Level five

1997

Avec : Catherine Belkhodja (Laura), Nagisa Oshima, Kenji Tokitsu, Junishi Ushiyama, Shigeaki Kinjo (eux-mêmes). 1h46.

Dans la pièce d'un appartement, transformée en studio, une femme, Laura, et un ordinateur. Laura s'adresse à un interlocuteur invisible qui est peut-être l'homme qu'elle aime et qui est disparu. De lui, elle a hérité cette tâche : terminer l'écriture d'un jeu vidéo consacré à la bataille d'Okinawa, à la fin de la seconde guerre mondiale. Celui-ci se limite à la seule reconstitution d'une tragédie méconnue en Occident. Contrairement aux autres jeux de stratégie, il est impossible d'inverser le cours de l'Histoire. Laura accumule une à une les pièces du drame, mais se heurte à la froide logique de la machine. À ses questions, l'ordinateur lui renvoie ses messages sans âme : "erreur de type 14", "access denied" ou "request denied".

En travaillant sur ce projet, la jeune femme découvre les vérités et l'horreur de cette dernière grande bataille. Un film du réalisateur japonais Nagisa Oshima souligne le suicide de milliers de civils, habitants de l'archipel, imposé par l'armée impériale. Mais devant la complexité des problèmes, Laura décide de faire appel aux services de Chris, un as du montage, qui est à un moment de sa vie où les images des autres l'intéressent plus que les siennes. Laura se souvient de ces "conversations", via l'ordinateur, avec son compagnon. Elle évoque ces rencontres anonymes, masquées, par le biais d'Internet et du réseau OWL, à même de lire dans les pensées d'autrui. Elles étaient devenues un jeu et les inconnus se voyaient attribuer un niveau d'intérêt croissant, de 1 à 5. Mais aucun de ces nouveaux contacts n'atteignit cependant le "level 5".

Des documents d'aujourd'hui. Des parents, des frères et des sœurs jettent des bouquets de fleurs à la mer pour consoler l'âme de centaines d'enfants morts noyés en 1944, car un bateau qui devait les mettre à l'abri a été coulé. Dans une grotte, les photos de 206 élèves et professeurs qui y périrent, probablement brûlés vifs au lance-flammes. D'autres images sur la guerre et leur fausse réalité. Celles d'un homme en train de brûler, surnommé Gustave, que l'on a vu dans des actualités sur les Philippines, Okinawa, ou même, bien plus tard, sur le Viêt-nam. La cérémonie de Marines plantant le drapeau américain sur le sol d'Iwojima, scène reconstituée, avec d'autres participants, pour les besoins des archives et de la postérité. Et puis, il y a aussi le témoignage de Kinjo, enfant des îles Kerama, près d'Okinawa, forcé par les soldats japonais d'assassiner ses parents, ainsi que ses jeunes frère et sœur avant de se donner la mort. Fait prisonnier, il ne put conduire à son terme son effroyable mission. Pour demander pardon, il est devenu pasteur, comme d'autres, en Occident, se convertissent au bouddhisme.

Laura a repris ses dialogues avec les masques sur le réseau ; mais ce n'est plus un jeu. Son travail n'aboutit pas. Elle-même ne comprend plus très bien ce qui lui arrive. À son retour, Chris trouve la pièce vide. Laura est partie. Interrogé, l'écran ignore même jusqu'au nom de Laura.