DVD

Editeur : Epicentre, juillet 2009. 20 euros.

Suppléments :

  • Interview d'Alain Guiraudie.
  • Bande-annonce

Voici venu le temps où les guerriers d'Obitanie sont à nouveau sur le qui-vive, lancés à la poursuite de Manjas-Kébir, le bandit qui a enlevé la fille de Rixo Lomadis Bron, un riche propriétaire terrien qui règne en maître sur les bergers de la Montagne Pourpre.

Voici venu le temps où Rixo Lomadis Bron, accusant Manjas-Kébir d'avoir tué sa fille, exhorte tous les habitants du pays à traquer l'assassin... Et où Radovan Rémila Stoï, le plus grand guerrier de la contrée, s'élève contre cet acte insensé qui a toutes les chances de les mener à la guerre....

 

Voici venu le temps avec son titre prophétique relève pourtant du western crépusculaire. On y trouve les guerriers, défenseurs de l'ordre, les bandits, les propriétaires terriens, leurs bergers opprimés et les chasseurs de primes présents dans nombreux westerns. On y trouve aussi la description d'un monde qui va basculer : les guerriers y sont méprisés, de moins en moins nombreux, supplantés par les paysans ou par de vils chasseurs de prime sans foi ni loi. Et lorsque Toba déclare à Fogo : "Regarde autour de toi, tu verras que tu n'es pas seul", à la fin du film, rien n'est moins sur.

Un western crépusculaire et sentimental

La création de cette Obitanie fictive, avec ses provinces d'Emborque et de Catalie, et ses villes, Urbicate, Fontaine-rose ou Brise-roches, concoure paradoxalement à rendre plus vraisemblable ce western que s'il avait été situé dans de prosaïques territoires de l'Aveyron. L'Obitanie et ses animaux, végétaux ou monnaie étranges (ounays, ondonants et crobans) est un territoire de légende où l'on se bat avec fusils et épées.

Comme tout grand western, il y a aussi des histoires d'amours et d'amitiés. Fogo est pris entre deux hommes "l'un avec lequel je couche et l'autre avec lequel je ne couche pas". Tous deux sont déjà mariés mais Fogo ne peut se satisfaire d'aimer quelqu'un sans croire que cela durera toujours... ou deux ans au moins comme le lui suggère Soforan.

La communauté des hommes y est fortement soudée par les rêves qu'ils entretiennent, qu'ils soient bergers, bandits, guerriers ou constructeur de machines impossibles. Tuer leur rêve, c'est les tuer. Oneira Tanda croyait, en détruisant la machine de son mari, être aimé à sa place. Fogo lui avait pourtant dit que les êtres humains, êtres de désirs physiques, n'appartenaient pas au domaine du rêve et Rimamba se suicidera.

Un western politique

Entre grands propriétaires explorateurs de bergers et bandits, les guerriers font régner un ordre qui arrange les premiers. Mais les positions de chacun ne sont pas aussi nettes. Fogo est un guerrier citoyen qui veut changer la donne sociale par l'action collective, en l'occurrence le boycott de la viande d'ounays. Il se propose d'étendre à l'étranger si ses revendications en faveur des bergers ne sont pas acceptées : 5 000 crobans de salaire annuel qui s'ajoutent aux tickets existants, deux jours de repos et plus de déplacements forcés. A l'inverse, les bandits, menés par Soniéra Noubi-Datch et qui poursuivent le même objectif de libération des bergers ont recourt à l'action violente. En s'alliant avec Urbanos, ils provoquent un massacre qui leur parait anodin "Si, en plus de changer le monde, il faut le faire sans verser le sang, on est pas sorti de l'auberge".

Fogo se saura trop comment les juger : est-ce de la naïveté ou une envie envie d'en finir avec le monde ? Car leur action conduit finalement au drame. Les primes offertes conduisent à la mort de Manjas Kebir dont la réputation de guerrier sanguinaire était totalement injustifiée.

Sans nobles bandits, sans doute n'y aura-t-il plus de nobles guerriers. Comme le remarque Fogo, c'est parce qu'il y a plus à inventer dans l'agriculture que dans la guerre que la première supplante la première. Soforan avec sa ferme aux escargots fait sans doute le seul choix raisonnable.

La lumière magnifique qui baigne le film permet de retrouver une unité formelle sans cesse menacée d'écartèlement du fait des nombreux genres parodiés : le western, (pendaison, chasseurs de prime, traversée du fleuve frontière, marches et bivouacs) le conte (les fleurs exubérantes, la machine impossible) ou le film d'aventures (assaut du château, le bar de Loupiana, parodie de celui de La guerre des étoiles avec ses ampoules et ses boissons manifestement non alcoolisées, le combat de Radovan et d'Urbanos).

Aussi intransigeant sur ses choix sexuels que politiques ou formels, Guiraudie imprègne son film d'une sensualité fortement marquée par l'homosexualité du personnage principal qui empêche probablement le film d'atteindre le succès public qu'il mérite.

J.-L. L. le 13/07/2009

Interview de Alain Guiraudie

Il importe pour Alain Guiraudie de mêler les petits problèmes personnels avec la grande aventure du monde. Il est toujours aussi excédé d'un cinéma français coincé entre quatre murs, trop urbain et petit bourgeois. D'où sa préférence pour la campagne, les guerriers, les bandits.

Il a conçu le film il y a maintenant dix ans avec la lutte des classes comme moteur de l'histoire. Il voudrait sortir du conditionnement qui pousse à aimer du même (même age, même milieu, même sexe). Il regrette le lexique livré dans le dossier de presse du film. Il n'y a que six noms communs inventés, les bigounes, les ounailles...

Il demande à ses comédiens d'adopter un ton désinvolte mais concerné. Eric Bougnon le fait penser à Marlon Brando alors qu'il apprécie chez Guillaume Viry le côté nonchalant, pince sans rire.

 

 
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Voici venu le temps de Alain Guiraudie