Hara kiri
1962

23 juin 1630, dans un Japon qui connaît une longue période de paix, de nombreux samouraïs devenus sans maître, les ronins sont dans la misère. L'un d'eux, Hanshiro Tsugumo, du Clan Fukushima, arrive à Edo (Tokyo) dans la résidence du Seigneur Iyi, et demande la permission de commettre le Hara kiri dans la cour.

Mais le chambellan de Iyi, Kageyu Saito, pour le décourager, lui raconte l'histoire d'un autre ronin, Motome Chijiiwa, qui fit la même demande en espérant en fait que le clan l'engagera à son service et qui fut contraint de commettre le harakiri avec un sabre de bambou, ayant dû vendre son vrai sabre pour survivre.

En fait, Motome Chijiiwa était le gendre de Hanshiro, qui raconte comment il a humilié les trois samouraïs responsables de sa mort en coupant leurs chignons.

Horrifié et déshonoré, Kageyu Saito ordonne qu'on tue Hanshiro, mais celui-ci se défend farouchement dans un spectaculaire duel final, avant d'être vaincu. Pour sauver le "code d'honneur" des samouraïs (ou bushido), Saito force les survivants à se supprimer, afin que le secret soit gardé sur cet outrage au code.

Analyse de Christophe Gans : "Le film a connu le succès en France au début des années 70 grâce à celui de Rashomon et du cinéma japonais en général connu et apprécié pour son extrême cruauté très différente de celle du cinéma occidental. Cette cruauté possède une puissance transgressive égale à celle de Sade. Elle sert à mettre en accusation une société.

Le film est ainsi connu pour sa célèbre scène de hara-kiri exécuté avec un sabre de bambou et le sanglant duel final. Ces morceaux de bravoure ne doivent pourtant pas faire oublier la critique sociale, philosophique et humaniste adressée ici par Masaki Kobayashi dans le contexte du début des années 60. La gauche et les étudiants protestent alors contre la reconduction du "pacte de sécurité" entre les Japonais et les Américains, continuité de la sorte de protectorat américain que ceux-ci ont imposé au Japon après la défaite et qui fait de ce pays une immense base militaire qui leur permet de contrôler le pacifique.

Le début des années 60 est ainsi au Japon une sorte de prè-1968 dont rendra également compte Nagasi Oshima dans Nuit et brouillard au Japon. Ce à quoi s'attaque Masaki Kobayashi dans ce film en costume, c'est à la confiance dans un gouvernement. Est-ce que nous pouvons avoir confiance dans les choses qui nous dirigent ?

Masaki Kobayashi met en accusation la construction pyramidale de la société. Dans ce film, il n'y a pas comme dans les films de sabre classique un méchant désigné qui se bat bien. Là, le monstre, c'est l'état féodal. Celui-ci est représenté dès les premières minutes du film par une armure vide qui représente l'honneur d'un clan. Cette armure est le symbole du pouvoir : quelque chose qui a l'air fort et qui est vide de toute humanité. Lors du combat final, le héros va s'en emparer et la traîner pour désacraliser cette représentation de l'état féodal dans ses règles et ses codes les plus incroyables dont le plus cruel est le hara-kiri.

une histoire muette et mensongère
des rituels sans signification

Le film s'ouvre par l'image d'un livre, celui du compte-rendu officiel par le clan Li de cette journée. Masaki Kobayashi va opposer sa fiction humaniste à l'histoire officielle. L'histoire officielle n'aura pas noté la révolte du ronin. Elle mentira et dira que deux ronins se sont fait hara-kiri dans la cour en omettant le pathétique, la pauvreté et la vengeance. L'histoire ne gardera aucune trace de la voix de ces hommes. La société fait tout pour tout remettre en place. L'armure souillée de sang est remise en place et personne ne se souviendra de ce qui s'est passé ce jour là.

Masaki Kobayashi et son scénariste Shinobu Hashimoto (celui de Rashomon ou des Sept samouraïs) placent l'action dans l'ère Tokugawa, 250 ans avant l'ère Meiji. L'état féodal est alors à son maximum d'autoritarisme. Il n'y a plus de guerre entre les seigneurs qui se partagent le Japon. Tout est pacifié. Les codes sont acceptés par tous, servilement et sans interrogation. C'est de cette aliénation dont parle le film.

On est bien loin de la vision romantique et chevaleresque de l'homme d'épée emprunt de nostalgie des films de samouraï placés habituellement dans l'ère Meiji. Dans cette deuxième moitié du XIX quand l'empereur va être restitué s'ouvrira le début de la modernité avec notamment l'interdiction de porter un sabre dans la rue. C'est au moment où il quitte la scène que s'opère cet instant privilégié de la romantisation du samouraï, vision finalement réactionnaire, à laquelle n'adhère bien évidement pas Masaki Kobayashi."

Christophe Gans sur le DVD ci-dessous.

Le film fait l'objet d'un remake, Hara-Kiri : mort d'un samourai de Takeshi Miike en 2011.

 

critique du DVD
Editeur : Carlotta-Films. Mai 2012. Nouveau master restauré HD Version Originale. Sous-Titres Français. Durée du Film : 2h07. 15 €
critique du DVD

Suppléments :

  • De l’art de bien mourir (5 mn) Une introduction historique sur la féodalité et la culture japonaise au coeur de l’ère Tokugawa
  • Entretien avec Christophe Gans (30 mn) Cofondateur et membre de la revue Starfix, scénariste, cinéaste et directeur de la collection HK Vidéo
  • Bande annonce.

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Genre : Drame social

(Seppuku). D'après le roman Ibun rônin ki de Yasuhiko Takiguchi. Avec : Tatsuya Nakadai (Hanshiro Tsugumo), Rentaro Mikuni (Kageyu Saito), Shima Iwashita (Miho Tsugumo), Akira Ishihama (Motome Chijiiwa). 2h13.

dvd chez BAC-Films