Nanni Moretti et la politique italienne

Le cinéma, le théâtre, la radio, la musique et le sport intéressent bien davantage le jeune Nanni Moretti que la politique. Il sera ainsi à l’abri des dérives des années de plomb. Ce retrait de la politique (1973-1985), Moretti y met fin lorsque le parti communiste cherche à muter. Moretti se sent proche d’une effervescence qui n’est pas tant radicale que basée sur la sensibilité des militants. Il s’empare alors de la chose publique (1989-1993). L’entrée de Berlusconi en politique oblige Moretti à entrer dans l’arène et à combattre le leader de la droite (1994-2006). Même s’il est possible que Le Caïman (2006), en pleine campagne législative, contribue à la défaite de Berlusconi, son retour au pouvoir en 2011 entraîne pour Moretti une stratégie moins frontale. Il souhaite désormais voir les chefs s’effacer et le pouvoir rendu aux citoyens (2011-2018).

 

Le retrait de la politique

Dès son court-métrage, La défaite (1973, 26'), Moretti entretient des rapports difficiles avec l'engagement politique. Le mouvement autonome, la tendance extralégale de l’extrême-gauche, apparaît en Italie en 1973. Les 3 et 4 mars 1973, vingt-huit collectifs ouvriers autonomes se réunissent à Bologne en coordination nationale. La constitution de l’Autonomie ouvrière en force politique provoque une crise à l’intérieur de Potere Operaio. En 1964 Mario Tronti et Toni Negri avaient créée une nouvelle revue, Classe Operaia, qui prône l’intervention dans les luttes ouvrières Pour les opéraïstes, le socialisme n’est qu’une nouvelle forme du développement capitaliste : les luttes ouvrières doivent s’orienter au contraire dans la constitution du pouvoir ouvrier, considéré comme construction immédiate du communisme. En 1973, Negri veut dissoudre Potere Operaio dans les assemblées autonomes et attribuer la fonction militaire aux Brigades Rouges. Au mois de mai, les négristes sont exclus de Potere Operaio au congrès de Rosolina. Regroupés autour du journal Rosso, ils vont désormais s’organiser au sein des « Collectifs Politiques Ouvriers » du nord de l’Italie.

Dans La défaite, Moretti alterne les plans d'une manifestation ouvrière avec ceux de la crise politique d'un jeune homme. La manifestation en question est l'une de celles qui aboutira le mois suivant à la réunion de Bologne. Le 23 février 1973, les ouvriers de la métallurgie arrivent à la gare de Rome, envahissent la ville lorsqu'ils sont rejoints par le cortège des étudiants et défilent jusqu'à la place San Giovanni. La bande-son accompagne ou commente la manifestation et suit le développement parallèle de la crise que subit le personnage principal. Sous forme de notes plus que d'une histoire, on a l'évolution d'un militant de gauche qui, à travers une série d'expériences, de doutes et de désillusions, d'entretiens avec des amis et des compagnons, arrête de faire de la politique. Pour Moretti "Le film est une proposition, un effort pour affronter de façon critique quelques problèmes qui se pose de nos jours à la gauche, comme le rapport privé public qui serait une nouvelle façon de faire de la politique". Dès le début, Michele dit "On nous dit qu’il faut lutter pour que les générations futures puissent avoir une société plus libre, pour que nos enfants puissent en profiter. Et nous alors ?! Parce que moi, les générations futures, je m'en fous !". De fait, c'est la défaite : les plans de la crise individuelle et ceux de la classe ouvrière combative ne se rencontrent pas.

Ainsi, par la recherche d’une vérité et d’un épanouissement personnel, Moretti ne se sent alors ni concerné par le mouvement ouvrier ni par le mouvement autonome qui dérivera bientôt dans le terrorisme des années de plomb.

