Public enemies

2009

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Avec : Johnny Depp (John Dillinger), Christian Bale ( Melvin Purvis), Marion Cotillard (Billie Frechette), Jason Clarke (Red Hamilton), Billy Crudup ( J. Edgar Hoover), Bill Camp (Frank Nitti), Stephen Graham (Baby Face Nelson), Rory Cochrane (Carter Baum), Emilie de Ravin (Anna Patzke), Leelee Sobieski ( Polly Hamilton), Matt Craven (Gerry Campbell), Peter Gerety (Louis Piquett), James Russo (Walter Dietrich), Channing Tatum (Pretty Boy Floyd) . 2h02.

John Dillinger est ramené au pénitencier par le shérif. Au même moment, un groupe de prisonniers travaillant dans un atelier de la prison sortent des revolvers d'une boite de confection. Les gardes sont vite maîtrisés et le groupe de prisonniers rejoint Dillinger et son acolyte, Red, le faux sheriff, qui les aident à s'évader. L'un des prisonniers s'acharne sur un garde et en perd de vue un autre qu'il est obligé d'abattre. La fusillade déclenche l'alarme et c'est sous les balles que fuit la bande de John Dillinger non sans arroser à la mitraillette les gardiens du pénitencier. Le principal prisonnier libéré, un ami de John, Walter Dietrich, est grièvement blessé. Il meurt lors que John tente de le faire monter dans la voiture. John abat son homme de main, responsable de la fusillade qu'il accuse de la mort de Walter.

La bande se repose un instant dans une ferme qu'elle quitte bientôt pour la QG de Chicago. John arrose un flic et Anna, qui tient une maison de passe.

John et sa bande dévalisent une banque en moins de une minute quarante. Ils couvrent leur fuite en emmenant deux otages qu'ils traitent élégamment.

Melvin Purvis, après les sommations d'usage abat Pretty Boy Floyd dans un verger.

John Edgar Hoover n'obtient pas les crédits nécessaires au tout nouveau FBI qu'il dirige de la part d'un juge qui le taxe d'incompétence pour ne pas avoir arrêté lui-même un seul gangster. Hoover décide de mettre la presse de son côté et nomme Melvin Purvis responsable du bureau de Chicago avec charge à lui d'arrêter John Dillinger, dorénavant désigné comme L'ennemi public numéro 1....

Dans une Amérique en proie à la crise et à la prohibition (1919-1933), le gangster apparaît dans les années 30 comme une alternative possible à la vie terne et miséreuse de nombreux spectateurs. L'apogée du film noir se situe après celle du film de gangsters et est davantage lié à la détérioration de la situation économique et sociale.

En situant son film, à la charnière de ces deux époques, Michael Mann n'a de cesse d'accumuler les variations autour d'un même message : le désir de pouvoir jouir d'une vie intense en opposition à la morne existence promise par un monde en crise. La richesse du scénario est soutenue par une mise en scène aussi audacieuse dans la simplicité et la radicalité de ses choix, qu'inventive dans son expressivité.

La fin d'une époque romantique

Les cartons introductifs situent l'action quatre ans après le début de la crise de 1929 au moment où Hoover crée le FBI en 1933. Après l'exécution en pleine rue de John Dillinger sortant de la projection de Un drame à Hollywood, les cartons finaux feront état du suicide de Melvin Purvis. Si celui-ci n'a lieu, comme indiqué, qu'en 1960, il est néanmoins associé dans l'esprit du spectateur à la fin de cette époque charnière où l'individualisme représente encore une valeur par rapport à la puissance des réseaux, étatiques policiers ou criminels.

John Dillinger est en effet représenté comme une sorte de Robin des bois. Certes il se sert des otages pour couvrir sa fuite mais il se montre chevaleresque avec eux. Certes, il dévalise les banques mais il ne vole pas l'argent des clients. C'est un ami fidèle qui refuse de lâcher prise : la main de Walter ou l'ami Red, blessé dans sa dernière cavale.

Conduit pour son procès dans l'Indiana, John Dillinger est accueilli comme un héros. Ce n'est alors guère étonnant de la part de gens pour qui le crime apparaît encore comme une meilleure solution pour sortir de la crise et de la misère. Ainsi de la jeune femme dans la ferme lors de la première cavale qui demande à être emmenée.

