Armide

1987

Segment de Aria, film collectif coréalisé avec Robert Altman, Bruce Beresford, Bill Bryden, Derek Jarman, Franc Roddam, Nicolas Roeg, Ken Russell, Charles Sturridge et Julien Temple. Avec : Marion Peterson, Valérie Alain,Luke Corre, Jacques Neuville. 0h12.

Armide, reine de Damas, est une enchanteresse qui s’est jurée de défaire les armées de Godefroy de Bouillon et de soumettre Renaud, le champion de l’armée franque, qui a libéré les chrétiens qu’elle tenait sous son emprise.

Au moment où elle s’apprête à le poignarder, après l’avoir endormi par ses enchantements, elle ne peut passer à l’acte, séduite par le bel assoupi. Elle lui inspire de manière magique de l’amour. Mais il la quittera pour retourner à la croisade.

Transposition déroutante, dans le monde du culturisme, de L'Armide de Lully et Quinault (1686), basée sur la tragédie lyrique, La Jérusalem délivrée du Tasse. La tragédie de Quinault et de Lully, dont le sujet a été choisi par Louis XIV, s'est imposée d'emblée comme un modèle du genre, en particulier le monologue d'Armide "Enfin, il est en ma puissance" (Acte II, sc. 5).

En 1986, Jean-Luc Godard avait réalisé un King Lear dont le point de départ était aussi une réécriture d'un grand classique, celle de la pièce de Shakespeare par Norman Mailer. C'était une commande de la Cannon dont le catalogue comportait surtout des films d'action avec Chuck Norris ou Stallone et dont les dirigeants voulaient redorer le blason. Peut-être la décision de Godard de transposer l'action d'Armide dans une salle pour culturistes de haut niveau est un clin d'œil malicieux et cathartique à ces producteurs là avec lesquels il semble avoir eu bien des démêlés au point que King Lear ne sortira en France qu'en 2002. Il se trouve aussi qu'un des acteurs principaux de King Lear, le metteur en scène Peter Sellars, William Shakespeare junior, cinquième du nom dans le film, s'est intéressé de très près à l'œuvre du Tasse dont il avait déjà, à l'époque, monté deux avatars majeurs : le Combattimento de Monteverdi et l'Armida de Haydn dont il a assuré la création aux USA en 1981.

Cette commande d'un film collectif du festival de Cannes 1987 autour du couple cinéma-opéra s'inscrit dans un contexte très favorable au rapprochement de ces deux univers artistiques. Daniel Toscan du Plantier, alors à la tête de la Gaumont, avait en effet favorisé l'intérêt de grands réalisateurs pour le film-opéra : La flûte enchantée (Ingmar Bergman, 1975), Don Giovanni (Joseph Losey, 1979), Parsifal (Hans Jürgen Syberberg, 1982), L'Othello de Zeffirelli. Le milieu des années 80 marque aussi le triomphe d'un grand mouvement de redécouverte du répertoire baroque joué sur instruments anciens par des ensembles spécialisés désireux de renouer avec une pratique musicale la plus authentique possible. L'année où Godard a choisi Armide correspond ainsi à une date clé dans la résurrection de l'œuvre de Lully puisque son Atys retrouve la scène dans une production (William Christie et Les Arts Florissants) qui a fait le tour du monde.