Vera Cruz

1954

Genre : Western

(Vera Cruz). Avec : Gary Cooper (Benjamin Trane), Burt Lancaster (Joe Erin), Denise Darcel (arie Duvarre), Cesar Romero (Le marquis Henri de Labordere), Sara Montiel (Nina), George Macready (L'empereur Maximillien), Ernest Borgnine (Donnegan). 1h35.

1866. La révolution fait rage au Mexique. Le marquis de Labordère propose à deux aventuriers américains, Benjamin Trane et Joe Erin, de combattre pour son maître l'empereur Maximilien.

Ancien colonel de l'armée sudiste, Trane n'a plus rien à perdre. Il accepte donc. Quant à Joe Erin, il rejoint avec ses hommes les forces de Maximilien, décidé à prendre part à la guerre civile mexicaine dans le camp qui paiera le plus.

Trane et Erin reçoivent pour mission d'escorter jusqu'à Vera Cruz la comtesse Marie Duvarre mais ils découvrent vite que celle-ci transporte dans sa voiture trois millions de dollars en or destinés à lever de nouvelles troupes en Europe et à maintenir l'Empereur sur le trône. La comtesse propose alors aux deux hommes de partager l'or en trois...

Le film est d’un pessimisme total sur les rapports humains. Que ce soit l’amitié, la loyauté, l’amour, tout est corrompu par les bas instincts qui animent les personnages. Leur cupidité, leur égoïsme, leur amoralité, interdisent constamment la fraternité et l’entraide. Le nihilisme du sujet est constamment tempéré par le rythme joyeux insufflé au film. Ce jeu de dupe qui tourne autour de l’appropriation d’un trésor est prétexte à des péripéties enlevées, des rebondissements, des tromperies qui tiennent habituellement plus du film d’aventure que du western. Le tout mènera néanmoins au duel final, tragique, où Ben Trane devra renier, en même temps qu’il abat son ami, une partie de lui-même. Gary Cooper, incarne un personnage ambivalent et complexe, brisé par son passé d’officier sudiste contraint à la fuite. S’il n’a pas totalement désespéré de l’homme et croit encore parfois en l’amitié, Ben Trane ne peut au final que constater amèrement que les idéaux ne sont plus, et que sa survie passe par l’égoïsme et la solitude. Son adhésion désabusée à un code de l’honneur, est plutôt encore rattaché aux idéaux du western classique. Burt Lancaster signe l’une de ses interprétations les plus magistrales, emportant immédiatement l’adhésion par la joie évidente et communicative qu’il prend à jouer cette canaille fourbe et immorale de Joe Erin.

Véritablement nihiliste, Vera Cruz anticipe le western Spaghetti qui apparaît une dizaine d’années plus tard. Les cadrages qui caractérisent l’œuvre d’Aldrich (plongées et contre-plongées, cadre dans le cadre, gros plans accentués…)Aldrich fait preuve d’une magnifique capacité à utiliser l’espace, et gère aux mieux le format du Superscope (2 :1), format moins large que le CinemaScope vite tombé en désuétude. Utilisant souvent la diagonale (rangées de soldats, ruelles, escaliers…) ou encore le cadre dans le cadre, il découpe avec une précision d’orfèvre son image, soulignant l’opposition des protagonistes, leurs jeux de manipulation, leur isolement et leur solitude, ou encore inscrivant par l’image les conflits entre les différentes factions en présence (bandits, rebelles, armée…)

Et quand la violence fait irruption, c’est de manière brutale, parfois teintée de sadisme et de cruauté, et pourtant en apparaissant moins comme une véritable rupture que comme une petite accélération passagère du film : elle n’est jamais que la conséquence normale des personnalités dont le film est rempli, sauvages et primitives. Le visage contracté par la haine, l’un des tueurs achève à terre un adversaire désarmé et impuissant ; l’espace d’un plan puis on passe à autre chose, parce qu’à quelques mètres de là, des paysans s’effondrent sous les balles crachées par une mitrailleuse lourde. Et cet aspect sauvage est encore rehaussé par les tons d'une photographie flamboyante, et la vigueur avec laquelle Aldrich filme les débordements révolutionnaires et ses assauts, avec un montage inhabituellement rapide pour l’époque.