En face de John Dillinger, le quotidien de l'Amérique est représenté par Boby Face Nelson en VRP de chaussures pour femmes ou par ces prisonniers, ces militaires, ces gangsters au téléphone, tous comme absents au monde.

Melvin Purvis qui le combat possède la même obstination et le même professionnalisme. Il tire sur Pretty Boy Floyd avec les sommations d'usage, en plein jour, dans la ligne droite d'un verger. Il s'évertuera ensuite à protéger la vie de ses hommes et n'approuvera pas les moyens trop musclés d'un de ses agents pour faire avouer Billie.

Ces deux personnages romantiques sont doublés par leurs mentors venus d'une époque plus éloignée mais dont ils partagent les valeurs. Du côté de Dillinger, c'est l'avocat Louis Piquett, à la fois rusé orateur et fidèle jusqu'au bout. De celui de Purvis, c'est l'agent Gerry Campbell, ancien shérif et son inoubliable arrivée à la gare de Chicago, accompagné de ses deux acolytes comme pour un règlement de compte de western.

Non sans un certain humour, Michael Mann joue de la place de Johnny Depp dans son passé de cinéma. C'est le contrechamp sur le visage de Clark Gable dans Un drame à Hollywood auquel il a fini par ressembler avec sa fine moustache. C'est aussi son propre rôle dans Pirates des Caraïbes : Jack est le premier nom que se donne John Dillinger face à Billie et les Caraïbes une destination possible pour fuir.

Frank Nitti et ses gangsters au téléphone ont bien compris la fin de cette époque romantique où la vitesse suffisait à passer d'un état à l'autre pour échapper à la police. L'individualisme du gangster n'est plus de mise. Celui de Boby Face Nelson et de ses excès qui se pique d'imiter l'acteur James Cagney. L'individu est toujours le grain de sable qui fait dérailler la belle machine, tel le prisonnier qui déclenche la fusillade.

Pour échapper à la corruption et la trahison inhérente au monde des gangsters, John Dillinger s'était ainsi donné des règles auxquelles, contraint et forcé, il devra déroger : "ne collabore jamais avec quelqu'un dont tu n'es pas sûr ou qui est aux abois".

Une romantique histoire d'amour

Le romantisme de l'histoire d'amour est à la hauteur du romantisme de l'époque. Le coup de foudre est immédiat entre Billie et John et scellé par la chanson Bye- bye Blackbird. Ils s'avouent immédiatement leur origine lourde à porter : sang mêlée pour l'une, père alcoolique et violent pour l'autre. Même immédiat aveu de leur situation a priori peu reluisante : robe à trois dollars et dame vestiaire pour l'une ; gangster toujours traqué pour l'autre.

L'apparente sûreté de soi de l'un (scène du vestiaire) et la mélancolie de l'autre, pressentant la fin de leur histoire, assure la permanence de leur relation dans un romantisme crépusculaire qui culmine sur la scène de la plage la nuit


Diagonales, gros plans et profondeur de champ

Formellement, le film commence avec des diagonales bien nettes (celle des files de prisonniers, des enfilades d'arbres du verger, des rangées de voitures attendant l'avion) et se termine avec des arrière-plans touffus : la forêt où ont fui Johnny et Baby Face Nelson, les lignes de téléphone des bootleggers ou de la police, la foule dans la rue qui contraint à abattre John Dillinger sans sommation, de dos, la nuit..

Michael Mann accentue aussi la vitesse dans la première partie (le "vol" de Johnny au-dessus du comptoir de la banque, la rapidité d'exécution de la première évasion et du premier cambriolage) pour reprendre ces scènes sur un rythme plus lent lors de la seconde évasion et du second cambriolage avec son maigre butin.

La variation des échelles de plan rythme d'abord l'action suggérant comme une liaison maîtrisée entre la violence intérieure des personnages et leur impact sur le monde extérieur. La fin semble en revanche presque onirique avec la séquence au cinéma et, précédemment, l'entrée comme dans un rêve de John au QG de la police, contemplant tous ses amis... morts avant lui.