Réalisme refuse de la doter d'ailes. Profil non idéalisé
mais geste délicat et familier tout ensemble, la coulée de perles
et de jais que la flamme illumine sur la ceinture brodée.
Saint Joseph est souvent représenté en train de lire le livre
où il espère trouver la clé des mystères qui lui
échappent. Lassé, repris par sa nature matérielle, le
vieil homme s'est endormi ; c'est à des yeux clos que l'ange apparait.
S'agit-il de la première vision, celle qui l'avertit que ses doutes
l'égarent et que Marie a conçu sans péché ou bien
de la seconde qui lui ordonne de fuir en Egypte avec Marie et l'enfant ? La
Tour a rejeté toutes les indications traditionnelles qui désignaient
l'épisode et ses circonstances. Pour lui, l'essentiel est ailleurs.
Il est dans l'apparition céleste au moment même où, incapable
de s'élever aux vérités de l'esprit, épuisé
par l'effort, l'homme retombe dans sa pesanteur. Il est dans ce don, toujours
imprévisible et qui fut la grande interrogation de tout le XVIIe, la
grâce. (Thuiller p. 190).
La femme à la puce. Ce tableau déconcerta si fort au moment
de sa découverte, à Rennes en 1955, que le musé de Nancy
put l'acquérir avant que le marché de l'art n'ai le temps de
réagir. Car il s'agit sans conteste d'une femme qui s'épuce
au moment de se coucher. Elle écrase bien une puce entre ses deux ongles
et La Tour a réellement peint cette puce.
D'une part une géométrie stricte, un dépouillement qui fait disparaitre tout accessoire, à part un bracelet de jais au poignet de la femme, de grandes surfaces de rouges traitées en à-plat qui chassent l'obscurité désormais moins dense et d'autre part le réalisme du sujet et le réalisme du visage. Pour aller jusqu'au bout de la vérité humaine, il faut emprisonner dans ce silence et cette lumière, seule vivante et pure, mais qui arrivera bientôt à sa fin, la vérité quotidienne d'un être commun, réduit à ce qu'il a de plus humble et vulgaire, et qui néanmoins est un être, une âme.
P228 : schéma traditionnel depuis le caravagisme, peut-être pour
être exécuté avec son fils, Etienne.
Vielleur musicien aveugle P. 82, Bergues, Remiremont ou Nantes, debout assis
de profil, assis de trois-quarts, il modifie un détail de l'habillement
ou le dessin de la rosace de la vielle, il place au premier plan un chien
d'aveugle ou une sacoche ou un chapeau à plume. La Tour ne dessine
pas mais cette lente maturation que d'autres obtiennent en accumulant feuille
après feuille les études, il l'obtient au pinceau en multipliant
les versions d 'un même sujet.
Flammarion 1992, Jacques Thuillier
Quatre chapitres des pages 13 à 238. Un jeune peintre natif de Vic,
Les certitudes du réalisme, La peinture, la gloire et la tragédie,
La méditation brisée.
Introduction, documents d'archives, catalogue des uvres, bibliographie,
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Le vielleur au chien (Bergues) à la sacoche, au ruban (Prado), Nantes