Une passion

1969

Voir : photogrammes du film

(En Passion). Avec : Liv Ullmann (Anna Fromm), Bibi Andersson (Eva Vergerus), Max von Sydow (Andreas Winelmann), Erland Josephson (Elis Vergerus), Erik Hell (Johan Andersson de Skirr). 1h41.

Andreas Winkelman vit seul dans sa maison. Sur cette petite île de la Baltique, peuplée de quelques habitants, il est venu oublier son passé et la séparation d'avec sa femme. Alors qu'il travaille à l'extérieur de sa demeure, Anna Fromm vient lui demander l'autorisation d'utiliser son téléphone. Anna est une jeune veuve, estropiée à la suite d'un accident d'automobile qui a coûté la vie à son mari et à son fils. C'est pour eux l'occasion de sympathiser et de briser leur solitude. Ils promettent de se revoir. Andreas fait la connaissance d'un couple qui habite également l'île, Elis et Eva Vergérus. Architecte, Elis est un étrange collectionneur de photographies. Il se montre indifférent à son épouse. Un sadique s'en prend aux animaux domestiques. Andreas sauve un petit chien en passe de mourir pendu. Il en fait cadeau à Anna.

Eva profite de l'absence de son mari pour le tromper avec Andreas. Mais l'un comme l'autre assument mal cette situation. Le déséquilibré poursuit ses exécutions. Andreas vit désormais avec Anna une liaison toute aussi difficile. Une ferme brûle, le troupeau est décimé. Le vieux Johan est rendu responsable de ces actes de sauvagerie. Menacé, il est poussé au suicide. Andreas Winkelman et Anna Fromm se disputent violemment. Anna démarre au volant de sa voiture, laissant Andreas seul au milieu de la lande. Frustré, indécis, il va et vient, avant de se coucher à terre.

Le principal souci de Winkelman est qu'il rencontre une femme jeune, belle et veuve dont le mari, mort atrocement dans un accident d'auto, se prénommait aussi Andreas. Homme sans qualité, il n'a même pas l'exclusivité de son nom. La femme qu'il aime l'appelera toujours du nom d'un autre -qu'en outre, nous le découvrons peu à peu, elle a peut-être assassiné.

Le film s'appelle Une passion, et il ne peut en aucun cas s'agir de la passion de cet homme sans passions ni charnelle ni affective, de cet introverti un peu buté. Il ne peut s'agir non plus de la passion d'Anna pour lui ni de celles qui surgiraient entre deux membres du quatuor de personnages. Il s'agit plus probablement de la volonté fantasmatique d'Anna de vivre passionnément. Volonté christique qu'elle ne peut assumer avec Andréas pas plus qu'elle ne l'avait trouvé, malgré ses dires, avec son mari. Pour cette raison, lorsque le film sort aux Etats Unis, et que, pour des raisons de copyright ,on ne peut l'appeler Une passion, Bergman lui choisit pour titre -très vite et sans réfléchir-: The passion of Anna. (L'hypothèse de Jacques Aumont est un peu autre. Pour lui, comme pour L'heure du loup, Bergman changea de point de vue : l'histoire d'un homme devenait l'histoire de cet homme vue par par une femme.)

Le film est ponctué par quatre interludes où chacun des principaux acteurs s'explique sur son personnage

Max von Sydow nous apprend des choses que nous ne connaissions pas sur Andreas : son mariage raté, ses problèmes avec la justice. Max von Sydow explique qu'Andreas cherche à cacher son identité, à anéantir ses propres moyens d'expression ; ce lieu qu'il s'est créé dans l'île est devenu une véritable prison pour lui. La difficulté en tant qu'acteur c'est d'exprimer la non-expression.

Liv Ullmann explique que le désir de vérité d'Anna devient dangereux quand elle réalise que le monde ne correspond pas à sa vision, qu'elle ne peut obtenir les réponses qu'elle attend, elle se réfugie dans le mensonge. Le problème pour une personne qui croit qu'il y a une vérité, c'est qu'elle exige des autres qu'ils aient la même foi.

Pour Bibi Andersson, Eva se sent inutile, elle a perdu l'estime de soi, elle est guettée par le suicide et l'isolement.

"Je crois qu'Elis Vergerus trouve hypocrite que les gens se récrient contre la folie de l'homme" dira enfin Erland Josephson. Pour lui, chercher une justice est un gaspillage d'énergie. La souffrance de l'homme ne le tient pas éveillé la nuit. Il se voit sans valeur pour lui-même et pour les autres.

Eva et Elis ont perdu un enfant. Eva dira qu'elle sent le poison qui ronge le corps et ne nous laisse que la peau.

Ellis s'exprime sur la photographie : Je ne m'imagine pas pouvoir dévoiler l'âme avec mes photos. Je ne fais que capter un jeu entre différentes forces. En regardant une photo on imagine des choses. C'est factice, c'est un jeu, de la poésie. On ne peut pas lire un visage et en tirer des indices. Pas même sur l'expression de la douleur physique

On apprend par Eva que Andreas et Anna sont amants. Le narrateur le confirme ensuite ils sont ensemble depuis quelques mois puis depuis un an quand le drame des coups et de l'incendie survient.

La vie une souffrance permanente dit Anna en racontant l'accident mortel raccord sur la lettre de rupture d'Andreas "et une violence physique et psychologique"

Anna raconte un rêve fait à Pâques. C'est la suite, la fin de son film précédent La honte, comme ici, tourné en noir et blanc

Nouvelle figuration de la mort par une apprition érotique lorsque Andréas pense au cancer et l'associe au cancer de l'âme.

"Je vis sans le respect de moi-même c'est prétentieux car les gens vivent sans sentir qu'ils ont une valeur. Ils sont profondément écrasés, humiliés, étouffés, rejetés. Ils ne vont que vivre c'est tout ce qu'ils savent faire. La liberté n'est-elle pas une prison pour un homme humilié ?"

critique du DVD
Editeur : Opening. Novembre 2007. VOST
critique du DVD

Edition double DVD avec Toute ses femmes dans le coffret Bergman