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In Memory of George Dyer, 1971

1971

In Memory of George Dyer, 1971
Francis Bacon, 1971
Huile et letraset sur toile, chaque panneau 198 x 147.50 cm
Bâle, Beyeler Museum

Une page de l'art et de la vie de Francis Bacon se tourne en 1971. L'état français lui ouvre les portes des galeries nationales du grand palais qui lui consacrent une importante rétrospective. Deux jours avant le début de l'exposition, son compagnon George Dyer succombe à une overdose de barbiturique dans la chambre d'hôtel parisien qu'il partage avec le peintre.

Ce décès et l'exposition du Grand Palais conduisent Bacon à porter un regard rétrospectif sur son œuvre comme sur son existence. Lui qui dans sa peinture s'était jusque là évertuer à saisir l'instant présent, à fixer le passage du temps en une image instantanée, se voit assailli par le souvenir du temps perdu. "Après l'exposition de Paris, je vais résolument entreprendre de peindre une autobiographie. J'espère cristalliser le temps à travers cette série à la façon dont Proust l'a fait dans ses romans. (Francis bacon dans Richard Cork "Why Bacon will paint his life story", Evening Standard, 4 octobre 1971)"

Le sens, la finalité de l'art de Bacon semble alors s'inverser. S'il s'était jusqu'alors attaché à montrer comment la vie, à tout instant, est la proie de l'action corruptrice du temps et de la mort, il allait désormais en appeler à cette énergie pour animer les images inertes et figées puisées dans sa mémoire.

Le bras gorgé de vie que Bacon greffe sur la silhouette de Dyer que la mort a réduit à une ombre éclaire ce processus. Ce bras qui tourne la clé dune serrure est celui des baigneuses de Dinard de Picasso, de la compagne de ses jeux érotiques, que Bacon avait découvert à Paris en 1927. Les figures de Dyer que Bacon installe dans les panneaux latéraux de son triptyque disent elles aussi sa fin. Son entrée irrémédiable dans le monde des souvenirs.

L'athlète qu'il a été devient un boxeur au moment du KO qui le précipite dans l'abîme. Dans le panneau de droite, Dyer retrouve la pause dans laquelle l'avait figé le photographe John Deakin, celle, altière, d'un marbre de Michel Ange, inspiré d'un modèle impérial. Du théâtre d'ombres de la photographie à un portrait romain né du culte des ancêtres défunts, Bacon accompagne Dyer dans sa traversée du Styx, le fleuve des enfers