La main au collet

1955

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Genre : Comédie sentimentale (hum !)

(To catch a thief). Avec : Cary grant (John Robie, dit "le chat"), Grace Kelly (Frances Stevens), Charles Vanel (Bertrani), Jessie Royce Landis (Mrs Stevens), Britte Auber (Danielle Foussard), René Blancar (le commissaire Lepic), John Williams. 1h37.

Une série de cambriolages est commis dans des palaces de la Côte d'Azur. La police soupçonne John Robie célèbre cambrioleur maintenant retiré sur la côte. John retrouve ses anciens amis de la résistance dans un restaurant dont le maître d'hôtel est Betrani . Danielle, la fille du somelier du restaurant est persuadée que Robie est l'auteur des cambriolages. John rencontre alors une riche héritière américaine Frances Stevens qui tombe amoureuse de lui. Peu de temps après, un collier de Frances est dérobé et le sommelier est retrouvé noyé. John décide alors de confondre le vrai voleur lors d'une reception. Il monte sur le toit et surprend Danielle en pleine tentative de cambriolage, qui lui avoue qu'elle travaillait sous les ordres de Betrani. La fin du film voit les retrouvailles de John et Frances.

Dans ses entretiens avec Hitchcock, Truffaut, semble assez peu enthousiaste sur la qualité du film et même assez embarrassé :


F. T. : La main au collet vous a donné l'occasion de tourner pour la première fois tous les extérieurs d'un film en France. Que pensez vous du film ?
A. H. : C'est une histoire assez légère (…) Ce n'était pas une histoire sérieuse. Tout ce que je peux dire d'intéressant c'est que j'ai essayé de me débarrasser du technicolor bleu sur le ciel dans les scènes de nuit. Je déteste le ciel bleu roi. Alors j'ai utilisé un filtre vert, mais ce n'était pas absolument correct pour obtenir un bleu foncé, bleu ardoise, bleu-gris, comme une nuit réelle.
F. T. : Une particularité de ce scénario, construit comme beaucoup d'autres sur l'échange de culpabilité, est que le méchant est une femme (…) C'est surtout avec La main au collet que les journalistes se sont intéressés à votre conception de l'héroïne au cinéma : vous avez déclaré plusieurs fois que Grace Kelly vous intéressait parce que chez elle, le sexe était "indirect"
A. H. : Quand j'aborde les questions de sexe à l'écran, je n'oublie pas que là encore, le suspens commande tout. Si le sexe est trop criard et trop évident, il n'y a plus de suspense. Qu'est-ce qui me dicte le choix d'actrices blondes et sophistiquées ? Nous cherchons des femmes du monde, de vraies dames qui deviendront des putains dans la chambre à coucher. La pauvre Marilyn Monroe avait le sexe affiché partout sur sa figure comme Brigitte Bardot et ce n'est pas très fin (…. ) J'ai photographié Grace Kelly impassible, froide, et je la montre le plus souvent de profil, avec un air classique, très belle et très glaciale. Mais quand elle circule dans les couloirs de l'hôtel et que Cary Grant l'accompagne jusqu'à la porte de sa chambre, qu'est-ce qu'elle fait ? Elle plonge directement ses lèvres sur celles de l'homme.

Le scénario de La main au collet, tiré d'un roman de David Lodge (Robert Laffont, 1955) souffre de plusieurs faiblesses qui contrarient le plaisir que l'on prend à suivre cette histoire effectivement assez légère. La situation judiciaire de John Robie est expliquée tardivement et ses courses poursuites pour échapper aux policiers français semblent tout d'abord bien artificielles. On comprend enfin qu'il est un ancien voleur anglais qui s'est engagé dans la résistance en France avec d'autres repris de justices pour échapper à la prison mais qu'il ne bénéficie que d'une liberté conditionnelle. Ses anciens compagnons, qui travaillent tous dans le restaurant de Bertrani, pourraient le tuer afin que la justice ne vienne pas s'intéresser de trop près à eux car ils ont prouvé qu'ils préféraient la mort à la prison. Une fois cette situation expliquée, John Robie est finalement arrêté... pour être immédiatement relâché, faute de preuve.

Par ailleurs, l'opposition des comportements anglais, américains et français est amusante. Robie et l'assureur de la Lloyd sont sophistiqués et élégants, les Américaines libres et dévergondées et les policiers français lourdauds (le plan sur les chaussures de ville dans le bal costumé est assassin).

L'échange de culpabilité dont parle Truffaut est plus à chercher du côté de Bertrani, vrai méchant que de Danielle. La tirade, autour de la dégustation d'une quiche lorraine, sur l'absence de culpabilité des gens honnêtes trichant sur leur note de frais, et le harcèlement continu dont sont victimes ceux qui ont un passé chargé est plus incisif.

Mais l'intérêt essentiel du film est bien dans le suspense sexuel. Amorcé dès avant le baiser inattendu dans le couloir ("Trop sage, dira Mrs Stevens en parlant de sa fille, là où l'institution passe la jeune fille trépasse"), il se prolonge par le dialogue à double entente de John et Frances lorsqu'ils se promènent dans le jardin (qu'est-ce qui vous fait vibrer ? Je ne le sais pas encore...Je recherche des sensations plus palpables...) repose sur le désir de la perte de la virginité et culmine avec la réplique finale : "Je ne peux vous donner ce que vous cherchez, une bonne nuit de noce". Le faux suspens de la scène (la rencontre inopinée avec Bertrani) ne fait pas oublier que jardin est hérissé de symboles phalliques (sapins et décorations de marbre).

Frances contraint, sous peine de dénonciation, John à venir dans sa chambre pour assister au feu d'artifice (!?). La mise en scène de cette séquence avec le filtre vert annonce, dans sa surcharge baroque, celle de Vertigo ou Kim Novak apparaîtra transformée selon les désirs de James Stewart.