Traité de bave et d'éternité

1951

Avec : Voix de Albert J. Legros (Daniel), Bernard Blin (Le commentateur) Images de Jean Cocteau, Blaise Cendrars, André Maurois, Armand Salacrou, Jean-Louis Barrault, Marcel Achard. 2h00.

La bande-son est constituée de poèmes lettristes (servant de générique et d'interludes), auxquels s'adjoint une narration contant l'histoire de Daniel, auteur d'un manifeste pour un nouveau cinéma (le cinéma discrépant), de son discours ( "Je crois premièrement que le cinéma est trop riche. Il est obèse. Il a atteint ses limites, son maximum. Au premier mouvement d’élargissement qu’il esquissera, le cinéma éclatera !"; "J’annonce la destruction du cinéma, le premier signe apocalyptique de disjonction, de rupture, de cet organisme ballonné et ventru qui s’appelle film")face à un public hostile et de son histoire d'amour avec une dénommée Ève.

La bande-image, selon le principe du montage discrépant qui consiste en une disjonction totale entre le son et l'image, est constituée, en grande partie, de found footage. Elle présente une succession d'images banales : Isou errant dans le quartier de Saint-Germain-des-Près ou en compagnie de personnalités (comme Jean Cocteau, ou Blaise Cendrars), des fragments de films militaires récupérés dans les poubelles de l'armée ou d'exercices de gymnastique filmés, et des plans d'actualités de personnalités de l'époque, telle l'actrice Danièle Delorme. Ces images servent de prétexte à l'utilisation de la ciselure, procédé rendu en peignant, grattant ou rayant directement la pellicule, séparant ainsi chaque photogramme, habituellement perdu dans le mouvement général d'un film, pour l'explorer en lui-même et l'anéantir. L'image se retrouve parfois réduite à des écrans blancs ou noirs à divers moments du film.

Ce film est basé sur le principe du montage discrépant qui consiste, selon Isou, en une disjonction totale entre le son et l'image, traités de manière autonome sans aucune relation signifiante.

L'autonomisation du son a pour but de le faire s'épanouir pleinement, sans tenir compte de l'image, lui offrant ainsi toute la richesse stylistique de la prose, devenant un véritable roman parlé. D'autre part, la bande-son de ce long métrage introduit pour la première fois des poèmes et improvisations lettristes.

La Première publique (film non achevé) a lieu le 20 avril 1951 au Festival de Cannes puis le 23 mai 1951 (Ciné-Club du Musée de l'Homme, Paris), 5 juin 1951 (Cinéma Alexandra Paris) et du 25 janvier au 7 février 1952, en exclusivité au Studio de l'Étoile, Paris.

Traité de bave et d'éternité influence directement Le film est déjà commencé ? (Maurice Lemaître, 1951), L'anticoncept (Gil J. Wolman, 1952) et Hurlements en faveur de Sade (Guy Debord, 1952).