de rue, où elle croise les passants, ou ses clients, et les interpelle avec verve, dans des dialogues qui semblent en grande partie improvisés.

Avec l'histoire et la fin d'Ettore, Pasolini fixe l'archétype de son expressionnisme spirituel : l'adolescent apparaît comme un agneau tout autant touché par la grâce que sa mère, en dépit de ses moues d'adolescent, cerné par toutes sortes de dangers (les gamins de la rue, l'ex-compagnon de sa mère, puis la prison...), et qui, juste après avoir frôlé l'amour, sera naturellement crucifié.

 

Eric Barbot le 16/04/2007