Quatre mariages et un enterrement

1994

(Four Weddings and a Funeral). Avec : Hugh Grant (Charles), Andie MacDowell (Carrie), James Fleet (Tom), Simon Callow (Gareth), John Hannah (Matthew), Kristin Scott Thomas (Fiona), David Bower (David), Charlotte Coleman (Scarlett), Nigel Hastings (Alistair). 1h57.

Séducteur-né, Charles, trente-deux ans, vole de conquête en conquête, sans jamais prendre le temps d'aimer. Désinvolte, léger comme l'air et bien trop "british" pour exprimer ses sentiments, ce "monogame en série" commence cependant à s'interroger sur son avenir. Autour de lui, les mariages se multiplient de façon inquiétante, et ses amis manquent rarement de l'inviter à leurs noces ou, pis encore, de le choisir comme témoin. Ces festivités, où le formalisme le plus ostentatoire le dispute à la vulgarité la plus débridée, sont pour Charles autant de rappels de sa "triste condition". Elles sont aussi l'occasion de retrouver son petit cercle d'intimes : Fiona, belle brune à l'humour acide qui lui voue un amour aussi secret que fidèle ; Tom, aristocrate fortuné mais désespérément inepte avec le beau sexe ; Gareth, colosse "gay" débordant de malice et de vitalité ; Matthew, son jeune et discret compagnon ; Scarlett, impétueuse punkette à la recherche de l'âme-soeur.

Lors d'un mariage, Charles fait la connaissance d'une jeune et élégante américaine : Carrie. Belle et racée, aussi discrète que sophistiquée, elle lui fait clairement entendre qu'il lui plaît. Ils passent la nuit ensemble, mais Charles, se croyant l'objet d'une demande en mariage, rompt au plus vite.

Quelques mois plus tard, au cours d'un mariage très mouvementé, Carrie lui présente son fiancé, Hamish, un riche quinquagénaire écossais. En souvenir de leur rencontre, elle consent à passer une dernière nuit d'amour avec Charles.

Un mois après, ce dernier, médusé, découvre qu'il est le trente-troisième amant de la jeune femme. Enhardi par les confidences de cette dernière, il se déclare enfin. Mais il faudra encore un mariage et un enterrement pour que Charles et Carrie réalisent l'évidence et comprennent qu'ils ne peuvent vivre l'un sans l'autre...

Mike Newell retourne malicieusement la comédie sentimentale classique. Quatre fois de suite, il joue à recommencer et subvertir le happy-end des happy-ends pour aboutir à une belle non demande en mariage.

Le film est emporté par le charme de ses acteurs principaux. Hugh Grant, gaffeur irresponsable, jamais avare d'un "fuck", indécis, se sent progressivement contraint de prendre une décision importante alors qu'il ne rêve que de se laisser glisser au fil du quotidien, gentiment irresponsable. Andie Mac Dowell, décidée, elle compte et juge ses 32 amants du bout des doigts, légère, indépendante, capable de se jouer des conventions sociales.

Autour d'eux, Gareth, le moqueur jovial, Matthew, le tendre, Fiona, l'élégante cynique cachant un amour par trop évident, Scarlett, la midinette vulgaire, Tom, le gentleman benêt, David, le confident muet, tous célibataires forme une seconde famille, lieu de reconnaissance et de protection.

Au cours des cinq actes, le groupe d'abord manifestement plus fort que l'entourage social ("félicitez la famille des mariés en leur disant que la mariée a l'air enceinte" ), bande d'iirréductibles célibataires, qui résiste vaille que vaille à l'appel croissant de l'âge et des conventions sociales, se disloque. "Les enterrements sont plus excitants que les mariages car on est certain d'en être un jour le personnage principal! " avait affirmé Gareth. Matthiew, lors de sa mort, révèle à tous le couple qu'il formait avec lui.

Charles qui pressent la tragédie dès son premier adieu à Carrie pourrait bien y être confronté lors de son mariage avec l'hystérique Face d'Oie et c'est le muet David qui le sauve par ses signes. Le mariage est-il la seule voie possible pour le couple ? C'est de cette dernière tragédie que le sauve Carrie.


Les suites : Coup de foudre à Nothing Hill, Le Journal de Bridget Jones ou Love Actually ne retrouveront jamais le mordant et l'allegresse de celui-ci.


Le poème de W. H. Auden : Arrêter les pendules

Arrêter les pendules, couper le téléphone,
Empêcher le chien d'aboyer pour l'os que je lui donne,
Faire taire les pianos et les roulements de tambour
Sortir le cercueil avant la fin du jour.

Que les avions qui hurlent au dehors
Dessinent ces trois mots : Il Est Mort,
Nouer des voiles noirs aux colonnes des édifices
Ganter de noir les mains des agents de police.

Il était mon Nord, mon Sud, mon Est, mon Ouest,
Ma semaine de travail, mon dimanche de sieste,
Mon midi, mon minuit, ma parole, ma chanson.
Je croyais que l'amour jamais ne finirais : j'avais tord.

Que les étoiles se retirent, qu'on les balaye.
Démonter la lune et le soleil
Vider l'océan, arracher les forêts
Car rien de bon ne peut advenir désormais.

-- Wystan Hugh Auden (1907-1973)