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Trois personnages dans une pièce

1964

Trois personnages dans une pièce
Francis Bacon,1964
Triptyque, huile sur toile, chaque panneau 198 x 147 cm
M. N. A. M., Paris

La construction du tableau en triptyque est une constante chez Bacon depuis 1944, année dans laquelle il peint Trois études de figures au pied d’une crucifixion. Lié à l’héritage de la grande peinture religieuse, le triptyque s’apparente aussi, chez lui, à la succession d’images propre au cinéma. Ce que l’artiste cherche c’est le rapport, la mise en relation de plusieurs sensations, la sensation n’existant pas isolée, pour lui.

Bacon a toujours peint à partir de modèles réels, de photos ou de photos de tableaux.

Les figures ici représentées, une pour chaque panneau, sont : à gauche, George Dyer, avec qui Bacon se lie de 1964 à 1971, année de la mort de Deyer ; à droite, probablement Lucian Freud, peintre anglais ; et, au centre, Bacon lui-même, la bouche tordue en un cri. Malgré les déformations que le peintre fait subir à l’image, on reconnaît chaque modèle : « Je voudrais, dans un portrait, faire de l’apparence un Sahara, le faire si ressemblant bien qu’il contienne toutes les distances d’un Sahara », affirme-t-il.

Les corps nus baignent, dans un espace dépouillé, sur une plate-forme ellipsoïdale qui semble les aspirer dans un mouvement qui, des corps, se transmet à l’espace. Prolongement obscène du corps de Dyer, une cuvette de wc blanche est comme le lieu où la figure s’évacue d’elle-même. L’athlétique silhouette de Lucian Freud vrille dans l’espace qu’elle traverse comme un projectile.

De dos, de face, de profil, c’est l’ordre dans lequel les corps se présentent ici. « J’espère être capable de faire des figures surgissant de leur propre chair (…) et d’en faire des figures aussi poignantes qu’une crucifixion », avoue l’artiste. Ces figures peintes par Bacon ne peuvent pas ne pas faire penser aux personnages de Samuel Beckett, le grand écrivain irlandais, son contemporain. Dans ses romans ainsi que dans son œuvre théâtrale Beckett met en scène des personnages qui ne sont plus que des corps qui se défont, rampent, stationnent, s’expulsent d’eux-mêmes. Jusqu’à ne plus être, dans le texte, qu’une voix qui rejoint le cri qui nous regarde des peintures de Bacon. « J’ai voulu peindre le cri plutôt que l’horreur » affirme, en effet, l’artiste.