Blanche-Neige et les sept nains

1937

(Snow White and the seven dwarfs). Réalisé par David Hand d'après le conte des frères Grimm. Avec les voix de : Adriana Caselotti (Blanche-neige), Lucille La Verne (la reine). 1h23.

" Il était une fois... Blanche Neige, aussi blanche que la neige, aux lèvres rouges comme la rose, aux cheveux noirs comme l'ébène. "

Blanche Neige est une très jolie princesse. Sa belle-mère, la Reine, sentant qu'un jour la beauté de Blanche Neige dépasserait la sienne décide de la tuer et demande à un chasseur de commettre ce crime. Comme preuve, il doit rapporter le coeur de sa victime mais le chasseur, n'ayant pas le courage de le faire, la laisse fuir dans la forêt et rapporte à la Reine le coeur d'une biche.

Blanche Neige, d'abord apeurée par la forêt apparemment hostile, finit par trouver refuge, avec l'aide des animaux, dans la maison de sept " petits hommes ", sept nains.

C'est en rentrant de la mine que Prof, Joyeux, Dormeur, Timide, Atchoum, Grincheux et Simplet découvrent, endormie, Blanche Neige. Une fois les présentations faites et quelques règles de vie établies, la cohabitation s'harmonise pour le plus grand bonheur de tous.

Pourtant, la Reine interroge à nouveau son miroir magique qui lui avoue alors qu'aux " pied des sept collines, par-delà la septième chute, dans le logis des sept nains " Blanche Neige reste la plus belle. La Reine ne pouvant apaiser son courroux cherche un moyen définitif d'éliminer sa " rivale ". Elle décide ainsi, grâce à une potion magique, de se métamorphoser en vieille mendiante et empoisonne une pomme qu'elle destine à Blanche Neige.

Alors que cette dernière profite du paisible logis de ses hôtes, la mendiante la surprend de son ombre menaçante et lui propose de goûter à une pomme, affirmant qu'elle réalisait les souhaits dès qu'on croquait dedans. Les animaux de la forêt, ayant senti le danger imminent, avertissent les nains partis le matin même à la mine et tandis qu'ils se précipitent pour rentrer chez eux, la sorcière accomplit son méfait, laissant pour morte, sur le plancher, Blanche Neige.

Les nains arrivent enfin au moment où la Reine quitte leur logis. Elle s'enfuit dans la montagne poursuivit par les sept petits hommes et finit par tomber dans un ravin sur un coup de foudre du ciel déchiré.

Les nains inconsolables de la mort de Blanche Neige, lui construisent un cercueil de verre qu'ils exposent dans la forêt.

Le prince charmant qui entendit parler d'une mystérieuse beauté endormie, se rend sur les lieux et donne un baiser' à la princesse qui rompt le charme. Blanche Neige se réveille et quitte, sur le fier destrier de son prince charmant, ses chers compagnons pour le château de son bien-aimé.

Blanche Neige et les sept nains est certainement le film grâce auquel tout arriva. En effet, premier film d'animation de long métrage de l'histoire du cinéma, il permit l'expansion de tout un genre en général et d'installer confortablement Walt Disney en particulier.

Si l'idée d'un dessin animé de plus d'une heure était osée à l'époque (les cyniques parlaient de la " Disney's folly ") elle s'avéra payante au sens propre comme au sens figuré. Payante puisque les recettes remboursèrent dans un premier temps les dettes de Disney engendrées par le projet et lui permit, dans un second temps, de construire ses studios sur le désormais terrain mythique de Burbank. Payante également car le film lui offrit une crédibilité vis à vis du tout Hollywood et le respect en conséquence de ce dernier. Blanche Neige et les sept nains demanda trois ans de travail. Walt Disney mobilisa l'ensemble de ses ateliers, faisant appel au talent, au perfectionnisme, à l'audace bref au génie de ses associés et employés pour que ce film soit un chef-d'oeuvre.

Disney repoussa notamment les limites de la représentation, convaincu que si ses personnages semblaient réels, le spectateur n'aurait aucun mal à entrer dans l'histoire au même titre que n'importe quel autre film. Tandis que Blanche Neige, la Reine ou le Prince ressemblent à de vrais êtres humains (à l'époque cela était une prouesse... aujourd'hui évidemment avec les moyens techniques que nous possédons cela peut nous paraître " banal), les nains sont quant à eux, de part leur physique ou leur gestuelle, des personnages traditionnels du cartoon de l'époque.

