La guerre est déclarée

2011

Avec : Valérie Donzelli (Juliette), Jérémie Elkaïm (Roméo), César Desseix (Adam à 18 mois), Gabriel Elkaïm (Adam à 8 ans), Brigitte Sy (Claudia), Elina Löwensohn (Alex), Béatrice De Staël (Le docteur Prat), Anne Le Ny (Docteur Fitoussi), Frédéric Pierrot (Le professeur Sainte-Rose), Michèle Moretti (Geneviève), Philippe Laudenbach (Philippe), Baptiste Bouillon (Nikos). 1h40.

Dans une fête, un simple échange de regards suffit à Roméo et Juliette pour tomber amoureux. Roméo lance une cacahouète à Juliette depuis l'autre bout de la pièce, qui le gobe à la volée. Elle plante là son cavalier, ils s'embrassent à pleine bouche. C'est le coup de foudre, et l'ancien cavalier de Juliette n'a plus qu'à la gifler comme on constate les dégâts.

Roméo et Juliette sillonnent Paris à toute allure ou s'embrassent dans les jardins au son d'une radioscopie de Jacques Chancel. Ils montent quatre à quatre les marches du musée d'Orsay qui expose Van Gogh et se trouvent face à L'origine du monde.

C'est l'arrivée de l'enfant. Les couches, les tétées, les nuits blanches, les tensions entre papa et maman au sujet du temps à supporter les cris de bébé sans rien faire. Le docteur Prat les rassure de ses bons conseils.

Adam vomit. A la crèche, Roméo s'inquiète. Le docteur Prat décèle une anomalie faciale qui nécessite un rendez-vous chez un neurologue. Juliette doit partir le lendemain pour un nouveau travail à Marseille. Le matin, ils obtiennent un rendez-vous pour la fin d'après-midi. Juliette prend le train avec Adam et la baby-sitter. Le docteur Fitoussi décèle une tumeur au cerveau d'Adam. L'enfant peut heureusement être opéré à Marseille ou à Paris. Juliette annonce la mauvaise nouvelle au téléphone à Roméo qui crie de désespoir dans les rues de Paris mais aussi à Alex et Claudia, et Geneviève et Philippe, ses parents. A Marseille, ils décident de rentrer sur Paris ou famille et amis seront réunis.

Dans l'hôpital parisien, les conditions d'hébergement sont moins chaleureuses qu'à Marseille. Ils réussissent à voir Sainte Rose. Le soir, ils prient pour que rien ne lui arrive. Le matin, Roméo et Juliette conduisent Adam dans la salle d'opération où il devra rester neuf heures. Toute la famille attend l'issue de l'opération. Celle-ci est un succès mais Sainte-Rose les prévient : la tumeur est maligne et leur fils ne vivra peut-être pas plus vieux que cinq ans.

"Il ne faut garder que les bonnes choses", dit Roméo à Juliette avant d'annoncer cela aux parents, aux amis. Juliette est d'accord. Elle s'écroule.

Ensuite la course se fait marathon et calvaire. D'un cancer fréquent on passe à un cancer agressif avec 10 % de chance de survie. Les curieux trouvent la situation affreuse. Les amis sont vus de moins en moins souvent, tant les parents sont pris par leur drame personnel. Roméo et Juliette vendent leur appartement, ne travaillent plus et passent leurs journées entre la maison des parents, près de l'hôpita,l et la chambre stérile d'Adam.

Un matin, Roméo a du mal à se lever et arrive tard à l'hôpital. Juliette le lui reproche. Commence alors le lent délitement de l'amour. En dépit de cela, ils font face. A huit ans, Adam est déclaré guéri.

Le film contient une part de documentaire sur le traitement du cancer chez un enfant mais le sujet central est l'envie de liberté et de bonheur des parents qu'ils affirment coute que coute. La mise en scène est au service de cette vision rageuse et battante. Cette course folle au-dessus du vide que pourrait être la mort de l'enfant, c'est la mise en scène qui la prend en charge.

Des motifs burlesque, colorés et sonores comme un pont sur le gouffre tragique.

Les courses folles sont le premier motif formel du film, depuis la fuite de la fête parisienne jusqu'aux entrainements quotidiens aux Buttes-Chaumont où les parents sont en tenus de sport comme une préparation aux tenus stériles qu'ils doivent porter avec Adam. Mais il y a aussi leur amour intense au son de la radioscopie de Jacques Chancel ; Juliette qui vient d'abandonner son fils aux médecins pour son premier scanner et se jette dans une course désarticulée, se fracassant contre les murs de l'hôpital au son d'une électro scratchée jusqu'à s'écrouler dans le couloir où un infirmier viendra gentiment la rassoir. Il y a aussi le sprint en voiture pour attraper le train de Marseille. Il y aura la fête foraine alors que l'amour se délite comme une dernière griserie amoureuse.

La fin n'en est que plus bouleversante, cette image de la famille réunie fondue dans l'immensité de la plage et de la mer est un bonheur intense qui contrebalance le malheur accumulé. En magnifiant cet arrêt, Valérie Donzelli dit aussi en quoi il se différencie de ce qui constituait l'amour de Romeo et Juliette.

Les voix off sont aussi chargées d'accélérer le récit, de préciser le contour des personnages, leur position sociale et d'éviter ainsi toute lourdeur psychologique au profit de la simple idée, collée sur les personnages qui viennent, comme des archétypes, des vignettes ou des gommettes, entourer les parents. Trois voix off comme le chœur antique viennent prévenir du malheur qui s'abat sur ces nouveaux amants shakespeariens, sur Adam, premier enfant de leur humanité.

Autres arabesques formelles, la bande sonore et les chansons qui viennent sans cesse apporter de la nouveauté. Ainsi la belle chanson d'amour dans le train qui ramène Juliette vers son Roméo parisien vue et entendue dans le reflet de la glace. Le chatoiement des couleurs enfin renvoie aux comédies musicales tragiques de Jacques Demy, Les parapluies de Cherbourg ou Une chambre en ville. Ces couleurs se font plus intenses encore lorsque la mort menace, telles celles du documentaire de Jean Painlevé Transition de phase dans les cristaux liquides qui évoque la maladie qui ronge Adam.

Jean-Luc Lacuve, le 03/09/2011

Bibliographie : article d'Isabelle Regnier, Le Monde du 30/08/2011.

 

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