Les premiers long métrages de Moretti, Je suis un autarcique (1976), Ecce bombo (1978) et Sogni d’oro (1981) traitent de son rapport au cinéma, au théâtre, à la télévision et aux radios libres mais n'abordent pas frontalement le domaine politique. Pareillement pour Bianca (1984) qui aborde pourtant la thématique de l'éducation et met en scène un commissaire de police plutôt bienveillant. Dans La messe est finie (1985), domine le sentiment douloureux que plus rien ne sera aussi joyeux que l'enfance. Pire même, Don Giulio, qu'interprète Moretti, se retire en Patagonie où il espère être enfin utile. C’est dire alors le désinvestissement total de Moretti dans la politique.

 

La chose publique (1989-1993)

Palombella Rossa (1989) marque un tournant. Michele Apicella, devenu amnésique, se retrouve au bord d'une piscine avec des joueurs de water-polo. Resurgit de son passé une activité de haut responsable politique au sein du Parti Communiste, qui lui vaut d'être sur la sellette face à des journalistes au cours d'une émission de télévision.

Michele est devenu communiste "un peu par affection, un peu par désespoir". Être communiste s'était "être avec d'autres personnes qui croient comme toi à certaines choses, participer à un mouvement qui essaie de transformer la réalité". En 1989, la situation a changé et la transformation du monde passe par une position moins radicale pour rassembler les forces de progrès. Sont ainsi renvoyés à leurs postions intransigeantes tous les infatigables bavards qui rodent autour de la piscine, gauchistes staliniens, fascistes, catholiques. Tous inquisiteurs, tous certains de détenir la vérité, tous coupables de "parler mal, penser mal, vivre mal".

Lui-même, loin de s'ériger en modèle, se trouve trop compliqué. Pour gagner, il aurait suffit de s'en tenir à la tactique du coach : "On ne change rien à ce qu'on a dit. On ne cherche pas midi à quatorze heures". Or c'est exactement ce que fait Michele avec ses dribbles improbables et son changement de tactique au dernier moment lors du penalty final. Il voulait regarder à droite et tirer à droite, or, au dernier moment, il tire à gauche. Le gardien de but ne se laisse pas surprendre et arrête le penalty."Le match a été comme il devait être mais "J’attendais plus de la vie et mieux. Mieux que cette pizza et ce vestiaire" dira-t-il ensuite comme pour dire que ce n'est pas la société qu’il faut accuser mais la condition humaine par nature fragile et mortelle. Il hurle aussi "Les goûtés de mon enfance ne reviendront jamais plus, le bouillon de poulet quand j’étais malade, les derniers jours d’école avant les grandes vacances. Ce qui reste, c’est "Trente ans dans l’eau et des saletés dans le nez".

"Les gens ont peur, ils sont maltraités. Ils espèrent en nous. Nous sommes différents et nous sommes pareils. Maman vient me chercher " dira-t-il comme un garçon qui se réfugie dans une enfance fantasmée. L'enfant rit (son off) de cette parodie d’homme qui voudrait toujours tendre le bras vers le futur mais qui ne vit que dans la nostalgie du passé.

Néanmoins, c'est encore une fois la dimension personnelle qui dicte l’engagement. Ce ne peut-être qu'au sein de forces politiques qui mettent l'intimité de l'homme au centre de leurs préoccupations. Sont ainsi exclues toutes les forces extrêmes et leurs slogans sans nuances.

En parallèle avec Palombella Rossa, Moretti tourne le documentaire La chose (1990). En 1989, le Parti Communiste Italien subit de plein fouet la chute du mur de Berlin et la fin progressive des régimes communistes à l'Est de l'Europe : il entre alors dans une période de crise d'identité. Le 22 novembre, Moretti apprend que des militants se réunissent pour débattre de la proposition du secrétaire général du Parti, Achille Occhetto, qui invitait à un changement radical du PCI et notamment à un changement de son nom. Moretti appelle un cadreur et un ingénieur du son avec qui il tourne en 16 mm une assemblée d'une section du Parti Communiste dans le quartier populaire du Testaccio à Rome. "Je n'avais pas en tête de projet précis mais cette journée de tournage m'a convaincu de continuer. J'ai tourné ainsi dans plusieurs villes italiennes et il en est sorti un documentaire."

