(1839-1899)
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Impressionniste |
Vue du canal Saint-Martin | 1870 | Paris, Musée d'Orsay |
Le canal Saint-Martin | 1872 | Paris, Musée d'Orsay |
Passerelle d'Argenteuil | 1872 | Paris, Musée d'Orsay |
La meule | 1895 | Hambourg |
Sisley nait à Paris le 30 octobre 1839 de parents Anglais issus de la bonne bourgeoisie. Son père, William Sisley, dirige une affaire d'exportation de fleurs artificielles avec l'Amérique du Sud. Sa mère, Felicia Sell, est plutôt attirée par la musique et la vie de société. Tout naturellement ses parents l'envoient à Londres, à lâge de dix-huit ans pour le destiner à une carrière commerciale. Pendant ces années d'apprentissage ( 1857-1862 ), il passe plus de temps à visiter les musées qu'à sa formation commerciale, et admire particulièrement les uvres de Constable et Turner. De retour en France en 1861, il obtient de ses parents l'autorisation d'abandonner les affaires et peut alors se consacrer à lart.
En octobre 1861, il entre à latelier de Charles Gleyre où il s'initie à la pratique du dessin et fait la connaissance de Renoir, Monet et Bazille. Très vite, ils se lient d'amitié. La conception du paysage de Gleyre diffère trop de la perception qu'il en a et les quatre amis quittent latelier du maître dès mars 1863 pour travailler en plein air et planter leur chevalet dans la forêt de Fontainebleau (à Chailly-en-Bière, Barbizon, Marlotte ). Cette première expérience, de travail de groupe, renouvelée entre autres en juillet 1865, soude les quatre confrères, les stimule et annonce, lannée même où souvre le premier Salon des Refusés, leur combat prochain pour la nouvelle peinture impressionniste.
Il fait la connaissance de Marie Lescouezec, jeune parisienne originaire de Toul, dans la Meurthe, qu'il épouse en 1866. De leur union naîtront deux enfants. Grâce à la fortune de son père, il peut se consacrer à son art sereinement, n'ayant pas de problème financier. Installé avec son épouse à Paris, il partage son temps entre le travail à latelier, séjours à la campagne, prétexte pour une peinture en plein air, dans les environs proches de Paris et réunions informelles au café Guerbois, présidées par Édouard Manet, chef de file de la jeune génération de peintres, et où se retrouvaient critiques, journalistes comme Louis Edmond Duranty ou des écrivains tel Émile Zola qui décrira cette vie parisienne palpitante et source démulation dans son roma L'uvre.
Il peint un petit nombre de tableaux dans une gamme sombre faite de bruns et de verts profonds. Dun aspect sévère, Sisley révèle son admiration pour Corot ou Courbet, ses premiers maitres, en affirmant un goût pour les valeurs et lespace. Cest à partir de 1870 que sa palette séclaircit notamment dans ses paysages nombreux représentant les rives de la Seine et les canaux parisiens. Ce motif des bords de leau sera véritablement le credo de Sisley jusqu'à la fin de sa vie. Il retiendra ainsi la double exigence de structuartion du paysage et du refus des contrastes violents avec juste quelques éclats de lumière blanche. Il reprend ainsi la composition chère aux hollandais, vus dans les collection londoniennes, notamment Hobéma, avec des construction avec diagonales et des personnages au milieu du chemin uniquement pour creuser la perspective tout en étant à la fois le peintre de la lumière sereine. Contrairement aux autres impressionnistes il n'y a pas de mouvements ni de sujets sociaux dans ses tableaux.
