La vie criminelle d'Archibald de la Cruz

1955

Avec : Ernesto Alonso (Archibald de la Cruz), Miroslava Stern (Lavinia), Rita Macedo (Patricia Terrazas), Ariadna Welter (Carlota Cervantes), Eva Calvo (La mère d'Archibald),Enrique Díaz (Le père d'Archibald), Carlos Riquelme (Le commissaire), Chabela Durán (Soeur Trinidad). 1h29.

Archibald, alors qu'il était tout enfant, a vécu une bien étrange aventure : sa jeune et jolie gouvernante lui avait raconté que la boîte à musique offerte par sa mère avait le pouvoir extraordinaire de donner la mort à celui ou à celle dont on souhaitait se débarrasser. Par jeu, Archibald avait pensé très fort à la mort de la gouvernante et celle-ci s'était immédiatement effondrée, abattue par la balle perdue d'un révolutionnaire. Il avait alors connu son premier émoi sexuel devant le délicieux cadavre de la jeune gouvernante, la robe remontée très haut sur de magnifiques jambes.

Bien des années plus tard, dans une maison de repos, Archibald raconte cette aventure à une religieuse, qui refuse d'en savoir plus. Il décide alors de l'exécuter avec son rasoir. La religieuse s'échappe au dernier moment... pour tomber dans une cage d'ascenseur. Devant le juge chargé de l'enquête, Archibald s'accuse du crime et raconte comment il a décidé de tuer toutes les femmes qu'il a rencontrées depuis quelques semaines, depuis qu'il a retrouvé la fameuse boite à musique de son enfance dans un magasin d'antiquité.

Mais l'insupportable "cocotte", Patricia, qu'il souhaite assassiner avec son rasoir se suicide après une ultime altercation avec son protecteur. Lavinia, qui pose pour des artistes, est sauvée de l'exécution grâce à la bande de touristes américains qu'elle a convié à visiter la maison d'Archibald. Il ne réussira qu'à brûler le mannequin de cire qu'il avait acheté, revêtu des sous-vêtements de la bien-aimée. Il épouse ensuite, Carlotta, qu'il croyait pure jusqu'à ce que, la veille de son mariage, son amant lui révèle la duplicité de sa future femme. Il conçoit de la tuer lors de sa nuit de noces. Mais le jour de son mariage c'est l'amant qui abat Carlotta d'un coup de revolver. C'est alors qu'Archibald est interné dans la maison de repos où il conçoit son dernier crime sur la religieuse.

Le juge refuse pourtant de le considérer comme coupable, l'envie de meurtre ne pouvant constituer un délit. Par une belle journée de printemps, Archibald sort donc de chez le juge guéri de son obsession. Il jette la boîte à musique dans le lac d'un parc… et rencontre immédiatement la belle Lavinia dont il est toujours amoureux et qui trouve en lui l'homme idéal : riche, beau, noble et pas trop jaloux.

L'un des films les plus lumineux de Bunuel, l'un des seuls où le traumatisme psychanalytique du personnage principal fini par être guéri et où il rencontre le bonheur.

La boîte à musique sert de révélateur à un trouble plus puissant qu'au supposé pouvoir magique de tuer. Le traumatisme d'Archibald est d'associer l'amour à la mort ou plutôt au goût du sang. La boîte à musique retrouvée dans le magasin sert de révélateur au trouble : Archibald se souvient bien, cette fois, du sang qui se répand le long des jambes de la gouvernante et associe ce goût du sang au désir sexuel. Cette association le persuade qu'il est démoniaque. C'est pour cette raison qu'il souhaite épouser Carlotta qu'il croit pure depuis qu'il l'a vu prier dans la chapelle personnelle de sa maison. Ainsi, comme souvent chez Bunuel, un goût excessif de la pureté conduit aux pires crimes.

Cette exigence est celle d'un gentilhomme qui vit dans une autre époque (enfermé dans sa riche demeure, peu à l'écoute de ses voisins qui supportent mal les odeurs de son four à émail). Par sa rencontre avec le juge et avec Lavinia, bien forcée pour gagner sa vie d'accompagner d'incultes touristes américains, il finit par comprendre son erreur et abandonne son idée de pureté aussi bien que la boîte à musique. En rencontrant le monde et la modernité, Archibald guérit.

Bien entendu les plans les plus marquants du film sont ceux où la perversité d'Archibald sont à l'œuvre : le souvenir adulte de la mort de la gouvernante avec le sang qui inonde l'écran est bien plus fort que la première narration de l'effet de la boite à musique. Le plan sur les jambes de Patricia lorsqu'elle monte dans la voiture et qui décide de son exécution, puis celui du visage de Lavinia, vu aux travers des flammes, puis celui du mannequin de cire se décomposant dans le four ainsi que la séquence Carlotta assassinée en rêve lors de sa nuit de noces sont parmi les plus marquants de l'œuvre de Bunuel.

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