La Cellule d’or
Odilon Redon, 1892-1893
Huile sur toile 30,1 × 24,7 cm
Londres, The British Museum
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Cette figure emblématique de Redon peinte de profil illustre
l’une de ses premières immersions majeures dans le monde
de la couleur. Si l’une des caractéristiques de la modernité
en peinture est l’accent mis sur la forme et la couleur propre
au gré du sujet, Redon avait assurément sa place parmi
les modernes. Cependant cette œuvre, de par la technique utilisée,
suscita l’incompréhension de la critique contemporaine.
Camille Mauclair, critique largement reconnu à son époque,
se demandait : “Je comprends peu la relation des tons au dessin
et au sujet : pourquoi des bleus ici et des ors là ?”. Ce
n’est pas un hasard si Mauclair exprimait la même incompréhension
envers les couleurs intenses de Gauguin, couleurs qu’il soupçonnait
dictées d’un mouvement mystique et religieux envahissant
tant la littérature que la peinture. Les soupçons du critique
n’étaient pas infondés. Pendant les années
1890, nombreuses sont, dans la production de Redon, les représentions
de femmes en profil, évoquant des prêtresses ou des druidesses.
Les doctrines occultistes et théosophes charmaient le peintre
qui, à son tour, les utilisait de manière créative
et comme source d’inspiration pour sa peinture.
Le visage androgyne de la composition peint d’un bleu de cobalt
offre de par son intensité un résultat surprenant. La
symbolique de la couleur était un sujet fort répandu dans
la doctrine mystique de la théosophie. Comme chez Kandinsky,
qui accordait une notion spirituelle à la signification des couleurs,
on retrouve chez Charles Leadbeater, prêtre et fameux auteur théosophe
de l’époque, un passage référent : “bleu
léger, comme l’outre-mer ou le cobalt, montre le dévouement
à un noble idéal spirituel ; il peut s’élever
graduellement à un bleu lilas lumineux, qui indique une spiritualité
supérieure et s’accompagne généralement alors
de gerbes étincelantes d’étoiles d’or, indices
de hautes aspirations spirituelles”. Le fond d’or qui entoure
le visage rappelle les icônes byzantines. Combiné avec
l’auréole qui entoure la moitié du personnage, il
se charge d’une dimension spirituelle.
Texte : Katia Papandreopoulou

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