Yeelen
1987

Un petit garçon vient porter une chèvre en sacrifice devant l'aile du Kôrê tenue par la statue d'un homme nu et longiligne.

Soma invoque les dieux pour que le pilon magique retrouve Niankoro où qu'il se cache. Dans un village, celui-ci voit dans un bol d'eau son oncle Bofing avec un pilon magique à sa recherche. Il sait alors que son père est à deux villages d'où il se trouve avec sa mère. Il interroge celle-ci pour savoir pourquoi ils sont en fuite depuis dix ans. Pourquoi son père l'a-t-il épousé s'il ne voulait pas d'enfant ? La mère refuse de répondre car, dit-elle en colère, les enfants n'ont pas à connaître les secrets de leurs parents. Niankoro accepte de fuir une nouvelle fois recevant de sa mère un fétiche à porter à son cou et un objet à porter à son oncle Djigui par delà le pays des Peuls. Elle s'en ira de son côté prier la déesse du fleuve pour que, grâce à l'oncle Djigui, père et fils se réconcilient. Il était temps de fuir, Soma investi le village où ils se trouvaient mais ne trouve plus qu'une case vide

Niankoro commence son voyage mais les puits sont à sec et s'est épuisé qu'il arrive en territoire Peul. Là, il est pris pour un voleur et ramené prisonnier devant le roi Rouma Boll. Il est condamné à mort mais impressionne ses juges en immobilisant par magie les deux gardes qui l'entourent. Les Peuls sont justement confrontés à une attaque ennemie qui va anéantir leur village. Le roi demande l'assistance de son prisonnier aux pouvoirs magiques. Niankoro demande le tibia droit d'un cheval pour tenter de mettre fin à l'attaque. L'ayant obtenu, il pratique la nuit des rites magiques. Il enterre l'os tranché, couvert de signes et rassemblé de nouveau avec des cordelettes. Au matin les guerriers ennemis déjà immobilisés par magie durant la nuit sont attaqués par des abeilles et par le feu. Les peuls crient victoire. Le roi voudrait adopter Niankoro comme son fils mais celui-ci demande d'abord à accomplir sa mission auprès de son oncle Djigui. Rouma Boll, lui demande alors une dernière faveur : soigner sa plus jeune épouse de sa stérilité.

Niankoro accepte mais succombe aux charmes de Attou, la jeune reine. Il doit avouer au roi que, trahi par son sexe, au lieu de soigner sa femme, il l'a possédée. Rouma Boll pardonne au jeune couple et leur ordonne de partir.

L'oncle Bofing est sur les traces de Niankoro et exige de Rouma Boll qu'il lui indique la route prise par le fugitif. Celui-ci reconnaissant à Niankoro d'avoir sauvé son peuple refuse. Bofing, de colère, le paralyse avant de se radoucir. Il clame sa colère devant les chefs du Komo qui trouvent sa plainte légitime mais tentent de l'amener à la réconciliation.

Niankoro et Attou arrivent dans le territoire où s'est réfugié Djigui. Avant de le rencontrer, ils se baignent dans la source purificatrice. Djigui leur explique avoir été rendu aveugle par son père lorsqu'il avait voulu être initié aux rites du Komo. Depuis, il a reçu en rêve la révélation qu'un grand malheur s'abattra bientôt sur son peuple, qu'il sera réduit en esclavage mais que la descendance de Niankoro sera épargnée. Djigui a autrefois emporté avec lui l'aile d Koré sans savoir si elle possédait toujours des pouvoirs magiques. L'objet que lui ramène Niankoro est justement l'œil de l'aile du Koré qui, à n'en pas douter, sera d'un grand secours à Niankoro pour affronter son père.

