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Vénus d'Hohle Fels

- 40 000

Vénus d’Hohle Fels
Paléolithique supérieur, vers 40 000 BP
Ivoire de mammouth, hauteur, longueur, largeur : 6 x 3, x 3 cm
Institut de Préhistoire de Tübingen

Les fouilles de 2008 dans la grotte de Höhle Fels dans Jura souabe au sud-ouest de l'Allemagne ont permis la découverte d'une figurine sculptée dans de l'ivoire de mammouth. Cette figurine est l'un des plus anciens exemples connus de l'art figuratif dans le monde entier. Cette découverte pourrait modifier radicalement les théories sur la chronologie et le sens des premières traces d'art au Paléolithique.

Les archéologues de l’Institut de Préhistoire de Tübingen, dirigé par le professeur Nicholas Conard, fouillent depuis plusieurs années la grotte d’Hohle Fels, à proximité de la ville de Schelklingen. Entre le 05 et le 15 septembre 2008, les fouilleurs ont mis au jour 6 pièces en ivoire composant la Vénus. L’importance de cette découverte est apparue à un fouilleur après le dégagement de la partie principale du corps de la sculpture. La figurine était enfouie sous environ 3 mètres de sédiments, à environ 20 mètres de l’entrée de la cavité. La « Vénus d’Hohle Fels », haute de 6 cm, est presque complète ; lui font défaut le bras gauche ainsi que son épaule.

Les datations radiométriques du niveau intéressé couvrent un intervalle chronologique compris entre 31 000 et 40 000 ans avant nos jours.

La Vénus d’Hohle Fels se caractérise par une série de caractères pleinement originaux ainsi que par d’autres signes distinctifs généralement associés aux figurines féminines plus récentes. Le premier élément marquant est l’absence de tête. En lieu et place, au dessus de ses larges épaules, se trouve un petit anneau sculpté avec soin, légèrement excentré. Bien qu’un peu altéré, celui-ci porte encore les traces d’un poli d’usure caractéristique d’une utilisation de la figurine comme pendentif. Sous la ligne d’épaule, de largeur quasi-équivalente à son épaisseur, se dresse une forte poitrine. La figurine a des bras courts, des mains soigneusement sculptés et des doigts clairement identifiables qui reposent sur la partie supérieure du ventre, en-dessous de la poitrine.

La Vénus est d’une stature courte et légèrement biscornue, avec une taille un peu plus étroite que les hanches et épaules, au demeurant assez larges. Plusieurs lignes horizontales profondément entaillées couvrent la zone du bas-ventre, au-dessous de la poitrine jusqu'au triangle pubien. Certaines de ces lignes horizontales se prolongent dans le dos de la figurine, pouvant indiquer la présence d’un habit ou d’une sorte de pagne. Les prises de vues microscopiques indiquent que ces incisions ont été réalisées par des actions longitudinales répétées et reprises le long de mêmes lignes, à l’aide d’un outil de pierre au tranchant acéré.

Les jambes de la Vénus sont courtes et pointues. Le fessier et les parties génitales sont reproduits de façon détaillée. La fente du fessier est profonde et se poursuit sans interruption jusqu’au devant de la figurine, où la vulve est bien visible entre les jambes séparés. La présence de cette poitrine surdimensionnée, d'un fessier accentué et de parties génitales distinctement représentées témoigne très clairement d’une exagération volontaire des attributs sexuels de la figurine.

La représentation exagérée des signes sexuels et, à l’inverse, la moindre attention portée sur la tête et le visage, les bras et les jambes, évoquent clairement des éléments du Gravettien d’Europe, culture célèbre pour ses Vénus datées entre 22.000 et 27.000 ans avant nos jours. La représentation soignée des mains rappelle ainsi certaines figurines de la période gravettienne, notamment l’archétype "Vénus de Willendorf" découverte il y a un siècle, au cours de l’été 1908. Si l’âge de la Vénus d’Hohle Fels est clairement plus ancien, nombre de ses caractères, quelles qu’en soient les formes, s’inscrivent donc dans une longue tradition des représentations féminines paléolithiques.

La nouvelle statuette d’Hohle Fels change radicalement notre conception sur les débuts de l'art paléolithique. Avant cette découverte, un peu plus d’une vingtaine de figurines avait été retrouvée au sein de l'Aurignacien souabe. Celles-ci représentaient soit des figurations animales, soit des figurations mi-humaines, mi-animales ; les représentations féminines étant quasi inconnues. Avec cette découverte, l’hypothèse de l’apparition des figurines féminines tridimensionnelles au cours du Gravettien peut être réfutée. De même, les interprétations prêtées à l’art aurignacien souabe et européen, qui se fondaient sur une représentation dominante d’animaux agressifs ou de représentations de chamane, se doivent désormais d’être reconsidérées. Si le débat sur la signification des Vénus paléolithiques est loin d’être clos, l’exagération des attributs sexuels indique clairement une liaison directe entre ces figurines et l'expression de la fertilité. La "Vénus d’Hohle Fels" offre donc une vue radicalement nouvelle sur l'art du Paléolithique supérieur ancien. Elle souligne toute l’importance de la région Souabe et appuie l’hypothèse selon laquelle ce secteur géographique aurait fonctionné comme un centre majeur d'innovation en rapport avec l’émergence des caractères distinctifs qui définissent la modernité culturelle au début de l'Aurignacien.

Une majorité de chercheurs, dont le professeur Nicholas Conard, attribue la production de ces œuvres d'art aux premiers Hommes anatomiquement modernes, peu après leur arrivée sur le continent européen. Toutefois, faute à l’absence de découverte de restes humains dans les grottes du Jura souabe, cette hypothèse ne peut à l’heure actuelle être ni confirmée, ni réfutée.