Nanni Moretti filme ainsi la parole de militants de base dans différentes sections de toute l'Italie et filme ce tournant historique dans l'histoire politique italienne. Ce sont 45 militants et militantes (sept femmes) du parti communiste qui prennent la parole au sein de huit sections : à Francavilla di Sicilia, Gênes, Bologne, Naples, Turin, Milan, San Casciano val di Pesa et Rome.

Par son montage, le film remonte en effet le temps, commençant par une section communiste filmée le 19 décembre 1989 pour remonter à celle du Testaccio à Rome le 22 novembre. Il s’agit en effet moins de trouver un nom ou un symbole à "la chose" qui va prendre la place du parti communiste que de laisser la parole s’exprimer. Les militants saisissent cette opportunité pour exprimer leurs interrogations et leurs craintes quant au futur de leur parti.

En 1990 Moretti est donc en empathie avec cette recherche, cette transformation de la politique qui part d’une recherche sincère, intime et personnelle exprimée par les militants du parti communiste.

Cher journal (1993), est une œuvre plus légère où le cinéaste, à défaut d’être en accord avec le monde, est en accord avec lui-même. Omniprésence du thème de la solitude : déambulation seule, jeu avec le ballon, solitude face aux médecins. Le thème du corps, heureux de se promener au soleil sur la vespa est ressenti d'autant plus intensément que, comme le révèle la troisième partie du film, Moretti vient d’échapper de peu à un cancer avec une foi amoindrie dans la médecine : en guise de conclusion il déclare  :"Désormais, je me soigne seul et me prescris, chaque matin, un grand verre d’eau pure à jeun"

 

Contre Berlusconi (1994-2006)

Un climat affairiste, de plus en plus corrompu, s'installe en Italie, ce qui provoque l'opération judiciaire dite Mani pulite (Mains propres). Il s'ensuit une réorganisation politique massive qui voit l'explosion des trois grandes forces politiques (la Démocratie chrétienne, le Parti communiste et le Parti socialiste) en une myriade de partis. De cette recomposition, c'est Sylvio Berlusconi qui va tirer les marrons du feu pour protéger ses propres intérêts financiers.

Neuf cinéastes prennent alors position contre l'irruption en politique du magnat de la télévision : Francesca Archibugi, Antonio Capuano, Marco Tullio Giordana, Daniele Luchetti, Mario Martone, Carlo Mazzacurati, Marco Risi, Stefano Rulli Nanni Moretti réalisent un manifestes anti-Berlusconi. Dans Le seul pays au monde (1994) Moretti roule en Vespa à travers le quartier de la défense à Paris, rappelant que l'Italie est le seul pays au monde à permettre au propriétaire de trois chaînes de télévision de se porter candidat à la tête d'un pays.

L’engagement de Moretti se poursuit avec Aprile (1998) où il prend acte que le court-métrage de 1994 n'a pas suffit à empêcher Berlusconi d'accéder pour la première fois à la Présidence du Conseil. Le film commence par une interview complaisante de Silvio Berlusconi dans un de ses journaux télévisés après que la coalition de droite qu'il menait ait gagné les élections législatives. Désabusé, Nanni Moretti, qui joue son propre rôle, fume son premier pétard. Il décide d'entreprendre un documentaire sur l'Italie, et filme à Milan la manifestation anti-fasciste qui suit l’élection . Il pleut et constate qu'il n’a filmé qu'une  marée de parapluies. Il décide alors d'abandonner son documentaire pour un retour au projet initial d'une comédie musicale sur un pâtissier trotskiste.

Moretti scénarise ainsi sa volonté d'engagement affermie par l'élection de Berlusconi tout en étant toujours prêt à y renoncer pour un projet plus personnel, plus solaire, musical et joyeux.. C’est pourquoi il revient au projet de documentaire en 1996 quand la droite tombe et que des élections sont en perspective. Et, en avril 1996, c'est l'euphorie :  la naissance de son fils Pietro coïncide avec la victoire de la gauche. Le film se termine néanmoins par une note amère. En 1997, un bateau de migrants arrive dans un port des Pouilles. Des Albanais sont interviewés après le naufrage d'un de leurs bateaux. Si la télévision est là, les politiciens de gauche sont absents. Moretti se sent aussi maladroit avec le sort des réfugiés mais pressent que la gauche indécise va y perdre son âme.