C'est comme cela que Disney insère le comique qui est, avec l'émotion, la pierre angulaire du film. Si Blanche Neige, la Reine ou le Prince sont des personnages sérieux voire " dramatiques ", les nains en revanche sont comiques, burlesques, Disney ayant pour référence les rois du Comique et du Burlesque que sont Chaplin ou Keaton. Comme eux, il a conscience que le comique, s'il est subtilement dosé, permet une certaine légèreté, une certaine euphorie qui pourra alors appuyer le contraste avec les moments plus chargés en émotions. C'est ce passage d'un ressenti à un autre qui fait la force de ce premier film et qui fit son succès, le public riant devant la toilette des nains ou pleurant devant leur profond chagrin quand ils veillent Blanche Neige.

La volonté de réalisme du futur maître de l'animation se fit non sans difficultés. C'est pour cela que le Prince à un rôle minime dans l'histoire car les animateurs n'arrivaient pas à le rendre suffisamment viril, masculin, à capturer le coup de crayon qui ferait la différence. Au contraire ils le faisaient trop pédant ou précieux pour un prince charmant et décidèrent donc de réduire sa présence au strict minimum. L'équipe réussira cependant à surmonter les problèmes les plus importants en faisant des essais au travers des Silly Symphonie (série de courts-métrage de films d'animation) pour parfaire le projet Blanche Neige.

L'enthousiasme que suscita le film à l'époque est indiscutable mais le temps allant, le murmure d'une certaine indignation et d'une remise en question du travail de "l'oncle Walt" s'intensifia. Cette indignation et cette remise en question s'est évidemment faite sur l'ensemble de l'oeuvre du réalisateur/producteur. Mais pour certains, Blanche Neige et les sept nains marque les débuts funestes d'une manipulation psychologique de masse et se révèle donc être un frein à l'épanouissement de l'être humain puisque le film stigmatiserait tout les principes du capitalisme moderne honni par certains. On parle à son propos d'un pamphlet anti-féministe, manichéen et ne laissant aucune place aux initiatives anti-féministe puisque Blanche Neige se réfugie chez sept hommes et ne peut rester qu'à la condition qu'elle fasse la cuisine et le ménage ; manichéen car du point de vue de Disney les personnages sont soit gentils soit méchants mais jamais comme dans la vraie vie, complexes et donc pouvant être justement à la fois gentils et méchants, altruistes et égoïstes etc. Enfin Blanche Neige est une victime qui ne prend jamais d'initiative et subit de ce fait passivement sa vie. Elle ne prend en effet dans le film aucune initiative (sauf celle de faire le ménage chez nains!) et dois s'accommoder des choix que font les autres pour elle (c'est le chasseur qui lui ordonne de fuir dans la forêt... encore un homme!).

Comment des petites filles peuvent-elles alors s'affirmer quand un film leur montre qu'une femme n'est bonne qu'à faire la cuisine et le ménage et que sans l'homme, elle ne peut s'en sortir (le chasseur l'épargne ; les nains la cachent, le Prince la ramène à la vie)? Comment, plus généralement, des enfants peuvent-ils être à l'aise quand les héros sont parfaits, ne faisant aucune erreur alors qu'eux même, pauvres êtres humains, ont un panel d'émotions infiniment plus large allant dans le bon comme dans le mauvais?

Toutes ces questions semblent en effet justifiées mais n'oublions pas que le film date de 1937 et que la condition de la femme n'était pas la même à l'époque. Voir une femme s'occuper avec une telle dévotion de son foyer n'était pas choquant mais au contraire un idéal et la marque d'un foyer paisible.

Quant au manichéisme et au manque d'initiative, il suffit de lire le conte des frères Grimm pour comprendre que Disney, à ce niveau là lui est resté fidèle (pour autant son adaptation ne fait que s'inspirer de son modèle ce qu'un carton au début du générique précise bien. Il ne le transpose donc pas au cinéma tel quel).

Ainsi, aujourd'hui en effet Blanche Neige et les sept nains peut sembler anti-féministe, à l'histoire trop parfaite pour être réelle et finalement d'un académisme trop rigoureux dans sa forme pour susciter chez le spectateur le même engouement qu'à l'époque de sa sortie. Le film aurait mal vieilli, n'étant pas en accord avec la société actuelle. N'entrons pas néanmoins dans ses polémiques plus ou moins justifiées et apprécions ce film pour ce qu'il est à savoir un dessin animé réussit où pendant plus d'une heure, en effet le spectateur s'évade devant la beauté des dessins et la subtilité de l'animation. Pour finir ne lui enlevons pas le fait qu'il ouvrit la porte en grand pour que d'autre puissent, à leur tour, réaliser dans sa lignée ou au contraire à l'opposer des long métrages de films d'animation et déjà pour ça, Walt Disney avec ce premier film fit énormément pour le genre...

Sylvain Raynard le 30/06/2005