Niankoro sait qu'il ne reviendra sans doute pas vivant de l'affrontement et il donne à Attou son vêtement pour son fils en souvenir de lui. Niankoro souhaite une réconciliation que son père refuse. Le pilon magique s'échappe alors des mains de ses deux porteurs et vient se planter entre le père et le fils. Le pilon déclare ne plus vouloir assister Souma qui s'est montré trop méprisant envers les hommes ne leur apportant que la haine. De colère, le pilon magique, renforcé dans son pouvoir par l'œil du Koré, embrase les environs et les réduit en cendre. C'est sur un paysage quasi lunaire qu'Attou vient reprendre L'aile du Koré. Père et fils semblent n'être plus que deux gros œufs blanc dans le sable. Le fils de Attou, devenu le garçonnet du début en prend grand soin avant de s'éloigner porteur du vêtement de son père et de l'aile du Koré.

Grand film épique, Yeelen, comme les grands westerns américains, mêle paysages somptueux, haines familiales et fautes individuelles ou encore, comme les tragédies arthuriennes ou shakespeariennes, fait des fautes individuelles le reflet des dérèglements de la nature et des pouvoirs.

Djigui, ayant vu dans un cauchemar son pays réduit à l'esclavage, il est vraisemblable que l'action se situe au XVIIIe siècle, juste avant la traite des noirs. Les cartons introductifs se contentent de situer l'action dans un temps légendaire :

"Le Komo est, pour les Bambaras, l'incarnation du savoir divin. Son enseignement est basé sur la connaissance des signes, des temps et des mondes. Il embrasse tous les domaines de la vie et du savoir. Le Kôrê est la septième et dernière société d'initiation bambara. Il a pour symbole le vautour sacré "Mawla Duga" oiseau des grands espaces et de la chasse, de la guerre, du savoir, et de la mort. Son emblème est un cheval de bois, symbole de la diligence de l'esprit humain, son sceptre une planche ajouré appelé Kôrê, "kaman " ou Aile du Kôrê. "Kolonkalanni" ou pilon magique, sert à retrouver ce qui est perdu, à découvrir et châtier les brigands, les voleurs, les criminels et les parjures. L'aile du kôre et le pilon magique sont en usage au Mali depuis des millénaires"

Le film démarre vraisemblablement par un flash-forward. L'enfant qui vient porter la chèvre devant la statue de Niankoro est probablement son fils, celui que l'on retrouve à la fin, s'en allant seul et fragile dans un pays promis à l'esclavage. Cette fragilité est due à la dureté des pères qui n'ont pas su transmettre leurs pouvoirs à leur fils, les aveuglant, tels Djigui dès qu'ils souhaitent acquérir la connaissance. Souma se montre plus cruel encore envers son fils.

Il est toutefois possible que la faute soit partagée par les deux parents. Mah fait preuve d'une étrange colère lorsque sont fils l'interroge sur le fait que son père l'a bien épousé pour avoir un enfant. Et, lorsque Souma pénètre dans la case vide, il appelle son fils, bâtard. Peut-être Mah est-elle partie en emportant l'œil du Koré pour le remettre à Djigui, le vrai père de Niankoro. Cette faiblesse devant l'appel du sexe est répétée par Niankoro qui, au lieu de soigner la femme du roi, en fait sa maîtresse. Alors que le dieu de la chasse lui avait promis la gloire, c'est de son fils seulement que l'on peut attendre une fragile transmission, au travers des temps de l'esclavage, jusqu'à aujourd'hui. Niankoro serait une sorte de Perceval, pur mais faible devant la femme du roi, qui devra attendre de son fils la conquête du graal.

Yeelen obtint le prix du jury au festival de Cannes 1987. Cet accessit (plus un encouragement qu'une récompense car quatrième prix derrière la palme d'or, le grand prix du jury et la meilleure mise en scène) fut le premier prix attribué par le festival à un film africain avant qu'Un homme qui crie ne reçoive le même en 2010.

Jean-Luc Lacuve le 03/10/2010.

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Avec : Issiaka Kane (Niankoro), Aoua Sangare (Attou), Niamanto Sanogo (Soma le père / Djigui le jumeau), Balla Moussa Keita (Rouma Boll, le roi Peul), Soumba Traore (Mah, la mère), Ismaila Sarr (Bofing, l'oncle), Youssouf Tenin Cissé (Le petit garcon d'Attou), Koke Sangare (Le chef de Komo). 1h45.