Après La chambre du fils (2001) où les préoccupations politiques sont reléguées à l'arrière plan, c'est Le Caïman (2006). Aprile documentait les réactions politiques suite à la première accession de Sylvio Berlusconi à la Présidence du Conseil en 1994 puis sa défaite aux législatives d’avril 1996. Le Caïman, réalisé huit ans plus tard, se déroule durant le second mandat de Berlusconi, de 2001 à 2006, et sort quelques jours avant les législatives qui verront le leader de la droite allié à l'extrême-droite perdre l’élection de très peu, le contraignant à l'opposition durant les deux années suivantes.

Le Caïman parle de l'ampleur du préjudice des années Berlusconi (soupons de corruption, attaque contre les juges, TV paillettes) sous forme de comédie car il fait de  Bruno Bonomo (Silvio Orlando), producteur lunaire et sans charisme animé par sa seule passion,  l'opposant principal de Berlusconi. Bruno perd pied lorsque son réalisateur l'abandonne pour un grand producteur alors qu'il est arrivé à décrocher un rendez-vous inespéré avec une huile de la RAI. Bruno, à la rue, accepte sans le lire de proposer en catastrophe à la chaîne un autre script, le Caïman, scénario que lui a proposé Teresa une cinéaste inexpérimentée. Bruno, en le survolant, pense qu'il tient un bon film d'action mafieux.. Sans s'en rendre compte, Bruno est en train de produire un film sur l'insupportable arrogance du système berlusconien.

Moretti n'interprète pas le rôle principal comme s'il ne voulait pas vampiriser par sa présence l'importance de son discours. Mais en diffractant Berlusconi en quatre interprètes toujours arrogants mais tour à tour odieux, visqueux, vulgaire et terrifiant, il présente une des plus lourdes charges satiriques conte un personnage public. Berlusconi apparaît tel qu'en lui même par  le truchement d'extraits télévisés. Il est odieux dans une scène datant de juillet 2003 où contesté au parlement européen, il avait en réponse conseillé au député Martin Schulz de prendre le rôle du "kapo" dans un film sur les camps de concentration nazis. " Interprété par Elio De Capitani  lors des lectures de scénario de Bruno, Berlusconi y apparait aussi visqueux qu'un Caïman. Dans la fiction mise en scène par  Teresa, elle donne, faute de mieux le rôle au vulgaire Marco Pulici, interprété par Michele Placido. Enfin Moretti interprète lui-même la quatrième incarnation de Berlusconi lors de la scène finale qui le voit appeler à l'insurrection populaire une fois qu'il a été condamné par les juges. Moretti joue en effet son propre rôle dans son film; celui d'un acteur qui méprise dans un premier temps l'engagement politique préférant une comédie puis qui, vu l'urgence de la situation, accepte d'interpréter Berlusconi quand Bruno, quasi ruiné, revient vers lui.

Le journal du Caïman, que Nanni Moretti tourne en parallèle, le montre participant à de nombreuses manifestations publiques contre Berlusconi notamment un discours, le 15 décembre 2005, devant le parlement appelant à "une gauche modérée qui soit intransigeante". Le Caïman est un surnom moins glorieux que il Cavaliere dont on affabulait Berlusconi jusqu'alors. C'est un journaliste de la Repubblica qui le baptise ainsi en 2005 : "un animal qui dirige les masses stupéfaites à travers l'hypnose télévisuelle... Sa force réside dans le fait de ne pas penser car penser sème le doute. Lui vise sa proie et l'engloutit "

À la sortie du film, les partis de droite insultent Moretti en le traitant de nazi-maoïste. Le centre-gauche lui avait suggéré de ne sortir le film qu'après les élections. Un de ses responsables espère, curieusement d’après Moretti, que le film sera "utile" et "non-préjudiciable". In fine, le film se fait, même s’il est vraisemblablement réduit à un court-métrage d'une journée de procès. Le cinéma n'est pas inutile et les quelques voix gagnées par le film ont suffit pour renvoyer Berlusconi du pouvoir.

