Richard III
1955

Bossu intelligent et ambitieux, Richard Gloucester ne songe qu'à ravir la couronne royale de son frère Edouard IV. Après avoir épousé de force Lady Anne, la veuve de l'héritier de la maison de Lancastre, Richard persuade Edouard que leur frère Clarence complote contre lui.

Clarence est enfermé à la Tour de Londres, puis exécuté. Edouard tombe malade et meurt peu après. Richard se hâte de faire éliminer un à un les derniers fidèles du roi, Rivers, Dorset et Hastings. Son ami Buckingham lui rallie le Parlement et le peuple, Richard est couronné et commence son règne de terreur.

Buckingham tombe en disgrâce et rejoint en France Henry Tudor qui lève une armée pour renverser le tyran. Tudor rentre en Angleterre à la tête de ses troupes. Richard marche à sa rencontre. Une sanglante bataille a lieu à Bosworth.

Trahi par ses lieutenants, Richard perd tout espoir. Couché sur le champ de bataille, il crie le célèbre "Mon royaume pour un cheval" avant d'être sauvagement mis à mort par un groupe de ses anciens fidèles.

Richard III est la dernière grande production shakespearienne financée exclusivement par l'Angleterre. Elle n'est encore possible que parce que Laurence Olivier a réussi à porté Shakespeare devant un large public. Il popularise le dramaturge en faisant de Henri V un film épique, de Hamlet un film noir et de Richard III une réflexion sur la couronne. Laurence Olivier, acteur timide avec de grandes angoisses métaphysiques voulait probablement immortaliser son jeu dans les grandes figures Shakespeariennes que sont Henry V, Hamlet et Richard III mais il a d'abord contacté des réalisateurs. Alexandre Korda lui conseille de réaliser lui-même Richard III tant sont importants son implication et son enthousiasme

Olivier dans la tradition théâtrale

Olivier reprend la tradition théâtrale en s'habillant en noir avec fourrure lourde et cheveux noirs et longs.. Il reprend aussi les ajouts au texte de Shakespeare pratiqués par les grands acteurs qui l'on précédé, Colley Cibber au début du XVIII et David Garrick au milieu du XVIII. Il importe en effet pour le public contemporain de clarifier les circonstances de la pièce. Ainsi le couronnement d'Edouard IV par lequel débute le film est-il repris de la fin de la troisième partie d'Henri VI qui précède Richard III dans la série des pièces historiques. Deux célèbres répliques ont aussi été rajoutées au texte de Shakespeare par ses successeurs. Lorsque Buckingham a été arrêté, Colley Cibber fait dire à Richard III "qu'on enlève sa tête " " (off his head). Juste avant la bataille Richard dira " Richard est à nouveau lui-même " (Richard's himself again).

Une réflexion sur la symbolique de la couronne

La pièce de Shakespeare s'ouvre sur le monologue de Richard " Donc voici l'hiver de notre déplaisir ". L'interpolation (la scène qui n'existe pas dans le texte) qui voit le couronnement d'Edouard IV après la chute d'Henry VI met non seulement en scène un couronnement mais c'est la couronne elle-même qui devient un thème majeur de la pièce. The hollow crown disait Shakespeare, accessoire creux, accessoire de théâtre, symbole d'apparat. Dans le film on commence par elle et on finit par elle, placée sur la tête de Richmond, le nouveau roi. Elle n'est d'aileurs pas posée mais en train de l'être comme si Olivier figurait la permanence du pouvoir royal face au flottement incessant du corps politique.

Il ne s'agit donc plus de refaire un film épique comme Henri V. Olivier se refuse ainsi à reconstituer les grands plans majestueux de la bataille d'Hazincourt de sa première mise en scène. Ce n'est plus ici un grand guerrier qu'il s'agit de figurer mais un personnage sombre qui n'est pas porteur des valeurs d'héroïsme ou de gloire. Richard III est un roi qui court toujours, en avance sur son temps. Il est né avant son temps ; c'est un prématuré qui va toujours vouloir devancer le temps et le violer. " Je cours devant mon cheval au marché ".
C'est surtout, dans la tradition théâtrale, un histrion, quelqu'un qui doit montrer qu'il joue un rôle, d'où cette prothèse nasale dont s'affuble Laurence Olivier, ce nez protubérant qui marque l'excès, le goût du jeu et de l'artifice.

Un style en excès théâtral et cinématographique

Olivier respecte le rythme lent du théâtre avec des plans assez longs. Les transitions sont fluides par exemple celle sur le sang lorsque le duc de Clarence est noyé dans un tonneau évocation d'un bain de sang que souligne encore le raccord avec un pichet. Ces transitions fluides sont un équivalent de la succession des événements effrénés chez Shakespeare qui a raccourci des événements se passant sur plusieurs années en des événements se passant sur plusieurs jours.

Mais Olivier révèle l'artifice de la mise en scène et du cinéma. Il parle à la caméra, interpelle le spectateur du regard. L'interpellation est plus forte au cinéma où l'acteur parle directement au spectateur. Nous sommes guidés par Richard Roi magicien qui convoque le réel. Roi metteur en scène qui convoque le réel à partir de son épée, la bataille surgit devant nous. La caméra nous rend complices de ses plans machiavéliques. Le roi surgira souvent derrière les portes, prêt à surgir guider les visions des choses ouvrir les fenêtres pour nous.

Il jouera de l'ombre portée de Richard en avance sur lui. Olivier joue sur le double sens de shadow : ombre mais aussi acteur en anglais élisabéthain. L'acteur qui joue Richard est un acteur qui joue quelqu'un qui joue la comédie. L'ombre se glisse partout et souligne la difformité de Richard et la puissance de contamination du mal qu'il porte en lui lorsque l'ombre vient toucher la robe blanche de lady Anne.

Utilisation de la profondeur de champ lorsque Buckingham scelle le destin du petit prince, minuscule dans la profondeur de champ, alors vulnérable, objets du destin. La séparation entre Buckingham et Richard est figurée par la séparation entre les deux fenêtres.

Olivier ne se prive pas non plus des cadrages signifiants. Il filme ainsi son monologue initial devant le trône montrant bien que son but est de s'y asseoir bientôt. Olivier cadre aussi James Tyrrel sous le signe du sanglier, emblème de Richard, quand il se rallie à celui-ci

Test du DVD

Editeur : Carlotta-Films, décembre 2008. Nouveau master restauré, version originale, sous-titres français.

Suppléments : Le jeu de l'illusion (26 mn). Sarah Hatchuel, professeur à l’Université du Havre et spécialiste du théâtre shakespearien. Film promotionnel (1955, 13 mn) et bande-annonce.

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Genre : Drame épique
Avec : Cedric Hardwicke (Le roi Edward IV), Nicholas Hannen (L'archeveque), Laurence Olivier (Richard III), Ralph Richardson (le duc de Buckingham), John Gielgud (George, Duc de Clarence), Mary Kerridge (la reine Elizabeth), Pamela Brown (Jane Shore), Paul Huson (Edward, Prince de Galles), Stewart Allen (Le page de Richard), Claire Bloom (Lady Anne). 2h41.
Thème : Shakespeare
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