La photographie américaine des années 70

 

Bibliothèque Nationale.

29 octobre 2008-25 janvier 2009


Rupture et continuité

Ce n'est sans doute pas un hasard si, simultanément aux rétrospectives ou hommages à Bruce Conner (Beaubourg) et Wallace Berman (galerie Frank Elbaz), la Bibliothèque Nationale nous propose un retour sur la photographie américaine des années 70. Comme si les interrogations sur les modes de représentation induits par les médias les plus répandus de notre temps, photo et vidéo, nous renvoyaient de manière insistante à ce que cette période a encore à nous dire. Mais, au moment où tous ces artistes en sont à l'heure du bilan, les échos des années 70 nous parviennent peut-être plus clairement, à la faveur de circonstances sociopolitiques comparables.

L'invention de formes qui caractérise les années 70 s'inscrit pourtant dans une lignée à laquelle l'exposition fait justice. En citant Walker Evans, Louis Faurer et Robert Frank, auxquels on aurait bien vu ajouter Edward Weston, elle établit la prééminence de ceux qui ont contribué à investir le champ de la photographie des interrogations relatives à l'esthétique, au politique, à l'intime, au social. Les forces qui travaillent la photographie sont en effet multiples et les œuvres exposées en rendent compte.

 

Unité et diversité

Celles-ci émanent de photographes célèbres (Lee Friedlander, Diane Arbus, Garry Winogrand, Lewis Baltz), mais aussi de moins connus du grand public (Joe Deal, Bill Owens, Burk Uzzle). Les sujets, autant que les traitements, témoignent d'une pluralité des univers. Entre le documentaire empathique de Larry Clark et les visions contemplatives de Lee Friedlander, entre le graphisme suburbain quasi-abstrait de Baltz et les truculentes scènes de rue de Winogrand, c'est une large gamme de poses, d'environnements, d'atmosphères et d'émotions qui se trouve explorée. Mais au-delà des formats, tous comparables, et du choix unanime du noir et blanc (seuls les nuages d'Eggleston viennent troubler cette unité en fin de parcours), l'ensemble dégage une cohérence, qui est peut-être la raison d'être de l'exposition.

 

Signes et normes

Les photographes exposés portent certainement des valeurs héritées des maîtres cités plus haut. L'abandon des "sujets nobles"1 , l'éloignement du pittoresque avaient certes déjà été préfigurés par Evans et les autres. Probablement ni plus ni moins que la littérature ou le cinéma, la photographie prend acte des bouleversements sociaux et trouve dans les marges une nouvelle matière à représentation. Mais la démocratisation de sa pratique (à la fois dans le sens de la production que de consommation d'images) en démultiplie les intentions et les effets. C'est l'exploration des limites de leur art qui unit ces photographes. Autour du signe, de sa profusion, de son absence ou de son mystère, c'est une œuvre collective somme toute très métaphysique qui s'est constituée. Autour de la norme, c'est aussi une démarche politique engagée, pas moins humaniste que la tradition européenne qu'elle interrogeait alors.

 

Christophe Cormier le 10/02/2009

Bibliographie :

Ressources internet :

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