Le film est déjà commencé ?

1951

Avec les images et les voix de Marcelle Dumont-Billaudot, Christiane Guymer, Bernard Marçay, Isidore Isou, Maurice Lemaître, Gil J. Wolman et leurs amis. 1h02

Ce n'est pas à un film que vous allez assister maintenant mais à une séance de cinéma qui doit être composée de 1.- un écran de forme spéciale, 2.- une bande image, 3. - une bande sonore, 4.- des interventions spectaculaires devant l'entrée du cinéma, dans le hall et la salle même, interventions dont la mise en scène est décrite dans l'ouvrage du même auteur, intitulé aussi, le film est déjà commencé ? et qui sont évoquées dans la bande sonore...

C'est à la fin des années 70 que le film devient de nouveau visible dans un nouveau montage incluant en son début un long extrait d'Intolérance. Des cartons expliquent ensuite que "Le réalisateur avait colorié à la main la première pellicule. Lorsque l'on découvrit en 1973 que le négatif original s'était presque totalement décomposé, c'est à partir de cette copie que l'on put sauver le film (...) L'ensemble de cette séance de cinéma a été présentée de manière complète à la première mondiale de l'œuvre le 7 décembre 1951, au ciné-club du quartier latin à Paris y compris l'expulsion finale des spectateurs et du réalisateur lui-même par la police.

Le film a cependant été présenté pour la première fois le 12 novembre 1951 au ciné-club du Musée de l'Homme mais sans l'ensemble de l'expérience totale de cinéma voulu par Maurice Lemaitre

Sur la pellicule le film fait directement suite au film Traité de bave et d'éternité d'Isidore Isou, sorti quelques mois plus tôt. Il en reprend les principes cinématographiques à savoir les images ciselées et le montage discrépant (disjonction totale entre son et image), auxquels sont ajoutés des interventions in vivo réalisées par des acteurs qui viennent perturber la séance depuis la file d'attente (on leur jette des seaux d'eau) jusque durant la projection. Par ailleurs, l'écran lui-même devait être parasité par la suspension de divers objets et tentures, contribuant à la moindre importance de l'image projetée.

Dans son livre, Maurice Lemaître décrit ainsi la mise en scène globale de la séance de cinéma : "Un écran rose déplaçable se tiendra à l'entrée du cinéma. Dans la nuit, une heure avant la projection, un projectionniste montrera Intolérance de Griffith sur cet écran. Le début du film sera annoncé à 8h30. Personne n'entrera avant 9h30. Pendant ces 60 minutes d'attente, les gens au premier étage du bâtiment vont secouer des tapis très poussiéreux, et quelqu'un d'autre va jeter de l'eau glacée sur la tête de ces spectateurs en attendant la projection. S'ils ont infiltré la foule, ils insulteront d'autres acteurs au premier étage ... En ce moment seulement, et pour arrêter le début d'un scandale, les portes du cinéma s'ouvriront ...