Paris 1957, place de l'Opéra. Que reste-t-il du Paris de 1922 ? Au 49 avenue de l'Opera, Jake Barnes, comme beaucoup d'Américains de la "Génération perdue", s'est établi en France où la vie est moins chère après sa démobilisation et occupe désormais les fonctions de journaliste au New York Herald.

Un soir, en compagnie de Georgette, une piquante Parisienne, il se rend dans un bal musette à Sainte-Geneviève, où il retrouve son ami le romancier Robert Cohn, entouré d'une brochette d'artistes. Au milieu du bal, arrive la troublante Lady Brett Ashley. Depuis qu'elle fut son infirmière durant la Grande Guerre, elle et Jake sont liés par une indéfectible amitié amoureuse. Mais une blessure irréversible a privé Jake de sa virilité. Pour tenter d'oublier cette déconvenue, Brett multiplie les aventures. Courtisée par le comte Mippipopolous, poursuivie par les assiduités de Robert Cohn, elle a promis d'épouser Mike Campbell, un Écossais décavé.

Le lendemain, un ami de Jake, Bill Gorton, le persuade de partir avec lui en Espagne pour pêcher et voir des corridas. À peine arrivé à Pampelune, où les fêtes de la San Fermin battent leur plein, Jake a la surprise de retrouver Brett, entourée de Mike et Robert, qui se disputent ses faveurs. Le groupe participe à toutes les célébrations de la journée : débarquement des taureaux, encierro à travers les rues, corrida... Le soir venu, Brett noue une idylle avec Pedro Romero, l'un des jeunes toreros qui a combattu l'après-midi. Fou de jalousie, Robert s'empresse de lui casser la figure.

Le lendemain, en dépit de quelques hématomes, le torero prend part à la corrida et triomphe. Peu après, Jake apprend que Brett s'est enfuie avec Romero. Mais, alors qu'il est en villégiature à Biarritz, il reçoit un télégramme d'elle en forme de SOS et part la rejoindre à Madrid. Désireuse de quitter le torero avant de lui faire de la peine, elle repartira, repentante, au bras de Jake.

Le soleil se lève aussi est la seconde adaptation d'Hemingway que signe Henry King après celle des Neiges du Kilimandjaro (1952).

Le dépit de cette génération perdue s'incarne au travers du couple maudit formé par Brett Ashley et Jake Barnes. Ils s'aiment d'un amour passionné depuis qu'elle fut son infirmière en temps de guerre mais sont condamnés à être séparés à cause d'une blessure l'ayant rendu impuissant. Depuis elle se console sans jamais avoir pu l'oublier dans l'alcool et les multiples conquêtes masculines tandis que lui assiste à la lente déchéance de sa bien-aimée sans pouvoir l'empêcher.

Que ce soit le Paris festif et dansant des Années Folles ou le Pampelune surchauffé par la Saint Fermin, Hemingway crée une sorte de dichotomie entre le mental en lambeau de ses personnages et l'imagerie idyllique de cette Europe, sources de plaisirs multiples. Le drame de Jake et Brett est la source de bien d'autres avec les prétendants malheureux de celle-ci.

La mise en scène ne parvient toutefois pas à transcender cette situation dramatique comme peut le faire le style d'Hemingway. La pauvreté de l'intrigue est loin d'être compensée par les plaisirs difficilement partageables de la corrida ou des saouleries qui occupent une bonne partie du film. Le flash-back sur la convalescence en Italie est bref et convenu. Le thème de l'impuissance est traité avec pudeur mais sans le sens tragique qui imprégnait La comtesse aux pieds nus (Mankiewicz, 1954). Tyron Power, l'acteur fétiche de Henry King, sous-joue l'homme raisonnable, acceptant son sort sans gémir mais ne se privant pas défaire la morale aux autres ce qui en fait un personnage bien trop fade pour une Ava Gardner resplendissante ou même la piquante Juliette Greco. Mike Campbell est interprété par un Errol Flynn bien loin du fringant héros des films d'aventures Warner dont la déchéance physique sied parfaitement à son personnage noyant son dépit dans les excès alcoolisés divers. Robert Cohn est interprété par Mel Ferrer en amoureux éconduit obsessionnel et faible de caractère.

Sans doute la lourdeur d'Henry King est-elle mal adaptée au style behavioriste d'Hemingway. Typique de cette inadéquation le générique hyper hollywoodien et la volonté d'Hemingway d'évoquer le temps qui passe sur les humains sans s'inquiéter de leurs douleurs : "Une génération s'éteint. Une autre génération arrive? Mais la terre perdure. Le soleil se lève aussi, et le soleil se couche. Il revient en hâte là où il est apparu."

Jean-Luc Lacuve le 29/05/2013

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Le soleil se lève aussi

(The Sun Also Rises). D'après le roman d'Ernest Hemingway. Avec : Tyrone Power (Jake Barnes), Ava Gardner (Lady Brett Ashley), Mel Ferrer (Robert Cohn), Errol Flynn (Mike Campbell), Eddie Albert (Bill Gorton), Gregory Ratoff (le Comte Mippipopolous), Juliette Gréco (Georgette), Marcel Dalio (Zizi), Henry Daniell (le docteur de l'armée). 2h08.

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