 

Une Italie rendue au peuple (2011-2018)

Moretti avait clôturé son Caïman, œuvre de combat politique contre Berlusconi par l’image de celui-ci, maléfique et sur de lui, assis dans sa voiture alors que se déclenchait derrière lui l'insurrection fasciste à laquelle il avait appelé après sa condamnation par les tribunaux. Pourtant Le Caïman n’a pas empêché le retour de Berlusconi à la présidence du conseil italien en 2011. Moretti s'est donc mis en recherche, avec Habemus papam (2011), d'une autre forme de réquisitoire contre le pouvoir politique. Au dernier plan du Caïman répond le plan le plus singulier d'Habemus Papam : au balcon de cathédrale Saint Pierre de Rome, un espace vide et noir entre deux rideaux rouges après le retrait piteux du cardinal appelé à être pape. Ce plan sera repris, en contre-plongée vu par une caméra de télévision depuis la place, lors d'une retransmission télévisée que le pape verra depuis sa chambre d'hôtel. Après la terrible présence diabolique du chef dans Le Caïman répond ici le retrait, la démission de l’homme de pouvoir qui laisse le peuple sans chef pour qu’émerge un pouvoir collectif.

Dans Mia madre (2015), Moretti en revient à sa haine des slogans tous faits, des choses mal dites et mal pensées. Ce sont les certitudes plaquées, toutes faites, qui indisposent Margherita, la cinéaste. Ce refus des évidences s’incarne dans son conseil aux acteurs de ne pas être trop dans leur rôle, dans son scepticisme face aux slogans qu'ils soient sociaux dans son film ("Du travail pour tous" ou "A bas les exploiteurs") mais aussi sur une banderole de l'hôpital ("Tous ceux qui ont abandonné sont déjà morts').

Dans son documentaire Santiago, Italia (2018) Moretti, rappelle comment Pinochet avec le soutien des Américains mais surtout de la petite bourgeoisie chilienne mit  fin au rêve des ouvriers,  des paysans, des intellectuels et des étudiants d'accéder à une société joyeuse et égalitaire promise par Salvador Allende. Il rappelle aussi comment  l'Italie se mobilisa pour accueillir avec ferveur les réfugiés chiliens fuyant la dictature. Cet accueil contraste évidemment avec celui qui est réservé 45 ans plus tard aux migrants fuyant les côtes libyennes.

On a pourtant reproché à Moretti de ne pas dire plus clairement son opposition à Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur avec le soutien d’une droite pour partie fascisante. Moretti semble pourtant toujours plus convaincu d’abandonner une lutte frontale avec ceux qui ne pensent pas comme lui. Dans son film, les témoignages des deux tortionnaires aux ordres de Pinochet illustrent bien l'impossibilité de dialoguer contre la mauvaise foi et l'irresponsabilité. Ces deux militaires usent de toutes les contorsions possibles pour justifier la sanglante répression de la démocratie. Moretti par le cadrage et la lumière magnifie les témoignages sur l'accueil des réfugiés politiques chiliens en 1973 et fait revivre cette belle histoire d'une gauche chilienne qui va au gouvernement pour la première fois par des élections libres, sans armes et sans l'extrémisme autoritaire des expériences soviétique ou chinoise ou cubaine. Il fait revivre cette Italie qui aida les réfugiés politiques de façon si généreuse. Cette joie se retrouvera peut-être sous le régime du second gouvernement Giuseppe Conte, si les citoyens s'inspirent de leurs aînés de 1973-74.

Pour Moretti, c'est donc comme une boucle qui se ferme, du retrait de la politique lors de sa jeunesse de cinéaste en 1973 à une démonstration par l'exemple... de ce qu'il n’a pas vécu alors.

Jean-Luc Lacuve, le 20 septembre 2019