Cézanne a consacré plus de deux cents peintures, aquarelles et dessins au thème des baigneurs et des baigneuses.
Il aborde ce sujet à partir de la fin des années soixante et le développe jusqu’en 1906, plusieurs années étant parfois nécessaires à l’élaboration des plus grands formats. Au fur et à mesure qu’évoluent les compositions, les éléments descriptifs disparaissent au profit de la construction. Les figures aux formes trapues deviennent les membres d’un assemblage pictural rigoureusement ordonné et non les représentants d’une beauté corporelle.
Les Trois baigneuses du Petit Palais, sont disposées dans un espace boisé traversé par un large rayon de lumière qui se réfléchit dans l’eau. Les touches légèrement obliques et régulières soumettent les formes à la structure de l’image. Blonde, rousse et brune, les figures s’inscrivent dans une composition pyramidale nettement délimitée par deux arbres formant une arche. L’usage d’un format presque carré, qui se retrouve dans plusieurs versions de petit format, renforce cette impression de densité et de plénitude ressentie par Matisse grand admirateur de ce tableau.
Les premiers collectionneurs, qui saisirent la portée de la révolution picturale à laquelle Cézanne soumettait ses baigneuses, furent en effet des peintres. Ainsi Matisse, qui fit don des Trois baigneuses au Petit Palais, considérait cette composition « très dense et très complète », comme de première importance. Il en avait fait l’acquisition en 1899 chez Ambroise Vollard. Le marchand avait organisé la première exposition de Cézanne à Paris quatre ans plus tôt. Il fallut attendre ce don de Matisse en 1936 pour qu’une composition avec baigneuses entre dans un musée d’Europe occidentale.