Le diabolique docteur Mabuse

1960

(Die Tausend Augen des Dr. Mabuse). Avec : Dawn Addams (Marion Menil), Peter van Eyck (Henry B. Travers), Wolfgang Preiss (Peter Cornelius), Gert Fröbe (Le commissaire Kras) Werner Peters (Hieronymus B. Mistelzweig), Andrea Checchi (Berg, le détective de l'hôtel), Howard Vernon (No. 12), Reinhard Kolldehoff (Roberto Menil alias 'Klumpfuß'). 1h43.

Une série de crimes étranges inquiète la police allemande : des meurtres sont commis à l'aide d'un fusil pneumatique dérobé un an auparavant à l'armée et lançant des aiguilles d'acier dans le cerveau. L'office criminel fédéral s'interroge : ces crimes ressemblent curieusement à ceux commis trente ans plus tôt par le fameux docteur Mabuse, mort dans un asile d'aliénés. Son dossier a d'ailleurs été dérobé il y a peu de temps...

Les crimes ont un point commun : toutes les victimes ont séjourné plus ou moins longtemps à l'Hôtel Louxor. La police a déjà dépêché un agent sur les lieux.

À l'hôtel, une jeune femme, Marion Menil, tente de se jeter dans le vide du haut de la corniche du 14e étage. Le milliardaire Travers la sauve à la dernière seconde. Le docteur Jordan, qui soigne Marion, annonce à Travers que sa cliente a déjà fait pareille tentative.

Le commissaire Krauss enquête, secondé par les prémonitions d'un étrange personnage, le voyant Cornelius.

Le coupable est découvert : il s'agit du docteur Jordan, qui se dissimulait sous l'apparence de Cornélius...

En 1960 ayant refusé de tourné pour le producteur Arthur Brauner, un remake des Nibelungen, Fritz Lang se voit proposer par ce dernier un film sur Mabuse. "J'ai déjà tué cette crapule, c'est pour cela que j'ai d'abord refusé de tourner Le diabolique docteur Mabuse. Mais cela devint pour moi une sorte de pari. Je pensais qu'il serait intéressant de montrer un criminel du même genre, trente ans plus tard, et de dire à nouveau certaines choses à propos du présent et des dangers qui menacent notre civilisation. Je n'ai pas fait ce film parce que je le trouvais important mais parce que j'espérais, si cela avait été un succès commercial comme cela avait été le cas avec M le maudit, la possibilité de tourner sans contrainte. Ce fut une erreur."

Si le Dr Mabuse utilise des moyens modernes de vidéo surveillance pour espionner ses victimes, le film est réalisé dans le même esprit que les deux précédents, M. Le joueur et Le testament du docteur Mabuse ce qui a dérouté le public de l'époque qui l'a trouvé vieillot. De plus l'intrigue secondaire, sur l'achat et la vente de centrales nucléaires qui semble être le métier de Travers, n'est traitée que par quelques phrases de dialogue. Le titre original "Les milles yeux du Dr Mabuse" est plus significatif que le titre français mais le propos politique sur l'ère de l'audiovisuel triomphant et sur les nouvelles formes technologiques de l'emprise du Mal rivalise mal la sombre atmosphère de monté du nazisme des deux précédents opus.

Difficile de parler de film testamentaire pour ce film puisque Lang, même s'il l'a pris à coeur, ne le considérait que comme un projet alimentaire destiné à assurer un succès commercial. Reste la façon très efficace et glaçante d'organiser l'intrigue.

Son projet suivant Und morgen : mord ! (Et demain, meurtre !) qui décrit une succession de viols dans une petite communauté et l'enquête de la police qui conduira à l'arrestation des plus respectables citoyens de la ville ne verra pas le jour.

Jean-Luc Lacuve le 08/01/2013