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Autoportrait au chardon

1493

Autoportrait ou Portrait de l'artiste tenant un chardon
Dürer, 1493
Peinture à l'huile, parchemin collé sur toile 56,5 x 44,5
Paris, Musée du Louvre

Ce portrait de l'artiste a été réalisé par Dürer alors qu'il avait vingt-deux ans, à la fin de son tour de compagnonnage en Allemagne. Il s'agit d'un des tous premiers autoportraits indépendants de la peinture occidentale. Le chardon tenu par l'artiste est peut-être un gage de fidélité conjugale à sa fiancée Agnès Frey, ou encore une allusion à la Passion du Christ (plus précisément aux piquants de la couronne d'épines).

Un des tous premiers autoportraits

Après son apprentissage dans sa ville natale de Nuremberg, le jeune Dürer part pour un tour de compagnonnage à travers l'Allemagne du sud. Il date cet autoportrait de 1493. Il a alors vingt-deux ans et se trouve vraisemblablement à Strasbourg. Dürer choisit sa propre image comme sujet unique : il s'agit d'un des tous premiers autoportraits indépendants de la peinture occidentale. Depuis la fin du Moyen Age en effet, les peintres avaient pris l'habitude de se représenter dans leurs oeuvres ; ils étaient alors facilement reconnaissables à leur façon de regarder directement le spectateur. Cependant ces autoportraits ne constituaient qu'un élément secondaire dans de grandes compositions dont le sujet était le plus souvent religieux.

Un portrait réaliste et raffiné

La composition, portrait en buste vu de trois quarts sur un fond sombre, s'inscrit parfaitement dans la tradition picturale de l'époque. La pose est un peu maladroite car le peintre devait sans cesse se regarder dans le miroir. Il porte un costume raffiné : petit bonnet rouge à pompons, élégant vêtement de dessus dont le gris bleuté contraste avec le blanc de la chemise à large échancrure brodée. Le visage conserve certains traits enfantins de son précoce Autoportrait dessiné (1484, Vienne, Graphische Sammlung Albertina) mais le cou viril, le nez assez fort et les mains longues et nerveuses appartiennent déjà à une personnalité adulte. Dürer, qui est aussi un excellent graveur, conçoit ses oeuvres d'une façon très graphique. La minutie quasi métallique des détails comme les piquants du chardon rappelle sa formation première d'orfèvre.


Un cadeau de fiançailles ou une allusion au Christ ?

Une interprétation iconographique, qui remonterait à Goethe, a fait de ce portrait un cadeau de fiançailles à Agnès Frey que Dürer allait épouser à son retour à Nuremberg en 1494. Le chardon tenu par l'artiste est en effet aussi appelé en allemand "mannstreu", ce qui signifiait "fidélité de mari". Ce gage d'amour expliquerait aussi l'élégance du costume. La principale faille de cette hypothèse est que Dürer ignorait peut-être encore tout de ce mariage arrangé par son père. Le chardon pourrait aussi être une allusion à la Passion du Christ (plus précisément aux piquants de la couronne d'épines), en liaison avec l'inscription que porte le tableau à côté de la date : "Les choses m'arrivent comme il est écrit là-haut". L'oeuvre annoncerait alors son Autoportrait de 1500 (Munich, Alte Pinakothek) où Dürer apparaît en Salvator Mundi, figure christique auréolée de la gloire de Dieu. Quoi qu'il en soit, cet autoportrait, mêlant fierté d'artiste et humilité humaine, dévoile le nouveau statut social auquel aspiraient désormais les peintres. Dürer illustre ainsi le passage de la tradition médiévale à un art nouveau, faisant de lui le premier peintre de la Renaissance germanique.