En 1871, à la suite de la guerre franco-allemande, son père fait de mauvaises affaires et Sisley doit à présent vivre de sa peinture dans un but cette fois plus lucratif. Pendant la commune il se réfugie à Voisins-Louveciennes et se rend alors souvent dans la forêt de Marly (Moselle) en compagnie de Renoir son voisin ;
En 1880, Sisley se fixe non loin de Moret-sur-Loing, conquis par cette campagne paisible et verdoyante auquel il restera fidèle jusqu'à la fin de sa vie. À cette période le groupe des impressionnistes est dispersé, après le départ de Renoir, Sisley, Cézanne puis Monet en 1880 des expositions impressionnistes. Chacun cherche à tracer dorénavant sa propre voie. Sisley fort dune certaine reconnaissance, entreprend à linstar de Monet, de véritables séries, suites de tableaux représentant le même thème à des heures différentes (les vieilles maisons de Saint-Mammès, des sentiers aux sablons, des allées du Loing )
Les expositions personnelles demeurent alors le moyen privilégié pour ces peintres de se faire reconnaître. Sisley présente sa première exposition personnelle en 1881 à la Vie Moderne avec 14 tableaux, et une autre en 1883 dans la galerie de Durand-Ruel après celles successives de Monet, Renoir et Pissarro. Mais le succès nest toujours pas au rendez vous et les envois de Durand-Ruel de ses uvres à Londres, Boston, Berlin ou Rotterdam ne sont guère plus fructueux.
En 1882 se tient la septième exposition impressionniste, avec la reformation exceptionnelle du groupe impressionniste initial (Monet, Renoir, Sisley, Pissarro...). Mais cette réunion des peintres est la dernière. En effet la dernière et huitième exposition impressionniste a lieu sans la présence de Sisley, Monet, Renoir et Cézanne.
Après sêtre opposé à deux projets dexpositions de Durand-Ruel, Sisley contraint par ses soucis financiers, lui demande de laide en 1885 et lui accorde sa confiance pour deux expositions collectives organisées à New York en 1886. Celles ci, remportant succès, seront alors les premiers signes avant coureurs de la reconnaissance tardive des impressionnistes. Durand-Ruel lui offre même une exposition particulière à New York début 1889 dans sa galerie quil a ouverte outre atlantique. Parallèlement Sisley souvre à dautres marchands comme Georges Petit avec qui il collabore dès 1886, à linstar de Monet, et Boussod et Valladon à partir de 1983. Ses tableaux remportent du succès lors de la deuxième exposition internationale de peinture et de sculpture chez Georges Petit. En 1890 Sisley est admis comme membre associé de la Société nationale des Beaux-Arts. Cette entrée lui assure alors une certaine pérennité puisquil y montrera ses uvres tous les ans jusqu'à la fin de sa vie à lexception de 1895 et 1896.
Après avoir été vivement critiqué par Octave Mirbeau dans la chronique du Figaro du 25 mai 1892 à laquelle il répondra pour se défendre, Adolphe Tavernier, un ami journaliste le déclara comme lun des maîtres du paysage du XIXe siècle. En 1894, il reçoit Gustave Geffroy chez lui, qui racontera plus tard dans son livre ses souvenirs et impressions de cette journée : il dit avoir deviné « la tristesse sous lapparence de la résignation et les paroles enjouées ( ) cette journée si parfaite daccueil et damitié est restée pour moi empreinte de ce sentiment deviné chez lartiste vieillissant qui semblait pressentir que jamais de son vivant un rayon de gloire ne viendrait briller sur son art ». En effet Sisley ne connaît pas le succès rencontré des impressionnistes tels Renoir ou Monet ou Degas. Pissarro écrira à son fils Lucien dans une lettre de 1895 : «je reste, avec Sisley, comme une queue de limpressionnisme ».
Pendant les dernières années de sa vie (1897-1899) la santé
de Sisley décline : il souffre de crise de rhumatismes très
douloureuses. En décembre 1896 Georges Petit organise une grande rétrospective
de luvre de Sisley dans sa galerie rue de Sèze. Lartiste
semploie à rassembler un maximum duvres provenant
des collections damateurs. Au total lexposition ouvrira avec 46
peintures et six pastels. Seuls Arsène Alexandre et Adolphe Tavernier
parleront de lexposition et aucune toile ne sera vendue. Lexpérience
est douloureuse pour Sisley.
