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Le diptyque Wilton

1399

Le diptyque Wilton : Richard II d'Angleterre avec ses saints patrons
Maître inconnu français (ou italien ou anglais...), entre 1395 et 1399
Tempera sur chêne, deux panneaux de 36,8 x 26,7 cm ou 53 x 37 avec cadre
Londres, National gallery, salle 53

Ce diptyque est ainsi nommé d'après la maison dans laquelle il a été préservé. A peine plus grand que les manuscrits enluminés auxquels il ressemble, ce petit retable qui a conservé l'intégrité de son cadre et dont les volets se rabattent, permettant un transport facile, a vraisemblablement été commandé par le roi Richard II d'Angleterre pour ses dévotions personnelles.

Sur le volet gauche le roi est représenté à genoux, en présence de trois saints ayant une signification particulière pour lui - Le roi et martyre Edmond le roi Edouard le confesseur et Jean Baptiste qui le présente à l'assemblée céleste peinte sur le volet droit. Edmond tient à la main une des flèches danoises qui le transpercèrent en 869. Edouard le Confesseur, sur le tombeau duquel Richard vint prier en l'abbaye de Westminster en temps de crise, tient à la main un anneau rappelant celui qu'il donna un jour, selon la légende, à un pauvre pèlerin qui s'avéra être saint Jean L'Evangéliste. Richard était né un 6 janvier, jour anniversaire du baptême du Christ, d'où la présence ici de saint Jean-Baptiste, son saint patron qui lui touche l'épaule. Une forêt terrestre sert de décor à la scène de gauche alors que la scène de droite a lieu dans un jardin céleste en fleur

Nous ne connaissons pas l'identité ni même la nationalité de l'artiste. Le procédé a tempera utilisé laisse à penser qu'il s'agit d'une œuvre d'art italienne. Par son style, s'apparente plus précisément à l'art siennois. Le fond blanc à la craie et le support qui est en chêne, sont en revanche caractéristiques des peintures du Nord. Aucune œuvre vraiment comparable ne subsiste en Angleterre, en France ou même ailleurs en Europe.

L'un des aspects les plus énigmatiques du retable, la signification de la bannière, a cependant été récemment clarifié. S'agit-il du symbole traditionnel de la Résurrection, de la victoire du sauveur sur la mort, ou de la bannière de saint Georges, saint patron de l'Angleterre ? En 1992, le nettoyage du diptyque a fait apparaître, à l'intérieur du minuscule globe surmontant la bannière, un château blanc sur une île verte, située au milieu d'une mer argentée à la feuille, qui a malheureusement noirci. Dans un retable aujourd'hui disparu, mais autrefois situé à Rome, Richard II et sa première épouse, Anne de Bohème, étaient présentés en train d'offrir le globe de l'Angleterre à la vierge. La scène s'accompagnait de l'inscription suivante :" Ceci est votre dot, O Sainte Vierge, aussi, O Marie, puissiez-vous régner dessus". Il devient clair que l'enfant Jésus du diptyque a reçu, au lieu de la Vierge, la bannière et le globe de l'Angleterre qu'il passe à un ange afin d'avoir la main libre pour bénir le roi. La bannière a donc une double signification : elle fait référence à l'espoir de résurrection, mais représente aussi le royaume d'Angleterre, sur lequel règne Richard, roi détenant ses pouvoirs de la vierge

Le cerf blanc, qui fut l'emblème personnel de Richard II à partir de 1390, apparaît sur la robe du monarque sous forme de broderie, sur la broche en or et émail qu'il porte épinglé sur la poitrine mais aussi à l'extérieur du diptyque. L'insigne de cerf blanc est aussi porté par chacun des onze anges, qui deviennent ainsi des serviteurs royaux. Le genêt est une autre référence héraldique : la planta genista, bien qu'étant l'un des emblèmes de la famille de Richard II (celle des Plantagenêt), fit à l'origine partie des armes du roi de France, dont Richard épousa la fille en 1396, après le décès d'Anne. Le roi et les anges portent des colliers de genêt tandis que les motifs de la robe royale sont constitués de couronnes de cette plante encerclant des cerfs.

Sommet du Gothique International, le tableau vaut moins par l'expression des visages que par le raffinement de la technique. Presque tout l'or, y compris celui qui a servi au modelé de la robe de l'enfant jésus, a été travaillé par minuscules touches.

Les couronnes de roses qui coiffent les anges et les fleurs du jardin céleste ne sont que quelques consolations que le roi pouvait trouver dans cette œuvre lorsqu'il priait, à l'abri du mécontentement du peuple et des conspirations seigneuriales qui mirent fin à son règne en 1399 et lui coûtèrent la vie en 1400. Chaque fois peut-être, il se mettait à genoux avant d'être transporté parmi la société éternelle du Christ, de la Vierge Marie et les anges.

Le dos du diptyque est constitué par les armes de Richard et son emblème personnel, un cerf blanc enchaîné par une couronne autour de son cou.

Source : le guide de la National Gallery