En 1897, il est invité en Angleterre à Londres puis à Penarth près de Cardiff. Ce séjour est le dernier moment de grande création de lartiste : il loccasion de se mesurer aux forces dune nature grandiose : il peint les falaises, les énormes rochers contre lesquels sécrasent les vagues. Cette monumentalité est retranscrite sur sa toile mais il semble que Sisley soit comme hanté et dépassé par cette nature vigoureuse.
En rentrant, il souhaite se faire naturaliser français, mais les lenteurs administratives et la perte de certains papiers ne lui permirent pas de réaliser son vu.
Le 8 octobre 1898, il a la douleur de perdre sa femme : c'est le coup de grâce. Sa santé se dégrade de plus en plus. Il n'a plus la force de se battre. Il souffre dun cancer de la gorge. Des lettres à son docteur permettent de retracer jour après jour ce qui fut son calvaire de fin de vie. Il écrit deux semaines avant de mourir : « je suis rompu par la douleur et lennui dune faiblesse que je nai plus lénergie de combattre ». Il fait appeler Monet, lui recommande ses enfants et lui dit adieu. Il décède le 29 janvier 1899 dans sa maison et est enterré au cimetière de Moret le 1er février par un temps gris et froid. Renoir, Monet et Adolphe Tavernier sont venus de Paris.
En 1900, un an après seulement sa mort lors de la vente Tavernier, le comte Isaac de Camondo achète linondation à Marly pour la somme considérable à lépoque de 43000 francs, vendue par lartiste à lorigine 180 francs. En 1911, il est le premier artiste impressionniste à recevoir lhommage dun monument commémoratif dans sa ville de Moret.
Sisley est aujourdhui considéré comme limpressionniste
même : lessentiel de son inspiration cest le paysage. Les
personnages dans ses peintures ne sont que des silhouettes ; en outre les
portraits de ses proches (femme et enfants) et les quelques natures mortes
sont rares. Selon Gustave Geffroy, lun des ses premiers historiographes,
Sisley vouait en effet un amour instinctif au paysage. Pour lui il ny
avait dans la nature rien de laid dès lors quil sagissait
du rapport entre le ciel et la terre. Il écrira : «toutes les
choses respirent et sépanouissent dans une riche et féconde
atmosphère qui distribue et équilibre la lumière, établit
lharmonie ».
Sisley choisit inlassablement pour sujet de ses toiles le ciel et leau animés par les reflets changeants de la lumière dans ses paysages des environs de Paris, la région de Louveciennes et de Marly-le-Roi. La région de Moret-sur-Loing eut notamment une incidence toute particulière sur l'uvre de Sisley, comme en témoigne Un soir à Moret. Fin d'Octobre, peint en 1888.
Se montrant sensible à lécoulement des saisons, il aimait à traduire le printemps avec les vergers en fleurs ; mais ce fut la campagne hivernale et enneigée qui attira particulièrement Sisley dont le tempérament réservé préférait le mystère et le silence à léclat des paysages ensoleillés de Renoir.
Le ciel est une autre composante essentielle de son art quil traite avec ce même souci de vérité spatiale. Il occupe le plus souvent les trois quart de la toile. Sisley le considère en effet comme quelque chose « qui ne peut pas nêtre quun fond. Il contribue au contraire non seulement à donner de la profondeur à ses plans (car le ciel a des plans comme les terrains), il donne aussi le mouvement par sa forme, par son arrangement en rapport avec leffet ou la composition du tableau ». Car Sisley en bon artiste impressionniste ne néglige pas non plus linstant et le mouvement chers à tous ses confrères. Il a aimé peindre les saisons, les variations atmosphériques, les heures du jours Peintre des routes, il est davantage encore le peintre de leau, des rivières aux cours paisibles et des berges aux feuilles mobiles. Cest souvent une impression de calme et de sérénité qui se dégage de ses uvres. Geffroy résumera ainsi « Sisley a vécu de la vie désintéressée et profonde du paysagiste amoureux de nature, éloigné de la vie sociale On peut espérer quil connut la sérénité et le bonheur exprimés par son uvre de vérité et de lumière ».